Rendez-vous à cinq heures : du nouveau sur le tas

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Du nouveau sur le tas

Avant avant-hier, dans une incidente qui entrera dans les annales pour n’en plus ressortir, je vous ai démontré l’irréfutable impossibilité existentielle des tas. Je l’ai fait pour les buches, j’ai étendu la démonstration aux grains de sable, j’aurais aimé le faire pour des tas d’autres choses, en particulier pour les tas de conneries, mais ça, ça n’a pas été possible : je suis tombé sur un tas d’os. Comme disait Boris Vian :Y a quéqu’chose qui cloche la-d’dans, j’y retourne immédiatement.

Après la théorie des tas, nous allons passer à la pratique : comment ranger des buches en tas.

Cette pratique est à la fois paradoxale car, on le sait, les tas ne peuvent exister, et utile, car des buches en vrac, c’est pas pratique, ça empêche de passer la tondeuse , et ça fait jaser les voisins.

Or doncques, si vous avez des buches en vrac et que vous vouliez les ranger (en matière de buches, on ne devrait pas dire ranger, mais tasser ; le problème, c’est que « tasser » évoque « mettre en tas », c’est même la finalité de ce verbe et, à ce stade, pour la clarté de l’exposé, j’ai décidé de ne plus parler de tas), voici comment procéder :

1- Tout d’abord, mettre des gants, sinon les échardes ralentiront considérablement le rangement des buches, or l’hiver approche.

2- Placer sur un sol sensiblement plat, choisi de préférence sous l’abri préalablement construit, parallèlement entre eux et orthogonalement à l’axe futur et commun des buches lorsqu’elles seront tout à l’heure rangées, des bâtons ou des bouts de bois ou des sections de baliveaux ou des tasseaux ou des longerons préparés à l’avance. Ils devront être strictement parallèles entre eux et placés, l’un de l’autre, à une distance inférieure à la longueur des buches. Ils viendront, dans une phase ultérieure, recevoir les buches comme sur un berceau et éviter ainsi qu’elles ne soient en contact direct avec le sol humide et propagateur de pourriture.

3- De part et d’autre des longerons, à leurs extrémités, on aura pris soin une dizaine d’années auparavant de planter un arbre à croissance rapide, de manière à ce qu’ils bloquent les buches rangées en élévation et évitent ainsi un effondrement toujours contrariant. Le pin, le sapin sont recommandés, l’arbre à caoutchouc et le cactus, non. Si par légèreté, paresse ou simple oubli, on n’a pas planté à temps d’arbre adéquat, on ne désespèrera pas. On pourra toujours utiliser ce vieux truc que m’a appris un vieux pilote de bateau-mouche lorsque j’étais enfant dans le Bad Wurtemberg : planter des pieux de part et d’autre de l’abri. (Il existe d’autres procédés, mais ils relèvent de la sorcellerie et j’ai fait le serment de ne pas les révéler. Désolé.)

4- Au point où nous en sommes, nous disposons d’un abri encadré par deux arbres propices ou par de solides pieux, et sous cet abri, d’un sol plat, et sur ce sol, d’un faisceau de longerons parallèles, d’un monceau de buches en vrac, d’une paire de mains gantées et d’une bonne forme physique. Il s’agit à présent de prendre les buches une par une et de les placer délicatement et perpendiculairement sur et aux longerons de manière à constituer une première couche de buches. De cette phase délicate dépendra le bon rangement ultérieur du reste des buches. On ne tardera pas à comprendre pourquoi (peut-être).

5- Une fois la quatrième phase achevée, on va pouvoir se lancer dans la cinquième, connue pour être la plus facile, mais aussi la plus fastidieuse du processus. Elle consiste à recouvrir la première couche de buche d’une deuxième, puis d’une troisième et ainsi de suite jusqu’à épuisement des buches et de l’opérateur. Tâche répétitive et donc ennuyeuse, certes, mais combien facilitée par une quatrième phase correctement réalisée ! Avec un peu d’audace, d’habileté ou d’expérience, on pourra même se permettre de ne plus poser chaque buche sur la couche précédente, mais de la lancer carrément, ce qui est tout aussi fatigant, mais beaucoup plus rigolo.

6- Nous sommes maintenant en phase finale et, si vous avez bien suivi la methodologie, vous êtes à présent debout, perclus de douleurs, en contemplation devant un parallélépipède, préférablement rectangle, constitué de buches anciennement en vrac, et ça, c’est satisfaisant.

7- Ce qui l’est moins, c’est que dès le lendemain soir, vous ne manquerez pas d’observer la diminution, certes encore marginale, mais inexorable, de votre collection de buches. Et ça, c’est angoissant, croyez-moi !

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16 Avr, 07:47 Toute la ville en parle
17 Avr, 07:47 Bons numéros (3)

Une réflexion sur « Rendez-vous à cinq heures : du nouveau sur le tas »

  1. Cette démonstration m’en a bûcher un coin, c’est pas de ma part de la langue de bois. Accomplir un tel travail doit flanquer une sacrée gueule de bois.

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