Les Filles du Docteur March – Critique aisée n°196

Critique aisée n° 196

Les Filles du Docteur March
Greta Gerwig
Saoirse Ronan, Emma Watson, Laura Dern, Meryl Streep, Timothée Chalamet, Louis Garrel

Les Filles du Docteur March (Little Women) est un roman écrit par Louisa May Alcott en 1868. Il raconte la vie quotidienne de la famille March, dont le père est parti à la guerre de sécession, laissant derrière lui sa femme et ses quatre filles.
Ce premier roman connu immédiatement un tel succès que Louisa écrivit une suite dès l’année suivante, puis deux autres suites en 1871 et en 1886.
Personnellement, je n’ai lu aucun des romans de Mme Alcott mais je me souviens qu’enfant, le titre français de la traduction du premier volume de la saga, Les Quatre filles du Docteur March, parue en 1951 était sur toutes les lèvres.

Bien entendu le cinéma s’est vite emparé de ce succès, et la dernière adaptation de Greta Gerwig en est en fait la sixième. Vers l’âge de dix ou douze ans, probablement par erreur,  j’ai dû voir la version de Mervyn LeRoy avec Janet Leigh, Elizabeth Taylor, Peter Lawford et Mary Astor. Le film ne m’avait laissé qu’une impression de mièvrerie et d’ennui profond, mais aussi, quelle idée de envoyer un garçon de douze ans voir une histoire de filles de 15 à 20 ans !

Le roman aussi bien que les films qu’on en a tirés sont de purs mélodrames. Longtemps, j’ai associé à ce mot une notion de grandiloquence un peu ridicule, impliquant de fragiles orphelines en proie aux poursuites d’infâmes suborneurs, sauvées in extremis par de pauvres et beaux jeunes gens porteurs de la révélation de leur ascendance véritable, en l’occurrence un magnat du pétrole brésilien ou une principauté, isolée mais charmante, au fin fond des Carpates, les jeunes gens porteurs de messages finissant en général au poste de vice-président ou de prince consort.

Mais avec le temps, j’ai appris à aimer certains de ces mélos, particulièrement ceux du XIXème siècle britannique : Retour à Howards end, Orgueil et préjugés, Raison et sentiments. Ce n’est pas vraiment ma tasse de Darjeeling, mais quand les décors sont beaux, les costumes magnifiques et les comédiens distingués, qu’importe que l’on devine la fin dès le premier tiers, qu’importe que les relations humaines et les sentiments exprimés n’aient plus rien à voir avec ceux de notre époque – à la réflexion, si, cela importe beaucoup, parce que cela repose – si on laisse un instant de côté son esprit Canal + à la con, on peut éprouver du plaisir et même des émotions à regarder ces films.

Si, à mon avis, Les filles du Docteur March n’atteint pas la qualité des mélos précités, il n’en est pas loin et se laisse regarder sans ennui.
Et pourtant, le film a fait l’objet au Masque et à la Plume d’une critique dévastatrice unanime.

Truffaut, lui-même critique de cinéma avant d’être réalisateur, disait que le problème avec les critiques, c’est qu’ils jugent un film non d’après le résultat, c’est à dire d’après le produit cinématographique, mais d’après l’intention du réalisateur. Cette fois-ci, et c’est presque pareil, ces messieurs-dames ont jugé le film d’après ce qu’il connaissaient de la réalisatrice. Compagne d’un excellent réalisateur Noah Baumbach — puis-je vous recommander Marriage Story et The Meyerowitz Stories sur Netflix — Greta Gerwig qui a déjà réalisé trois longs métrages est connue, paraît-il, pour ses positions indépendantes, avancées, féministes, progressistes. Et les cinq du Masque et de la Plume lui ont reproché d’une seule voix de ne pas l’avoir reconnue dans sa façon de traiter les braves filles du bon docteur March.

Moi qui ne savais rien de Greta Gerwig ni de ses relations avec Noah Baumbach, j’ai trouvé qu’elle avait fait un très honnête film hollywoodien, sans exagérer mais sans négliger non plus la volonté féministe  que Mme Alcott y avait mise très honorablement il y a cent cinquante ans.La seule concession qu’elle ait faite à la modernité est un récit haché par des flash-backs anarchiques dont elle aurait mieux fait de se passer.

Les comédiennes Saoirse Ronan (dans le film, elle s’appelle Jo, c’est plus facile à prononcer), Laura Dern et Meryl Streep y sont parfaites. Mise à part une très bonne scène de déclaration d’amour, Timothée Chalamet m’a paru un peu absent. Louis Garrel a un très bon rôle, un peu court, mais très bon.

Ah ! Encore une chose : on a vraiment envie de s’habiller comme ça !

 

Une réflexion sur « Les Filles du Docteur March – Critique aisée n°196 »

  1. Je n’ai pas vu cette dernière version cinématographique du roman « Les quatre filles du Dr March » mais j’ai lu le livre et je souhaite ajouter quelques mots à propos de l’auteur Louisa Alcott qui est l’une des grandes figures de la littérature américaine du fait de ses origines. Ce roman est d’abord en grande partie autobiographique. Elle a été éduquée par ses parents qui habitaient à Concord dans le Massachusetts, un village à l’époque pas très loin de Boston (j’ai visité les lieux et la maison de la famille Alcott). Concord était un épicentre d’un monde intellectuel à l’origine du mouvement transcendantaliste américain. Se réunissait là (à la maison des Alcott) un club de philosophes et poètes tels Henry D Thoreau (« Walden Pond »), Ralph W Emerson et Walt Whitman entre autres. Ces intellectuels avant-gardistes prônaient la lutte contre l’esclavage , le féminisme, la non-violence et la résistance pacifique: « That government is best which governs least ». Les émules se manifesteront longtemps plus tard!

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