Rendez-vous à cinq heures au Luco

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LE JARDIN DU LUXEMBOURG
par Lorenzo dell’Acqua

Le paradis de ma jeunesse n’a jamais eu plusieurs visages. Peuplé d’enfants gais et d’adolescents amoureux, le Jardin du Luxembourg, que les zazous appelaient jadis le Luco, est resté le refuge de mes insouciances. Ses joueurs d’échec, de vieux messieurs tristes mais très intelligents, ne parlent toujours pas, ne sourient jamais et restent vissés pendant des heures à leurs chaises. Sur le grand bassin naviguent des bateaux à voile semblables à ceux que nous louaient jadis nos mamans et que nous poussions avec une longue baguette de bois. Quand il fait grand froid, les canards continuent d’enfreindre l’interdiction de marcher sur leur surface gelée comme le recommandent de hauts panneaux de bois vert. Hier, il y avait aussi des voitures à pédales hétéroclites dont la circulation était réglée par des gardiens en pélerine noire. Des années plus tard, ces mêmes gardiens nous sermonnaient, ma petite amie et moi, quand ils nous surprenaient enlacés sur un banc. A cette époque où les chaises étaient payantes et où de vieilles dames venaient nous réclamer le montant de leur location, nous devions nous enfuir à leur approche et nous réfugier sur ces inconfortables bancs en bois. Heureusement, aujourd’hui encore, les vélos et les chiens demeurent interdits au Jardin du Luxembourg.

Et puis, d’une blancheur immaculée depuis que les mouettes ont chassé les pigeons, les statues des femmes célèbres et des reines de France veillent toujours sur le grand bassin. Parmi elles, deux inconnues, Clémence Isaure et Laure de Noves. La première n’a jamais existé et la seconde est un amalgame fantaisiste. Nos compagnes devraient dénoncer les machistes qui les ont inventées de toutes pièces alors qu’ils avaient sous la main Jeanne d’Arc, Mary Curry, Edith de Nantes, Kiki Caron et Lariègeoise. Même si j’en ai oublié quelques-unes, reconnaissons qu’il n’y avait pas pléthore.

En été, une foule de touristes occupe le plus beau jardin du monde et en éloigne ses fidèles habitués qui ne pourront se perdre à nouveau dans ses allées familières qu’à l’automne. La plus belle saison, c’est au début de l’hiver quand les rayons du soleil traversent ses rangées d’arbres et dessinent sur le sol un réseau d’ombres et de lumières pareil aux cartes mystérieuses de pays où nous n’irons jamais.

 

11 réflexions sur « Rendez-vous à cinq heures au Luco »

  1. Le Luxembourg, cher Lorenzo, est depuis mon enfance lointaine un territoire privilégié, vous m’y avez peut-être croisé. Il se trouve que j’ai fait toutes mes études secondaires dans une école toute proche de bonne réputation je crois puisque notre ministre de l’éducation nationale y a collé ses enfants. Bien d’autres avant lui. Quand j’étais au petit collège, entrée rue d’Assas, c’est au Petit Luco, dit le Jardin des Grands Explorateurs avec le Fontaine Carpeaux á son bout, que je jouais aux billes. Au grand collège (entrée 109 rue ND des Champs), c’est de ce moment là que le Jardin du Luxembourg est devenu mon terrain de jeu, surtout le bassin sur lequel je naviguais aussi en rêves. Aujourd’hui, je ne rate pas une occasion de le traverser par ses allées et de m’y arrêter un instant assis sur un banc ou une chaise (gratuite). Et puis Hemingway aussi y traînait ses guêtres. Le Luxembourg avec ses allées, ses statues, ses multiples vues, est plus qu’un jardin, c’est un lieu de contemplation et de mémoire.

  2. Et moi j’ai jamais vu Philippe et Sophie au Rostand

  3. Gérard de Nerval a vu le bonheur passer dans « Une allée du Luxembourg ». J’y ai vu Jean-Pierre et Gisèle du côté Guynemer/Vaugirard/Bonaparte.

  4. Le Luxembourg est sur la Rive Gauche, le Ranelagh sur la Droite. C’est tout!

  5. Oh mais il y a belles dames à la Botero , dans des camionnettes blanches, à deux pas,au bord du lac du bois de Boulogne, si c’est la poésie des rencontres qui motive le déplacement…

  6. Ouais ! Peut-être bien qu’y a un Guignol et un manège ! Y a La Fontaine, aussi, et puis y a de chouettes statues. Mais vas-y donc, au Ranelagh, pour rencontrer les filles de l’Alliance Française ou les étudiantes de la Fac de Droit, les lycéennes de Notre Dame de Sion ! Comment tu fais, quand t’es au Ranelagh, pour les rencontrer ? Hein ? Ben, c’est pas compliqué faut prendre le métro et descendre à Luxembourg. C’est pas une affaire de snobisme, le Luco. C’est plutôt que c’est drôlement plus fertile en gisquettes!

  7. Sans doute, mais jamais personne n’a écrit une aussi jolie chanson sur le Jardin du Ranelagh que celle que vous pourrez écouter en cliquant sur le lien suivant, comme on dit aux initiés :

  8. https://www.youtube.com/watch?v=xbt8y4Xso_o
  9. Les vieux messieurs du Luxembourg
    paroles de Maurice Genevoix et musique de Guy Lafarge
    par les Frères Jacques.

    Ça, c’est de la nostalgie…

  10. Oh ça va les snobs du Luco
    Je peux vous rendre la pareille avec le jardin du Ranelagh, avec son manège de chevaux de bois actionné à la main par une matronne qui distille ses anneaux à la tête du jeune client, son guignol d’où jaillissent des hurlements à chaque coup de bâton , sa guérite d’époque pas encore vandalisée par les sbires de la mairie, son kiosque à musique où se réfugient les hurleurs en culotte courte quandil pleut, ses
    statues de belles aux poses alanguies, un Jean de la Fontaine en bronze avec à ses pied le corbeau et le renard ( dont la queue a disparu – esprits grivois s’abstenir)
    Bref sortez un peu de votre pré carré les mecs….

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