Je n’ai jamais aimé Gainsbourg

Je n’ai jamais vraiment aimé Serge Gainsbourg. Je sais qu’en avouant cela, je choque beaucoup de gens. C’est un peu comme si je disais « Les films de Godard m’ont toujours profondément ennuyé » ou « À tout bien considérer, Montaigne a dit beaucoup de banalités. » Moins grave qu’avouer ne pas aimer le poète officiel du fan club de Jane Birkin eut été de dire qu’il y avait beaucoup trop de notes dans la musique de Mozart ou pas assez de ketchup sur le foie gras poêlé.
Mais je le dis et je le confirme, je n’ai jamais vraiment aimé Gainsbourg. Pourtant, en mon temps, j’ai beaucoup dansé sur la musique de « l’Eau à la Bouche » (quand une fille acceptait de danser sur ce torride slow jazzie, vous étiez pratiquement certain d’arriver à quelque chose, au moins jusqu’à « second base » comme disent les puceaux américains), ou sur « Je t’aime, moi non plus » (Ça, c’était le « home run » assuré). Mais je ne l’aimais pas, le poète autoproclamé maudit du septième arrondissement. Au début, il était supportable, souvent bon même, et même parfois très. Mais le succès, l’alcool et Jane Birkin l’ont beaucoup abimé. Il est devenu poseur enfumé, perpétuel paradoxal, oxymorique compulsif. Comme aurait dit Pierre Desproges s’il lui avait prêté une quelconque attention, Gainsbourg n’arrêtait pas de faire son intéressant.

Mais je lui pardonne. Je lui pardonne pour deux raisons. Voici la première :

Un jour, Serge Gainsbourg a composé une chanson qui a fait un certain bruit : sur un air de reggae assez quelconque, il avait plaqué les paroles de La Marseillaise. Pour ajouter à la provocation, il la chantait de manière très nonchalante, comme un dandy fatigué : « Aux armes et cætera… »
Certains, beaucoup, félicitaient le chanteur (c’était un peu le Florent Pagny de l’époque : « Vous n’aurez pas ma liberté de penser !) pour le courage anarchiste qu’il avait de se moquer de l’hymne national. En 1980 ! Vous vous rendez compte des risques ?
D’autres se scandalisaient, comme le producteur du disque l’avait prévu et souhaité, de l’affront fait à tous les patriotes du pays. Le plus scandalisé de tous était sans doute Michel Droit. Vous ne vous souvenez pas de Michel Droit ? Mais si, le journaliste gaulliste intégriste, l’homme qui vous regardait de biais à travers les étranges lucarnes… Eh bien, Michel Droit avait fait une très violente critique de cette chanson.

Et voici la réplique que la diatribe de Droit avait provoquée chez Gainsbourg. Entendons-nous bien, dans cette réplique, ce n’est pas le fond que j’apprécie, c’est la forme, l’esprit. Gainsbourg avait dit de Michel Droit : « On n’a pas le con d’être aussi Droit »

La deuxième raison pour laquelle je pardonne à Gainsbourg, c’est Charlotte, sa fille.

 

6 réflexions sur « Je n’ai jamais aimé Gainsbourg »

  1. « Il faisait son intéressant », je réfute cette phrase qui s’applique plus à un gamin insupportable qu’à un artiste. Gainsbourg, et même Gainsbarre, n’était pas le premier artiste, conscient de son génie réellement créatif surpassant de loin le niveau moyen de la concurrence, à sombrer dans l’outrance et la provocation pour masquer une sensibilité blessée, incapable de se plier aux codes de bonne conduite conformistes. Des poètes, des peintres, sont passés par là avant lui.

  2. Juger l’artiste sans tenir compte de l’homme, pour moi, dans le cas de S.G. , le problème ne se pose pas. Il me semble avoir été clair : à ses débuts, j’ai trouvé l’artiste « supportable, souvent bon même et même parfois très », tandis que l’homme m’était indifférent ; mais, disons pour préciser qu’à partir de son époque reggae, l’artiste est tombé dans la facilité en même temps que l’homme tombait dans la pose systématique. « Il faisait sans arrêt son intéressant »
    D’une part l’artiste ne m’intéressait plus et d’autre part, personne, moi y compris, ne pouvait plus rester indifférent à un homme qui passait son temps sur les médias à s’exposer. C’est pourquoi à partir de cette époque je n’ai aimé ni l’artiste ni l’homme, indépendamment l’un de l’autre.

  3. Je n’aime pas du tout le personnage et surtout sa désinvolture méprisante mais je pense que c’était un réel artiste … peut-être raté d’ailleurs

  4. Je croyais qu’il avait été décidé une bonne fois pour toutes que l’on distinguerait toujours l’artiste et l’homme ?
    Parce que là, le problème se pose aussi …

  5. Gainsbourg, oui talentueux à ses débuts, quand il été confidentiel; touchant de laideur sans le talent de Sartre, mais une énigme concernant ses conquêtes féminines: catherine Deneuve , BB, pour qui il avait écrit «  je t’aime moi non plus »
    Puis son couple avec l’insupportable Jane, sa manière exaspérante de susurrer un franglais ridicule , son impudence à se déclarer chanteuse….
    En revanche, oui je sauve Charlotte, sans nul doute résiliente selon le bon docteur Cyrulnik, le chantre du malheur heureux…
    Le bon mot à propos de M Droit est sans conteste une perle absolue!

  6. Bon! Eh bien moi j’ai toujours aimé Gainsbourg, pardon, Gainsbarre, l’artiste complet, compositeur de mélodies géniales, revisitées remplies de Brahms, Chopin, et autres grands classiques, poète dans leurs paroles, peintre méconnu, metteur en scène et acteur dans son rôle de provocateur bien sûr. Il m’ai arrivé de je poser sur sa tombe du cimetière du Montparnasse un ticket de métro au préalable trouilloté pour rester dans la logique de la chanson qui l’a rendu célèbre. J’écoute régulièrement ses chansons. Il habitait en effet aux confins du 7ème (rue de Verneuil) à un petit jet de pierre du 6ème, c’était plutôt un germanopratin typique. Mais, je ne supporte pas la profiteuse Jane Birkin, qu’elle lui foute la paix et arrête de m’agacer, comme si elle avait été son égérie, ou pire, sa muse.

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