Journal de Campagne (27)

Journal de Campagne (27)
Samedi 11 avril 2020 – 16h43

Hier matin, promenade civique et bucolique, c’est-à-dire dans un rayon d’un kilomètre autour de la maison et dans les chemins de terre et vicinaux au milieu des prés et de bois. A deux reprises, nous avons dû nous écarter dans les herbes folles, au risque de nous faire investir par les tiques, pour laisser la place à deux successifs tracteurs, l’un trainant une citerne probablement pleine de Round Up et l’autre, le matériel pour le répandre. Un peu plus loin — je n’avais jamais croisé autant de monde sur ce chemin — un tout petit 4×4 Toyota s’est approché en cahotant — en ce moment, les ornières sont desséchées et profondes — et s’est arrêté à notre hauteur. C’était Monsieur A, propriétaire de la ferme voisine, aujourd’hui retraité. Nous nous connaissons depuis longtemps, en fait depuis le jour où ma chienne ENA encore très jeune, celle que les moins de vingt ans et cetera, avait poursuivi trois de ses veaux dans un pré et leur avait sauter la clôture en barbelés. Il faudra que je vous raconte ça, un jour. Lui, le coude à la portière, et nous, debout à coté du chemin, à quadruple distance civique — on ne se méfie jamais assez de ses voisins — nous avons discuté de choses et d’autres, le temps, les veaux — j’ai oublié de vous dire que depuis hier, les veaux et les vaches sont de sortie — l’agrément de la campagne à notre époque, comment on fait avec, avec ceci, avec cela, avec tout, avec rien, faut bien, qu’est-ce que vous voulez, on se débrouille, enfin, on n’est pas malheureux… Je vous reparlerai de ce bonhomme, il m’a toujours été sympathique.

Juste deux mots sur les veaux. Les premiers que nous avons vus sont des Salers, enfin je crois. Costauds et marron, ce doit être des Salers. Quand ils nous ont vu approcher, après quelques minutes d’observation bovine, ils sont venus du milieu du pré pour nous voir de plus près. C’était la première fois sans doute qu’ils voyaient des humains en liberté. Nous avons essayé de leur faire bonne impression.

Le deuxième groupe que nous avons vu était constitué de veaux noir et blanc. Ils voyageaient dans la remorque d’un tracteur qui descendait bruyamment la petite route qui traverse le hameau. A l’intérieur, les veaux, secoués comme de simples passagers du 27 quand le bus passe devant la pyramide du Louvre — chacun a les références qu’il veut — se haussaient du col par-dessus la ridelle pour tenter de voir ce vers quoi on les conduisait. Pour l’heure : de verts pâturages.

 

4 réflexions sur « Journal de Campagne (27) »

  1. Ah…. ton commentaire me ramené de superbes souvenirs … et demain dimanche de Pâques …de parcours savants pour trouver les oeufs !!!Alors , joyeux Dimanche ..!

  2. On aurait pu penser à Daudet, voire, en le sollicitant un peu, à Giono !
    Mais Ramuz !!! Alors là, la petite souris ariégeoise nous révèle l’ampleur de sa culture!
    Car qui connaît Ramuz ? Philippe avoue que Wikipédia l’a tiré d’affaire, et il y a moins de dix jours, je faisais de même ! Mais comme je vous l’ai glissé il y quelques jours, je viens de terminer « La grande peur dans la Montagne » que je vais proposer à mon club de lecture : quel style étonnant, qui colle à l’ état du narrateur, vague villageois de la montagne suisse. Philippe : prix Femina 1926, tout de même !
    Quant à la propriété de l’arbre, c’est un sujet passionnant que j’ai beaucoup étudié, notamment pour les oliviers corses, mais j’aurais quelque scrupule à vous exposer les théories nouvelles qui reprennent les principes antiques dissociant propriété du fonds et propriété des implants.
    Notre génération, lorsqu’on lui parle d’implant, pense à tout autre chose !

  3. Heureusement que Wikipedia existe, parce que Ramuz…
    J’ai fait ingénieur, moi, pas Lettres modernes.

    Il semble donc qu’en Ariège la propriété de l’arbre s’attache non pas au terrain sur lequel il a poussé mais à l’arbre lui-même. Il pourrait donc y avoir sur le même terrain un arbre appartenant à Paul, et l’autre à Pedro. Que dit la loi ? Et la jurisprudence ? J’ai fait ingénieur, moi, pas Droit.

    Si chez vous les arbres n’ont plus de nom, par chez nous, les veaux et les vaches non plus. Plus de Noiraude, plus de Marguerite… Même les taureaux ne s’appellent plus Hannibal. Ils portent tous et toutes à l’oreille des sortes de plaques d’immatriculation. C’est très élégant.
    Ce qui fait que sur les chemins, on n’entend plus : « Allez avance, la Grison ! » mais « Jarnidieu ! 2453 ! T’as pas fini d’me faire cavaler comme ça ! »

  4. On croirait du Ramuz…Notre germanopratin Maitre est en train de virer auteur campagnard.
    Mais c est intéressant cette vie du veau à la campagne , si si vraiment.
    Du reste la vie à la campagne est pleine de surprises: dans la notre, celle d Ariège , un arbre est tombé;en travers d une rivière, il a fini sa chute sur un terrain ravitaille par les corbeaux : eT bién une véritable enquête policière a permis au prioritaire de l arbre ( eT oui chaque arbre à défaut d avoir un nom a un propriétaire la bas , ) de nous contacter pour exiger une déclaration d assurance: l arbre est tombé chez nous , la clôture abîmée est la notre, mais rien à faire , il faut faire une déclaration….
    Inutile de préciser que le contact fut rapidement rompu au motif que confinés, eT sans perspective d avenir , le sort de ce sinistre comique nous importait peu…

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