Humour et ironie

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L’ironie est très dogmatique. Celui qui ironise détient la vérité. Il l’a détient tellement qu’il fait semblant même d’épouser la thèse inverse. Il est tellement sûr de lui qu’il joue avec la thèse contraire. Par conséquent, pour lui, c’est un jeu. C’est quelqu’un qui est tout à fait sûr de lui. L’ironie suppose l’extrême assurance ou, en tout cas, qu’on détienne la vérité. Si j’étais Montesquieu, si j’avais à défendre la thèse de l’esclavage des noirs, voici ce que je dirais : « Ces gens-là sont noirs depuis les pieds jusques à la tête ; il n’est pas possible que Dieu ait mis une âme humaine dans un corps tout noir, etc, etc. » Il se moque d’une thèse qu’il sait fausse.
Tel n’est pas l’humour. L’humour ne détient pas la vérité, il ne sait pas où est la vérité, il ne sait même pas s’il y en a une. Elle est toujours au-delà. Il ne suffit pas de prendre le contraire. Si, au lieu d’ironiser, j’humorise, il ne suffira pas que vous preniez le contraire de ma thèse pour dire la vérité, parce que le contraire non plus n’est pas la vérité. Le contraire est je ne sais où, au delà , toujours plus loin.

Vladimir Jankélévitch -16 janvier 1974 – Le Grand échiquier 

Ceci est la fidèle transcription d’une interview de Jankelevitch. La rapidité de sa pensée et celle de son débit verbal sont bien connues. Personnellement, je pense, avec tout le respect qui lui est dû, qu’emporté par son irrésistible élan, il a un peu mélangé les mots, et toute modestie mise à part,  je dirai qu’au lieu de  » si j’avais à défendre la thèse de l’esclavage « , il voulait dire  » si j’avais à lutter contre la thèse de l’esclavage« . De la même manière, au lieu de « Le contraire est je ne sais où, au delà , toujours plus loin. » il voulait dire « La vérité est je ne sais où, au delà , toujours plus loin.« 

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8 réflexions sur « Humour et ironie »

  1. Jankélévitch : L’ironie suppose l’extrême assurance
    Moi : Les prétentieux, les conquérants et les brutes au front de taureau n’ont pas de doute, pas de modestie et jamais d’humour.
    Lorenzo : J’ai toujours constaté que ceux qui avaient un complexe de supériorité n’avaient aucun humour.

    Finalement nous sommes d’accord
    Mais j’avoue que je ne comprends pas « l’humour sans ironie, c’est du wokisme. » à moins que nous n’ayons pas la même définition de ce mot : wokisme.

  2. « Quel est l’intérêt de cette discussion pour… »
    Mais qui a engagé le débat ?

  3. Quel est l’intérêt de cette discussion pour ceux qui ne sont pas philosophes, c’est-à-dire pour ceux qui ne se considèrent pas au dessus du commun des mortels ?

  4. Je ne pige pourquoi ceux qui pratiquent l’ironie auraient un complexe de supériorité. J’ai toujours constaté que ceux qui avaient un complexe de supériorité n’avaient aucun humour. Or, l’ironie sans humour, c’est de la méchanceté, et l’humour sans ironie, c’est du wokisme.

  5. Ce sujet humour/esprit/ironie/blague/etc a été souvent abordé dans le Journal des Coutheillas. Des arguments ont été avancés et des aphorismes cités à l’appui des thèses des uns et des autres.
    Je reste à dire que les mots ont un sens et qu’il faut y revenir. Or, plaisanterie, ironie, esprit, dérision, calembour, blague, on a tendance à tout regrouper et à dire que tout ça c’est de l’humour. Les histoires de Toto, les blagues sur les belles-mères, les chroniques matinales de France Inter, les grossièretés de Bigard, tout ça c’est de l’humour ? Absolument pas ! Tout ça serait à mettre dans le même tiroir que les histoires de Pierre Desproges, les sketches de Marc Jolivet, les mots de Sacha Guitry et ceux de Winston Churchill ? Dieu nous en préserve !
    Non, ce n’est parce que c’est drôle que c’est de l’humour. On dit par exemple que le calembour, c’est une forme d’humour. C’est faux ; le calembour est une forme rigolote de jeu de mots, comme la contrepèterie, moins rigolote mais parfois appréciée. Les calembours sont les pets de l’esprit, disait je crois Victor Hugo.
    Je ne sais quel philosophe ou sociologue ou plaisantin a dit que toute plaisanterie est une forme d’agression. C’est vrai de façon évidente pour les mots d’esprit, la dérision, l’ironie, et souvent, pour le canular (Caméra cachée, etc…), les chroniques de France Inter.

    L’humour est une chose bien particulière qui n’a rien à voir avec Bigard, Toto, l’ironie ou même l’esprit. Le véritable humour, c’est l’humour juif (en bref : la politesse du désespoir, l’autodérision et le second degré), et l’humour anglais (en bref : l’understatement, l’absurde, l’autodérision et le second degré) et c’est à peu près tout. (On me sortira peut-être un humour bantou, mais je demande à voir). On sait qu’il n’est pas indispensable d’être juif ou anglais pour pratiquer l’humour juif ou l’humour anglais, mais c’est mieux.
    L’autodérision et le second degré seraient donc les points communs des seuls vrais humours que je reconnaisse, le juif et l’anglais.
    Le second degré, en général, ne s’acquiert pas. Il est inné.
    Pour ce qui est de l’autodérision, pour la pratiquer il faut une certaine dose de modestie, de doute. Les prétentieux, les conquérants et les brutes au front de taureau n’ont pas de doute, pas de modestie et jamais d’humour. Et pour la pratiquer sans trop de dommage pour l’ego, il faut aussi une dose de second degré. Cette dose de modestie peut à mon avis être accompagnée par une bonne dose de confiance en soi, et c’est là qu’intervient le second degré.

  6. Ce dont tu parles n’est pas de l’humour à ses propres dépens, c’est de l’autodérision et cela ne fait pas toujours rire. Pas sûr que cela relève de la modestie (la vraie, pas la fausse) ni encore moins de la confiance en soi.

  7. Vladimir J. ne dit pas, enfin pas cette fois, qu’il y a de la méchanceté dans l’ironie. Ce qu’il dit, c’est qu’il y a un complexe de supériorité. L’ironie, c’est de la moquerie, du sarcasme, de la dérision, de la raillerie au dépens des autres, ce qui me permet d’ajouter que l’ironie, c’est souvent et la plupart du temps de la méchanceté.
    L’humour, ce n’est pas que dire des choses drôles, sinon on appellerait ça la plaisanterie. L’humour, c’est pratiquer l’ironie, la moquerie, le sarcasme, la dérision, la raillerie à ses propres dépens. Pour le pratiquer dans cette acception, il faut donc une bonne dose de modestie ou alors une énorme dose de confiance en soi.

  8. « La question est de savoir s’il y a forcément de la méchanceté dans l’ironie ; je ne le crois pas car, moi, je serais prêt à tuer père et mère pour faire rigoler mes copains ». Œdipe.

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