Aventure en Afrique (25)

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La paie sur deux chantiers

Un vendredi matin Michel Granges me dit : « demain je vais faire la paie sur les chantiers de Lossa et de Karma. Veux-tu m’accompagner, cela ira plus vite ? ». Nous sommes partis de bonne heure avec ma Land Rover, dans laquelle nous avions placé une malle remplie d’argent en espèce. La paie hebdomadaire s’effectuait suivant un rituel immuable. Etaient d’abord mis en place une table et deux chaises autour desquelles s’installaient les chefs de chantier. Puis, sur la table, étaient disposées la cantine et la liste de tous les travailleurs. A l’appel de son nom, chacun venait chercher son salaire et pointait sur la liste. Cela allait relativement vite malgré le nombre de personnes. Sur ce chantier il y avait environ 250 ouvriers. En milieu de matinée tout le monde avait reçu son dû et nous avions refermé la malle. Cependant, un certain nombre de travailleurs encore présents s’était aperçu qu’il restait de l’argent dans la malle. Mécontents ils nous ont interpelés avec agressivité : nous n’avions pas distribué tout l’argent. Nos tentatives d’expliquer que le reste d’argent étaient pour payer les ouvriers du chantier de Karma ne les a que peu convaincus. Nous avons dû alors recharger la malle à toute vitesse dans notre véhicule protégés par les chefs de chantier avant de partir sans plus tarder. Nous avions fait une erreur de taille qui aurait pu couter à notre sécurité : la malle aurait dû ne contenir que le montant exact servant à payer les ouvriers de Lossa. J’ai bien retenu la leçon pour ne pas reproduire cette erreur pendant la durée de mon séjour au Niger.

Les marseillais


Un matin lors de l’une de nos escapades nous avons croisé un Van Volkswagen, arrêté sur le bas-côté de la route. Son immatriculation était française et se terminait par 13. Il était très rare de croiser des touristes sur les pistes du Niger. Nous nous sommes arrêtés. Il s’agissait d’un couple de globetrotteurs venant du Mali et se dirigeant vers Niamey. Ils voyageaient avec un animal de compagnie : une genette. Rendez-vous avait été pris pour se revoir à la capitale. Nous nous sommes retrouvés quelques temps après et ils nous ont décrit leur périple. Ils étaient partis de Marseille pour rejoindre le Niger via l’Espagne, le Maroc, l’Algérie, le Sahara, le Mali.

Nos voyageurs insolites avaient séjourné quelque temps en pays Dogon. De ce temps passé auprès de cette ethnie sédentaire établie non loin du Niger, ils en avaient rapportés quelques moments insolites vécus. Lorsqu’ils s’étaient installés pendant quelques jours au bord d’une grande mare non loin des célèbres falaises de Diandiagara ils avaient pu observer un homme qui y venait tous les matins et appelait un caïman. L’animal se présentait alors. L’homme sans plus tarder lui envoyait un poulet vivant qui, arrivant à la surface de l’eau, était aussi tôt happé par le reptile. Nos globetrotteurs avaient pu également nous décrire en détail le rite funéraire très particulier des Dogons animistes. Lors du décès, un enterrement est organisé. Le corps du défunt est lavé avant d’être déposé à l’air libre dans les failles des falaises qui servent de cimetière. Son âme reste dans le village. Quelques mois plus tard, sont organisées des funérailles qui permettent à la famille et aux proches de rendre un hommage au défunt. Son âme continue d’errer dans les alentours. Dans un troisième temps est organisée une cérémonie collective qui permettait de célébrer aussi toutes les personnes décédées au cours des années précédentes. Les âmes sont appelées à rejoindre les ancêtres. A l’occasion de ce rituel qui peut durer jusqu’à trois jours, les dogons sortent différents masques traditionnels, défilent et dansent dans le village. Cette cérémonie marque la levée de deuil.

Les Marseillais sont restés plusieurs jours à Niamey et en ont profité pour utiliser de notre douche, cela faisait plusieurs mois qu’ils n’en avaient pas pris. En remerciement, ils nous ont offert une statuette représentant une femme en train de faire dévorer par un caïman.

Il doit s’agir d’un objet rituélique : probablement la trace noire encore existante aujourd’hui sur sa surface doit être du sang de poulet sacrifié pour un rite. Le symbole du caïman est important chez les Dogons. On le retrouve sur beaucoup de sculptures, en particulier sur les portes des greniers à mil.

Les marseillais parcourraient l’Afrique et achetaient de l’artisanat traditionnel.

A l’occasion de notre rencontre nous leur avons acheté deux bagues Dogon.

Pendant leur périple, lorsqu’ils arrivaient dans un village, ils secouaient une grosse boîte métallique dans laquelle il y avait des pièces de monnaie. Les habitants comprenaient et apportaient les leurs. Ils choisissaient les plus anciennes et celles pouvant avoir une valeur numismatique qu’ils achetaient aux villageois. Ce pays Dogon était, avant la guerre civile débutée 2012, la région d’Afrique de l’Ouest, la plus visitée.

Quelques temps après notre retour en France, nous avons retrouvé nos globetrotteurs par hasard sur le marché aux puces de Marseille vendant leurs ”africaneries“.

A SUIVRE 

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