QUI SUIS-JE ?

temps de lecture : 2 minutes 

(est-ce que je sais, moi ? )

J’envahis un pays voisin,
Je bombarde ses villes chaque jour,
Je promets de continuer à détruire ses infrastructures énergétiques,
Je menace d’employer tous les types d’armes dont je dispose,
J’envoie au front des conscrits sans formation ni équipement, dans une armée désorganisée, corrompue et criminelle
J’annonce que j’irai jusqu’à l’accomplissement total de mes objectifs,
J’affirme que je n’ouvrirai de négociations que lorsque le pays voisin se déclarera vaincu,
Je clame et fait clamer partout que tout ça, c’est parce que l’OTAN veut m’envahir,

Qui suis-je ?

Poutine !

Je ne réagis pas aux bombardements ennemis à proximité de ma capitale,
Je ne réagis pas aux livraisons à mon ennemi d’armes occidentales de plus en plus nombreuses et sophistiquées,
Je dis que je n’utiliserai pas l’arme nucléaire parce que je ne suis pas fou,
Je publie un sondage selon lequel les Russes sont à 55% en faveur d’un arrêt de la guerre,
J’annonce que je ne ferai pas de deuxième vague de conscription,
Je libère une basketteuse américaine,

Qui suis-je ?

Vladimir !

Tandis que Poutine se montre toujours aussi agressif et jusque-boutiste, Vladimir se montre de plus en plus conciliant, raisonnable et même ouvert.

Vladimir Poutine est-il en même temps Jekyll et Hyde, Janus pile et Janus face ? Sa personnalité est-elle multiple ? Souffre-t-il d’un trouble dissociatif de l’identité ? Y a-t-il le jour un good-Vladimir et la nuit un bad-Poutine ?

Rien de tout ça, mes amis ! Il n’y a qu’un seul Vladimir Poutine et, tout bien considéré, c’est tant mieux  !

Vladimir Poutine est unique.
Il ne souffre pas du trouble pathologique que l’on appelle mythomanie.
Vladimir Poutine est tout simplement un menteur.

Il n’est pas un menteur compulsif, il est un menteur pragmatique. Le mensonge, au même titre que l’assassinat, fait partie de sa méthode de gouvernement et, à présent, de sa méthode de survie.

Poutine parle à ceux des Russes qui le soutiennent, et Vladimir parle au gouvernement de la Chine, au gouvernement de l’Inde et à la population de l’Occident. Quand je dis qu’il parle à la population de l’Occident, c’est bien évidemment une généralisation abusive, car il parle  en fait à cette partie de l’opinion publique occidentale qui, par amour de l’ordre, mépris de la démocratie, anti-américanisme secondaire, complotisme et autres fariboles est toujours prête à excuser, justifier, admirer le tyran, quel qu’il soit.

 

8 réflexions sur « QUI SUIS-JE ? »

  1. Lucide description d’un personnage qui aimerais être une personne. Pourrait-on dire?

  2. Brian a écrit sur Quora dans l’Espace « Actualité et Géopolitique ».

    Je profite de l’occasion pour signaler mon Espace Quora « En.R et Climat ».
    Je me contente d’y collecter les articles les plus intéressants , à mon très humble avis, sur le Climat, le CO2, et les EnR, glanés dans les questions/réponses de Quora.

    Je vous invite à y jeter un coup d’oeil.

  3. Une petite correction à mon commentaire précédent: à propos du monde occidental, j’ai omis de mettre un S à goinfre égoïste, donc goinfres égoïstes, car ce monde occidental est composite, fracturé dans ses composantes, et chacun pour soi. C’est ce qui fait sa faiblesse dont les russes tirent parti, en tout cas ils essayent.
    Non! Je ne suis pas un robot et il m’arrive que le JDC me fasse penser.

  4. Toutes ces considérations sont perspicaces comme tous les articles et les livres qui paraissent répétitivement sur Poutine et la Russie le sont. Mais c’est comme le printemps, ce n’est pas une hirondelle qui le fait pour moi. Pour ma part, je résume la situation actuelle à quelques considérations non originales mais simples: la nation Russe possède le plus grand territoire du monde avec une population slave petite comparativement aux autres puissances mondiales, laquelle n’a jamais connu autre chose qu’un régime de gouvernance totalitaire (le tsarisme, le bolchevisme, la farce poutinienne actuelle), résignée, consciente de ses sacrifices, fière tout de même, prise entre deux puissances, d’un côté la puissance chinoise, asiatique ambitieuse, encore plus totalitaire, et de l’autre un monde occidental arrogant facile à caricaturer en goinfre égoïste et en plus bourré de contradictions et de faiblesse, en un mot décadent. Dans ces conditions, une population docile, un monde occidental incertain et une puissance chinoise émergente ambitieuse, le terrain est propice pour des manipulateurs déterminés à poursuivre leurs chimères d’une Russie retrouvant sa grandeur passée, celle des tsars (admirée pour sa culture) et celle du léninisme-stalinisme, craint pour sa puissance atomique. C’est dans ces conditions que Poutine est arrivé et propulsé parmi ces manipulateurs. Je ne connais pas la fin de l’histoire mais je me dit qu’elle sera dictée par les deux autres mondes, l’Occident et la Chine, peut-être aussi avec le concours, lui aussi émergent, du reste du monde qui n’est pas en reste justement.

  5. Encore un mot, juste pour souligner que, selon l’article de Gogarty, les motivations de l’action de Poutine (et de l’état russe) en Ukraine sont exclusivement endogènes, favorisées par le souci d’un occident timoré de ne pas exciter l’ours surévalué.

  6. Étonnant article de cet étonnant personnage qu’est Brian Gogarty.
    Breton qu’il ne faut pas confondre avec son homonyme canadien auteur de livres pour enfants, Brian écrit beaucoup sur le forum internet Quora.
    La diversité des centres d’intérêt et l’abondance des articles de Gogarty sur Quora est surprenante : souvent plusieurs articles par semaine, sur l’histoire récente, l’histoire ancienne, les sciences de la nature, la politique, la géographie, la psychologie et bien d’autres choses encore.
    Son article sur Poutine qui figure in extenso dans le commentaire de Guy mérite d’être lu. Il donne un résumé des événements et circonstances qui ont prévalu à l’invasion de l’Ukraine et en tire des explications qui m’ont paru, à moi non historien, assez équilibrées.
    On peut en conclure que ce qui a poussé V.P. à cette invasion, c’est l’effondrement du système soviétique sous son propre poids, l’amertume qu’en ont ressenti certains nostalgiques véhéments à tendance paranoïaque, et la faiblesse des réactions de l’Ouest aux nombreuses « opérations spéciales » menées par V.P. avant février 2022.

  7. Excellent, merci.
    Pour info, j’ai trouvé cet article qui fait le point.
    Il confirme tes propos.
    Mes excuses pour sa longueur, mais je crois qu’il vaut la peine d’être lu.

    par Brian Gogarty, un brillant étudiant en Histoire.(voir Google)

     »
    « Pourquoi Vladimir Poutine a-t-il déclenché l’invasion de l’Ukraine ?
    Je sais que beaucoup de réponses ont déjà été consacrées à ce genre de questions. Mais maintenant qu’on dispose d’un peu plus de recul par rapport à février ou à mars dernier, juste après le début de l’offensive russe. On ignore comment cette guerre se terminera puisqu’elle est toujours en cours, mais on peut déjà chercher à savoir comment elle a commencé, ce qui l’a déclenchée.

    C’est important de continuer à s’interroger sur les causes de cette guerre, qui implique directement ou indirectement nombre de grandes puissances de ce monde (Russie, États-Unis, Union européenne…) et qui a remis la peur du nucléaire sur le devant de la scène.

    Quelles sont les motivations de Poutine ? Qu’est-ce qui l’a incité à attaquer l’Ukraine ? Comment en est-on arrivé là ? Ce sont des questions sur lesquelles travailleront certainement les historiens futurs. Même si on ne s’en rend pas forcément compte actuellement, nous sommes en train de faire l’Histoire.

    Comment a-t-on pu en arriver là ?
    Pour répondre à cette question, il faut remonter plusieurs décennies en arrière, et probablement commencer par la chute de l’URSS.

    Sur les cendres de l’Union soviétique:

    L’URSS fut jadis un colosse, une superpuissance planétaire, même redoutée par l’autre colosse américain pendant des décennies. Néanmoins, ce géant finit par s’écrouler en 1991. Cet évènement fut très mal vécu par la grande majorité de Russes. Ils étaient désormais libres, mais pauvres et ils avaient l’amère impression de se trouver dans le camp des vaincus, ce qui n’était pas totalement faux.

    L’économie russe s’était pratiquement effondrée, ainsi que le niveau de vie moyen. Et une poignée d’oligarques avait profité de la déliquescence de la société pour s’emparer, de manière éhontée, de presque toutes les richesses restantes. Des millions de gens s’étaient retrouvés sur le carreau. La population russe avait même perdu près de dix ans d’espérance de vie.

    (Parmi les images symboliques de la chute de l’URSS, le premier président russe Boris Eltsine à Moscou avec ses partisans en 1991, le drapeau russe remplaçant désormais le drapeau rouge soviétique.)

    Dans les années 90, le nouvel État russe n’avait même plus les moyens d’entretenir l’arsenal nucléaire qui faisait jadis sa fierté. Les Américains avaient donc accepté de les aider à en démanteler une partie en envoyant des contrôleurs et des techniciens.

    Ainsi, le peuple russe vécut mal ce qu’il considérait comme une intrusion par le vieil adversaire dans ce qui garantissait sa sécurité, et qui représentait le dernier symbole de sa grandeur. Ce peuple se sentait alors dominé, mis sous tutelle. Leur pays était passé du statut de superpuissance à presque celui de nation du tiers-monde. L’humiliation était énorme.

    L’ascension de Poutine:
    C’est dans ce climat général d’humiliation et d’amertume qu’est apparu un certain Vladimir Poutine, encore relativement peu connu. Ancien officier du KGB pendant la guerre froide, il fut d’abord embauché par la mairie de Saint-Pétersbourg où il gravit les échelons, jusqu’à être recommandé auprès du président Boris Eltsine dont il rejoignit l’administration à Moscou en 1996.

    (Poutine devint un acteur indispensable du gouvernement d’Eltsine, devenant ainsi premier ministre avant de remplacer le président âgé et incompétent.)

    Remplaçant Eltsine en décembre 1999 par intérim, puis élu président en 2000, Poutine apparaissait encore comme un personnage sans envergure aux yeux des Occidentaux, ni des oligarques russes qui pensaient pouvoir le manipuler comme ils le faisaient avec un Eltsine alcoolique et malade.

    Mais en Russie, la situation économique avait changé. L’argent coulait de nouveau à flot dans les caisses de l’État grâce à la hausse du cours des matières premières, pétrole et gaz, sur le marché mondial. Lorsqu’il accéda à la présidence, Poutine bénéficia de cette conjoncture économique très favorable qui avait terriblement manqué à ses prédécesseurs.

    Les objectifs de Poutine:
    Lors des premières années de sa présidence, Poutine semblait donner l’image d’un homme plutôt rigide mais relativement ouvert au libéralisme de l’Occident. Il tenta même, du moins en apparence, de se rapprocher des anciens adversaires de l’Ouest. L’ancien président français Chirac tenait d’ailleurs Poutine en bonne estime.

    Objectivement, c’est difficile de savoir si Poutine était vraiment sincère dans cette démarche. Néanmoins, selon des experts comme Frédéric Encel, Poutine projetait probablement déjà d’entrer en conflit avec l’Occident.

    Cette tentative de rapprochement aurait donc surtout consisté à jauger les dirigeants occidentaux et à gagner du temps pour renforcer la puissance russe. Cette théorie semble concorder avec les faits puisque Poutine profita de la croissance économique pour relancer les dépenses militaires afin de reconstituer une armée russe puissante.

    D’autres experts, comme Sergueï Jirnov, rejoignent cette analyse en affirmant que Poutine, issu du KGB, reste un homme de la guerre froide. Il s’agit alors de rentrer dans un rapport de forces, d’envergure, avec l’Occident tout en récupérant les anciennes conquêtes russes pour effacer l’humiliation de la Russie et refaire d’elle une superpuissance de nouveau crainte.

    L’idéologie de Poutine:
    Selon la vision de Poutine, que l’on pourrait qualifier de postmoderne, la Russie n’est ni européenne ni asiatique, elle est originale, une civilisation à part entière, d’où l’absence des valeurs libérales. Il a créé sa propre idéologie en récupérant la grandeur passée de l’URSS, les élans nationalistes et la religion orthodoxe. Deux théoriciens l’ont particulièrement influencés dans cette démarche.

    L’un d’eux est Alexandre Douguine, même si on ignore son réel degré de proximité avec Poutine. Mais Douguine a repris une doctrine née chez les tsaristes qui fuyaient les bolcheviques : l’eurasisme, à savoir la création d’un empire au sein de l’Eurasie rejetant les influences anciennes de l’Occident romano-germanique. Selon lui, la Russie devrait récupérer les anciennes républiques soviétiques, mais aussi des pays d’Europe de l’Est, pour mieux contrer les puissances occidentales[1].

    L’autre était Ivan Iline. Selon ce dernier, le monde est corrompu, et la rédemption viendra d’une nation dotée d’une politique totale, la Russie. Il proposait une vision quasi mystique de la destinée du pays qui doit l’affranchir de toutes les lois de la réalité physique. Juste avant d’ordonner l’annexion de la Crimée en 2014, Poutine avait fait distribuer à tous les gouverneurs et hauts fonctionnaires une copie du livre d’Iline « Nos missions »[2].

    La Tchétchénie:
    Poutine estime que pour redonner à la Russie sa place de superpuissance, il faut en outre récupérer les anciennes conquêtes russes. C’est ainsi qu’il reprit en main la deuxième guerre de Tchétchénie. Officiellement terminée en février 2000, celle-ci continua en fait jusqu’en 2009. Et déjà, le Kremlin ne parlait pas de guerre mais « d’opération antiterroriste ».

    Cette guerre menée contre les indépendantistes tchétchènes fit jusqu’à 300 000 victimes, dont beaucoup de civils, et fut le théâtre d’exactions aussi diverses que fréquentes : bombardements d’hôpitaux, exécutions sommaires, viols, etc. Mais peu de journalistes étaient présents sur place. Que « pesaient » médiatiquement la Tchétchénie et son million d’habitants ?

    (Grozny, la capitale tchétchène, fut quasiment rasée, devenant la « ville la plus détruite du monde » selon l’ONU)

    La Géorgie:
    L’Occident n’a que peu réagi à cette guerre de Tchétchénie, ce qui encouragea Poutine à intervenir dans un autre pays : la Géorgie. En 2003, ce pays avait été le théâtre de manifestations populaires, connues sous le nom de Révolution des Roses, qui ont provoqué la démission de l’ancien président Edouard Chevardnadze, accusé de fraudes. Celui-ci fut remplacé par le pro-européen Mikheil Saakachvili.
    Ce dernier souhaitait faire adhérer la Géorgie à l’UE et l’OTAN pour sortir du giron russe. Le Kremlin décida alors d’intervenir militairement en 2008. Cette guerre permit de restaurer la domination russe en Géorgie, notamment à travers une présence militaire permanente dans le pays[3].

    Et là encore, les dirigeants occidentaux ont relativement peu réagi, préférant miser sur la carte diplomatique avec le Kremlin, sans en obtenir grand-chose. Cette passivité conforta Poutine dans son idée du « déclin de l’Occident », et l’encouragea donc à continuer sur sa lancée.

    La Syrie:
    Au cœur de la guerre en Syrie, l’ancien président américain Obama avait tracé cette fameuse ligne rouge à ne pas franchir : si le régime de Bachar al-Assad utilisait des armes chimiques, les USA et leurs alliés bombarderaient ses troupes. Mais finalement, quand Assad eut recours aux gaz en août 2013, Obama décida de renoncer, et ce pour des raisons toujours débattues aujourd’hui.

    Cela est passé pour une nouvelle preuve de faiblesse aux yeux de Poutine, qui en a donc profité pour prendre les rennes du conflit syrien. Le soutien de l’armée russe a permis à Assad de reprendre le dessus. Le manque de réactions des Occidentaux a motivé Poutine pour se tourner vers son nouvel objectif : l’Ukraine.

    Le début des ennuis en Ukraine:
    On parle souvent de cette guerre d’Ukraine comme si elle avait commencé en février 2022, mais pour les Ukrainiens elle a débuté dès 2014 lors de l’annexion de la Crimée et la déstabilisation de la région du Donbass par la Russie. Toutefois, pour mieux comprendre, il faut plutôt remonter à la campagne présidentielle ukrainienne de 2004. L’un des candidats était le pro-russe Viktor Ianoukovytch, qui était naturellement soutenu par le Kremlin.

    (D’ailleurs, durant cette campagne, Poutine est venu en personne en Ukraine pour soutenir Ianoukovitch, à droite. Image)

    C’est Ianoukovitch qui fut élu en 2004. Néanmoins, ses opposants et l’OSCE l’ont accusé de fraude électorale, ce qui déclencha en Ukraine les manifestations populaires : la fameuse Révolution orange (l’équivalent de la Révolution rose en Géorgie). Un nouveau second tour fut alors organisé, dans des conditions jugées plus transparentes par l’OSCE. Et cette fois, le pro-russe est sorti perdant face à son adversaire Viktor Iouchtchenko.

    La doctrine Guerassimov:
    Au cours des années 2000, plusieurs républiques de l’ancien bloc soviétique ont connu les fameuses révolutions de couleur : « rose » en Géorgie en 2003, « orange » en Ukraine en 2004. des « tulipes » au Kirghizistan en 2005 et « en jean » en Biélorussie en 2006.

    Toutefois, selon le Kremlin, tous ces évènements ne sont que des troubles et des coups d’État, qui n’ont rien de populaire ni de spontané mais seraient inspirés, financés et organisés depuis l’Occident. En 2013, le nouveau chef d’état-major de l’armée russe, Valeri Guerassimov, théorisa cela dans une doctrine militaire russe qui porte son propre nom[4].

    Guerassimov a théorisé ainsi la guerre de l’information, sans forcément utiliser les troupes, les chars, les avions…). La doctrine Guerassimov analyse comment certains pays occidentaux, les USA d’abord, s’efforcent de déstabiliser les régimes postsoviétiques en les montant contre la Russie. Il y a du vrai là-dedans, mais aussi du faux.

    Certes, il est indéniable que des services étrangers (donnons leur au moins un nom : la CIA) sont intervenus pendant toute cette période dans le soutien logistique et financier aux opposants en Ukraine. Néanmoins, il est excessif de dire que l’Occident est entièrement derrière ces évènements.

    Cette vision complotiste est compatible avec une certaine logique paranoïaque du Kremlin : les revendications des peuples réclamant plus de liberté et de démocratie n’existent pas. Ces gens qui s’expriment ne sont alors que des marionnettes manipulables à souhait par la CIA, comme l’étaient avant les dissidents soviétiques.

    Le début de la guerre:
    Lors de la présidentielle de 2010 en Ukraine, le candidat pro-russe Viktor Ianoukovitch a pris sa revanche en remportant cette fois les élections. Il a été de nouveau accusé de fraude par ses opposants mais pas par l’OSCE, faute de preuve.

    Durant son mandat, Ianoukovitch a renouvelé le bail de la flotte militaire russe mouillant à Sébastopol et diminué de 30 % le prix des importations de gaz russe. Il a aussi considérablement renforcé les pouvoirs du président dans une dérive autoritaire incluant une censure grandissante, ce qui commençait à détériorer sérieusement les relations avec l’UE.

    En novembre 2013, Ianoukovitch a décidé de renoncer à un accord de coopération économique et politique prévu avec Bruxelles. En conséquences, des manifestations monstres se sont déclenchées dans tout le pays pour contester cette décision perçue comme une volonté de se rapprocher davantage de la Russie.

    La situation s’est tendue davantage avec la Révolution ukrainienne de 2014, qui a opposé les pro-ukrainiens aux pro-russes. Finalement destitué par le parlement ukrainien, Ianoukovitch s’est résolu à fuir le pays en dénonçant ce qu’il considérait comme un coup d’État. Et peu après, l’armée russe intervenait.

    De nos jours, l’ancien président Ianoukovitch est poursuivi par Interpol pour fraudes et détournements de biens[5].

    La question de l’OTAN:
    Depuis des années, l’Ukraine entretient des liens étroits et ambigus avec les USA et l’OTAN. En effet, elle participe régulièrement à des exercices militaires avec des troupes issues de l’OTAN, tout en n’en faisant pas partie. Les exercices les plus récents sont « Sea Breeze » dans la mer Noire en juillet 2021, et « Rapid Trident » en septembre 2021 près de Lviv, à l’ouest du pays.

    Pourquoi ces liens ? En 2014, l’armée ukrainienne était considérée comme faible car elle n’avait pas brillé en Crimée et au Donbass. Cela a sérieusement préoccupé le gouvernement ukrainien face à une menace russe constante et grandissante. Pour y faire face, un contrat de 2,5 milliards de dollars a donc été signé avec l’OTAN et les USA pour aider à former l’armée ukrainienne.

    Cela a beaucoup déplu à Poutine qui soutenait militairement les séparatistes du Donbass, et craignait ainsi de perdre l’initiative. Il dénonçait déjà à l’époque la menace que représente cet accord, alors que le problème venait d’abord de lui.

    Cependant, n’oublions pas que l’OTAN est une alliance militaire qui s’est construite historiquement contre l’URSS/Russie. On peut légitimement comprendre que les Russes ne veulent pas voir des bases militaires américaines s’implanter potentiellement aux portes de leur pays, cela serait considéré comme une provocation. Ce facteur a donc certainement pesé aussi dans la balance. Pour autant, cela ne justifie pas une invasion.

    Il faut aussi relativiser en rappelant que l’OTAN est une alliance militaire défensive, qui n’a jamais attaqué l’URSS/Russie. Rappelons aussi que dans le cadre des mémorandums de Budapest en 1994, l’Ukraine, qui était pourtant à l’époque la troisième puissance nucléaire mondiale, avait accepté de renoncer à l’ensemble de son arsenal nucléaire en échange de la promesse du Kremlin de respecter ses frontières.

    Depuis 2014, l’Ukraine se réfère souvent à cet accord.

    L’Estonie, la Lituanie et la Lettonie, trois pays frontaliers de la Russie, sont devenus membres de l’OTAN et bénéficient alors d’une présence militaire renforcée qui place Saint-Pétersbourg et ses 5 millions d’habitants à 160 kilomètres de portée d’une éventuelle attaque de l’OTAN depuis la ville frontalière estonienne de Narva.

    Moscou se situe approximativement à la même portée des pays baltes que de l’Ukraine. Donc, stratégiquement, cela ne change pas grand-chose. Mais politiquement, c’est autre chose car cela pourrait affaiblir la position de la Russie. Néanmoins, encore une fois, cela ne suffit pas à légitimer une invasion.

    Après la chute de l’URSS, des pays d’Europe de l’Est en ont profité pour rejoindre l’OTAN afin de s’éloigner du giron russe qui les avait longtemps dominés. Ce rapprochement de l’OTAN à ses frontières a certainement mécontenté la Russie. Toutefois, contrairement à ce qu’on entend parfois, il n’y a pas eu de véritable traité formel dans lequel l’OTAN s’engageait à ne pas s’étendre en Europe de l’Est[6].

    En 2008, l’OTAN avait promis à la Géorgie et à l’Ukraine de les intégrer un jour, ce à quoi la Russie était évidemment opposée. Cela a été probablement une motivation supplémentaire pour le Kremlin d’intervenir. Pour autant, cela ne suffit pas non plus à faire de l’OTAN une cause fondamentale de cette guerre, elle constitue plutôt un facteur qui a contribué à la dégradation des relations avec la Russie[7].

    La question des minorités russes:

    Selon le Kremlin, les populations ukrainiennes d’origine russe, qui vivent à l’est et au sud du pays, sont persécutées, d’où la nécessité d’intervenir pour les protéger. Il s’agit même du principal contentieux avancé en Ukraine depuis 2014.

    Poutine a même évoqué un véritable « génocide » au Donbass contre lequel l’Occident ne ferait rien. Ce terme n’est probablement pas choisi aux hasard car il fait resurgir en Europe les traumatismes liés à la Seconde Guerre mondiale.

    Après l’éclatement de l’URSS, de nombreux Russes ethniques sont soudain devenus des étrangers dans les pays où ils vivaient depuis des années, voire des décennies, et dont ils ne parlaient souvent pas la langue (en URSS, la langue officielle était le russe). Dans beaucoup d’endroits, ils ont effectivement commencé à subir des discriminations à l’embauche, à l’accès au logement, à l’aide médicale, à l’éducation, etc.

    Mais le Kremlin ne s’est pas occupé d’eux. Le budget national russe à l’époque était trop exsangue pour prendre en charge leurs rapatriement, relogement et réintégration. Cependant, depuis l’arrivée au pouvoir de Poutine, qui coïncidait avec la hausse des prix mondiaux des matières premières et le remplissage du budget de l’État, le pays aurait pu faire tout cela mais ne l’a pas fait.

    En 2014, lors de l’annexion de la Crimée par la Russie, seule une minorité des Ukrainiens d’origine russe approuva cette opération. Et durant les années suivantes, beaucoup de soldats morts sous drapeau ukrainien en combattant les séparatistes pro-russes, venaient eux-mêmes de l’est du pays. Rappelons aussi que le président ukrainien Zelensky est russophone.

    Depuis février 2022, beaucoup de villes attaquées par l’armée russe sont russophones, et leurs populations n’ont pas accueilli les militaires russes en libérateurs. Au contraire, Kharkiv et Marioupol ont farouchement résisté contre ces derniers. Enfin, les plus lourdes pertes civiles sont justement parmi ces russophones.

    Toutefois, il y a bien des combats à Louhansk et Donetsk entre Ukrainiens et groupes locaux pro-russes, aidés de soldats russes. Et des exactions sont effectivement commises, des civils sont tués, comme dans toutes les guerres malheureusement. Cependant, il est faux, même mensonger de parler de « génocide ».

    Conclusion:
    La question des minorités russophones et surtout l’ambiguïté de l’OTAN demeurent très controversées dans cette guerre. Ces deux facteurs ont probablement contribué de façon non-négligeable au déclenchement de l’offensive russe de février 2022. D’ailleurs, ce serait maintenant très difficile de faire entrer l’Ukraine dans l’OTAN car le Kremlin aurait encore plus de mal à l’accepter.

    Mais dans le fond, l’élargissement de l’OTAN constitue surtout un outil utilisé par le Kremlin pour tenter de justifier cette invasion. Une guerre qui tire probablement davantage sa source dans les gains politiques que Poutine croyait pouvoir retirer d’une victoire rapide.

    Les causes les plus profondes de cette guerre proviennent sans doute de Poutine lui-même, qui cherche à refaire de la Russie la superpuissance qu’elle était. Pour cela, il mène depuis les années 2000 une politique néo-impérialiste qui consiste à restaurer la domination russe dans les anciennes républiques soviétiques, dont l’Ukraine, et à s’imposer face à un Occident qu’il méprise ouvertement.

    Par la même occasion, Poutine cherche à faire mentir les propos de certains dirigeants occidentaux qu’il juge humiliants, comme par exemple Obama qui avait qualifié la Russie de « puissance régionale » au vu de son faible potentiel économique.

    Pour l’Ukraine, les ennuis ont réellement commencé quand elle a voulu sortir du giron russe, surtout à partir de 2013–2014, pour se tourner vers l’Occident, ce que Poutine n’accepte pas. De plus, si l’Ukraine démocratique et pro-occidentale devient plus prospère que la Russie, cela risque de discréditer le modèle autocratique et anti-occidental de Poutine.

    Cette guerre est de nature impérialiste.

    Références bibliographiques

    Jirnov, S. L’Engrenage : Que veut Poutine ? Éditions Albin Michel, 2022
    Gomart, T. Guerres invisibles : Nos prochains défis géopolitiques, Éditions Tallandier, 2021

    Notes de bas de page

    [1] Du national-bolchévisme à l’eurasisme, qui est vraiment Alexandre Douguine ?
    [2] https://www.lecho.be/culture/general/aux-sources-de-la-pensee-de-poutine/10374656.html
    [3] L’invasion de la Géorgie par la Russie en 2008 a beaucoup à nous apprendre sur le conflit actuel
    [4] Guerre en Ukraine : en quoi consiste la « doctrine Guérassimov », appliquée par Poutine ?
    [5] Interpol diffuse un avis de recherche du président déchu Viktor Ianoukovitch
    [6] L’Otan avait-elle promis à la Russie de ne pas s’étendre aux anciens pays du pacte de Varsovie?
    [7] L’Occident a-t-il une part de responsabilité dans la guerre en Ukraine?
    « 

  8. Vladimir Poutine est tout ça bien sûr et bien pire encore. Je suis d’accord avec l’avant dernier paragraphe: il est conforme à une stratégie parfaitement définie et rodée par le pouvoir totalitaire russe dont il est la marionnette vedette. Il n’empêche, les russes ne sont plus les champions d’échec qu’ils étaient autrefois. Espérons qu’ils deviennent les champions des échecs car leur stratégie devient terriblement inquiétante.

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