Plein soleil – Critique aisée n°215

Critique aisée n°215

Plein soleil
René Clément 1960
Alain Delon, Maurice Ronet, Marie Laforêt 

Netflix, ce n’est pas toujours toujours terrible terrible. Mais quand on vous offre en même temps, six ou sept films de Truffaut, trois ou quatre films de Tavernier, quatre ou cinq Chabrol, six ou sept Sautet, du fin fond de sa campagne, on se dit que Netflix, ça a du bon. 
Et c’est grâce à Netflix que l’autre soir, j’ai revu Plein Soleil. 

Plein Soleil, c’est la première adaptation cinématographique du roman de Patricia Highsmith, Monsieur Ripley. 
Philippe Greenleaf est le riche  héritier d’une famille encore plus riche. Il mène une vie de plaisir entre Taormina, Rome et Mongibello, entrecoupée de cotres bermudiens, de calèches romaines et de cafés-terrasse (Ah ! les cafés-terrasse !). Philippe est un enfant gâté, trentenaire immature et inconséquent, mais il aime Marge d’un amour exubérant mais sincère. J’allais oublier : Philippe est beau comme un demi-dieu ; c’est Maurice Ronet. (Ah ! La chemise en peau de Ronet dans les rues de Rome, j’en ai rêvé longtemps. )
Marge a vingt et un ans. Elle vit à Mongibello dans l’attente perpétuelle des retours de Philippe tout en préparant un livre sur Fra Angelico. Elle aime Philippe, d’un amour sage, fort et patient. Elle a des yeux d’or, splendides. C’est Marie Laforêt. Son physique est troublant, imparfait. Elle deviendra beaucoup plus belle à partir de la trentaine. 
Tom Ripley est un ami d’enfance de l’héritier Greenleaf, enfin peut-être, car avec Tom, rien n’est jamais certain. Ce qui est certain, c’est que Tom est pauvre et qu’il vit aux crochets de Philippe, lui servant d’homme à tout faire, de souffre-douleur et parfois d’ami. Tom est pauvre, mais intelligent, ambitieux et sournois et il veut l’argent de Philippe. Tom Ripley, c’est Alain Delon, 25 ans en 1960, absolument splendide. 

Voilà, comme d’habitude, je ne vous raconterai rien de plus sur le scénario du film, on le sait, je ne suis pas là pour paraphraser, mais pour vous dire ce que j’ai pensé du film à sa seconde vision, la première ayant eu lieu il y a soixante ans (Oh my God !).

A part quelques instabilités de caméra dans certains travellings, à part quelques regards entendus un peu trop forcés dans certaines scènes entre personnages secondaires, à part une musique parfois anxiogène et souvent inadaptée, Plein Soleil n’a pas vieilli. C’est un grand film. 

Grand film par son scénario, aussi intelligent et roublard que Ripley lui-même.

Grand film par les atmosphères et les décors des iles italiennes, des places romaines, des villas et des appartements de luxe, montrés sans emphase, comme si tant de beauté allait de soi. 

Grand film par les acteurs de second plan, tels que Billy Kearns dans un rôle de riche oisif américain, perspicace et maladroit, ou Elvire Popesco, dont les brèves apparitions sont à chaque fois un délice. 

Grand film par la réalisation de René Clément, tant dans les scènes d’action ( la scène du bateau en panique est un chef d’oeuvre d’intensité dans la sobriété, malgré ce qu’en ont dit les spécialistes de la voile, mais qu’est-ce que les marins connaissent au cinéma ?) que dans les scènes de fêtes romaines ou dans celles de préparation méticuleuse du forfait ou dans celles de fuite du coupable. 

Et finalement un grand film par ses deux acteurs principaux, Alain Delon et Maurice Ronet, que je mettrais à égalité sur deux plans : le physique et le jeu d’acteur. 
Ronet et Delon sont beaux comme des demi-dieux, je l’ai dit plus haut pour Ronet et je plussoie pour Delon. 
Mais c’est surtout dans le jeu d’acteur qu’ils sont tous les deux remarquables. Ronet est vivant, capricieux, gâté, irresponsable, jouisseur, violent et amoureux à souhait.
Delon est fourbe, sournois, soumis, envieux, intelligent, volontaire, complexe comme il ne le sera jamais plus. C’est pour moi probablement le meilleur rôle de Delon, bien au delà des personnages figés du Samouraï ou de Monsieur Klein. 
Les scènes où Delon et Ronet sont tous les deux présents sont parfaites, ce qui n’est pas toujours le cas de celles où Marie Laforêt apparait. Il faut l’excuser, c’était son premier film.  Elle s’améliorera. 

En 1999, une autre adaptation, américaine celle-ci, du même roman de Patricia Highsmith est sortie sous le titre « Le talentueux Monsieur Ripley ». Adaptation plus qu’honnête, et si Gwyneth Paltrow est plus crédible que Marie Laforêt, Matt Damon et Jude Law ne sont pas, dans ce film, au niveau de Delon et Ronet. Mais, ce remake, vous pouvez le voir quand même.

3 réflexions sur « Plein soleil – Critique aisée n°215 »

  1. Si l’on peut se permettre de donner des avis cinématographiques à notre Rédacteur en Chef, un expert, j’aimerais dire que le chef d’œuvre absolu selon moi, c’est le Feu Follet de Louis Malle, avec mon acteur préféré, tant au plan technique que philosophique. Jamais égalé. Point final.

  2. J’inverserai tout de même la question évoquée au passage, plutôt: qu’est-ce que les cinéastes connaissent à la navigation à voile?

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