Rendez-vous à cinq heures avec Jim

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« Voir ! Voir ! c’est là l’aspiration du marin comme celle du reste d’une humanité aveugle. Que son chemin lui soit clairement tracé est ce que souhaite tout être humain dans notre existence obscurcie de nuages et traversée de tempêtes. »

Cette citation, n’est-elle pas en phase avec la situation du monde aujourd’hui ? Et pourtant, elle est issue d’un livre de Joseph Conrad paru en 1906. Je viens de terminer ce livre, c’est Le Miroir de la Mer. J’ai lu tous les principaux romans de Conrad et pour cause, j’aime la mer et la navigation, ma bibliothèque est remplie de livres maritimes en tous genres, romans et récits, pour la plupart d’origine anglo-saxonne bien sûr, mais Conrad tient de loin le haut du pavé. Je me doute que la plupart des abonnés au JDC connaissent Conrad, mais s’ils n’ont pas lu Le Miroir de la Mer, je les engage vivement à corriger cette lacune. Le Miroir de la Mer, Souvenirs et impressions, est la clé indispensable pour comprendre les dessous des romans de Conrad qui en vérité reprennent tous des situations vécues par l’auteur, écrivain après avoir été marin, dans lesquelles évoluent leurs héros, que ce soit les navires, leurs capitaines, leurs équipages, que ce soit les conditions naturelles dans lesquelles les navires doivent poursuivre leur route, des tempêtes dantesques ou bien une absence totale de visibilité, et bien sûr des navigations sans autres instruments que l’expérience des marins et leur sextant. Conrad a vécu sa vie de marin avec passion et son talent d’écrivain hors du commun qui s’en est suivi nous permet de la partager et surtout de la vivre. Conrad avoue la nécessité d’une préface à ce livre dans laquelle il écrit « j’ai tenté ici de mettre à nu avec la franchise d’une confession de dernière heure les termes de ma relation avec la mer, qui, après des débuts mystérieux, comme il en va de toute grande passion que les dieux impénétrables envoient aux mortels, persista irraisonnée et invincible, etc… ». La grande chance de Conrad est d’avoir vécu cette relation à une époque qui était à la fois l’apogée des bateaux à voile mais aussi leur chant du cygne. Personnellement, je vibre beaucoup plus en lisant les pages écrites par Conrad à bord de ces majestueux voiliers qu’en subissant le matraquage médiatique autour du Vendée Globe. Enfin, à titre purement personnel cette confession de Conrad m’a permis de vivre une fois encore la passion de mon grand-père Elton Baker que je n’ai malheureusement pas connu, qui a rencontré l’espace d’un jour ou deux Joseph Conrad en 1886 (non sur la mer mais à Londres lors d’examens pour obtenir leurs brevets respectifs, pour Conrad celui de Master Mariner, pour mon grand-père, plus jeune, celui de Second Mate), et dont les expériences et la passion de la mer ont été identiques. Avant l’âge de vingt ans, Elton Baker avait déjà fait trois tours du monde par les trois caps à bord du trois-mâts barque Hermione, donc trois fois le passage du (cap) Horn. Là, il a battu Conrad qui ne l’a passé que deux fois ! Mais Conrad est passé à la postérité en tant qu’écrivain hors pair.

Si vous aimez Conrad et n’avez pas lu Le Miroir de la Mer, précipitez-vous chez votre libraire. Je vous conseille l’édition de Pierre Lefranc dans la collection folio classique. C’est pas cher, c’est bien traduit, et surtout au fur et à mesure de votre lecture ne négligez pas tous les renvois, un à deux par page, qui complètent remarquablement les récits de Conrad.

Jim

*(…) RENDEZ-VOUS À CINQ HEURES pourrait être l’occasion pour vous de reprendre cette expression, à propos de tout, de rien, d’un évènement, d’un film, d’un animal (plus de veaux svp), du temps qu’il fait. Un texte de fiction, un souvenir, un poème, un coup de colère ou d’enthousiasme sur la vie qui va, un peu tout ce que je fais en tant que rédacteur quasi unique du JdC. L’avantage du RENDEZ-VOUS par rapport au commentaire d’article est que vous serez libérés de l’obligation de rester à peu près dans le cadre du sujet de l’article.
Ça pourrait marcher comme ça : vous écrivez votre machin en Word, vous lui donnez un titre et si vous le souhaitez, vous y joignez une photo vous m’envoyez le tout par email en me précisant quelle signature vous souhaitez voir apparaître sous le texte, votre pseudonyme ou votre vrai nom. (…)
(JdC du 13/05/2020 — Extrait))

 

 

2 réflexions sur « Rendez-vous à cinq heures avec Jim »

  1. C’est très bien Rebecca, mais as-tu lu Le Miroir de la Mer? Si c’est non, fais le vite et tu deviendra toi aussi un vieux loup de mer, par procuration!

  2. Ah, Conrad! Son style inimitable, sa verve, ses descriptions; le goût du sel et des embruns comme sortis de la page, assaillant notre imaginaire; le claquement des voiles; les cris des marins sur le pont… Le Nègre du Narcisse, Lord Jim, que d’épopées extraordinaires, et quels souvenirs de lectures pour qui les découvre, comme je le fis, durant les années passionnées de l’adolescence!
    Merci à Jim et à mon oncle Francis, vieux loup de mer, qui m’ont permis de découvrir cet auteur hors normes.

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