HHH, NYC, USA (4) – Harry Weissberg

4-Harry

Harry est responsable de la région WEST-USA. C’est un solide gaillard, ancien quaterback de l’équipe de Vermont University. Il a trente-huit ans, il est divorcé depuis quatre ans et ses enfants vivent avec son ex-femme du coté de Denver, Colorado. C’est un joyeux drille, un bon skieur et un excellent golfeur. Depuis son divorce, il habite une sorte de loft dans un quartier prometteur, Brooklyn, et il passe pratiquement tous ses week-ends au Sebonack Golf Club dans les Hamptons. La région WEST-USA dont il est responsable marche très fort. Cependant, il a manqué les deux dernières réunions bimensuelles, celle de fin juillet et celle de mi-août. Pour la première, il avait expliqué à Bob qu’il avait des rendez-vous importants et prometteurs avec des distributeurs de San Diego et de Portland. Pour la deuxième, le motif invoqué étaient des vacances prévues de longue date avec ses enfants. En réalité, l’ancien footballeur, joyeux célibataire et golfeur recherché essayait de régler son problème d’alcool. Depuis cinq ou six mois, il commençait à être voyant et risquait de devenir gênant, ne serait-ce que dans son travail. Sur les conseils d’une amie du moment, il s’est laissé convaincre de s’inscrire pour un séminaire de désintoxication. La brochure indiquait que le stage se déroulait dans les environs de Salt Lake City en quatre périodes de quatre jours, du vendredi au lundi. Elle ne cachait pas que le régime était du genre militaire, plutôt section de Marines au combat qu’Etat-Major en séminaire. Mais le résultat et la discrétion étaient garantis. Bloquer chaque vendredi et chaque lundi sur son agenda pendant un mois n’avait pas posé de gros problème à Harry. Bien sûr, il avait dû mettre sa secrétaire dans la confidence, mais, depuis un certain week-end de neige dans le Vermont, elle ne lui refusait plus rien. Il avait survécu au camp de Salt Lake et il était rentré à New York au début de la semaine précédant la réunion sacrée de la fin août, fatigué mais désintoxiqué. Les trois premiers jours s’étaient bien passés. Le soir, il ne voyait personne et rentrait tôt chez lui. Il se faisait livrer des soupes chinoises et des pizzas qu’il mangeait distraitement en regardant des vieux films en noir et blanc. Il trouvait que la quantité d’alcool et de tabac qui se consommait dans ces années cinquante était impressionnante. Le manque d’alcool commençait à le faire souffrir, mais les huit pilules qu’on lui avait vendues à Salt Lake et qu’il prenait quotidiennement en buvant du Seven-Up le soulageaient bien.

Pourtant, la fin de la semaine lui fût fatale. Pour éviter la tentation des verres traditionnels après un parcours de golf, il avait renoncé aux Hamptons et il était resté chez lui tout le samedi. Ce fût une journée lugubre. Alors, vers huit heures du soir, il sortait de chez lui et, après une demi-heure d’hésitation, il entrait chez Matt’s, le bistrot d’à côté, et commandait une bière. Sans avoir compris comment, cinq heures plus tard, il se retrouvait au comptoir d’un bar qu’il ne connaissait pas entre deux hommes qu’il ne connaissait pas davantage. Il leur payait bière sur bière en échange d’une conversation sans suite sur des matchs de baseball, lui qui ne s’intéressait qu’au golf.

Au petit matin, il s’était réveillé en piteux état sur un banc de la gare routière. Une première bière en guise de petit déjeuner, suivie d’un whisky puis de toute une série d’autres bières et d’autres whiskys, l’avait conduit jusque chez lui vers le milieu de l’après-midi. Là, il s’était endormi profondément pour se réveiller un peu avant minuit, sale, chiffonné, malade, misérable. Quand il avait réalisé que, dans à peine plus de huit heures, il devrait se trouver dans la salle de réunion des Big H’s, il s’était senti comme des papillons dans l’estomac. C’était trop dur, il n’y arriverait jamais, il était fichu… Il avait eu envie de se rendormir, de tout oublier et même de mourir. Deux heures plus tard, il se sentait déjà mieux. Il avait plongé sa tête dans le lavabo rempli de glaçons, bu un demi litre de café, pris une longue douche à la mode écossaise et bu un nouveau demi litre de café. Il avait même réussi à avaler un toast grillé et un petit morceau de fromage cuit. Il se sentait mieux, mais épuisé, vanné, lessivé. Pour pouvoir affronter tout à l’heure Martinoni et toute sa bande, il lui faudrait un sérieux remontant. Alors, il avait enfilé un jean et un T-shirt et, en savates, il avait descendu Wythe Avenue dans la nuit chaude jusqu’au drugstore CVS.

<<…tiens ! Un revenant !…dis-donc, il n’a pas l’air en forme !…>>

Harry fait un pas dans la salle. Il n’a pas vu G.H., à moitié caché par le battant de la porte.

-Salut, les filles ! Oh ! Pardon, Mary ! Je recommence : Bonjour, Messieurs !

Dick Hullby s’agite sur son siège.

<<… il y va un peu fort, Harry ; si c’est ça l’humour juif, ça manque un peu de classe ; je suis pas sûr que G.H. apprécie …>>

-Excusez le retard… problème d’ascenseur…désolé…

Il ouvre un peu plus la porte de la salle qui vient heurter les pieds de Geronimo.

<<… merde, pas de chance, le grand Manitou est là …>>

Harry s’incline avec une cérémonie légèrement moqueuse devant le Président de la Compagnie et, d’une démarche un peu raide, il va s’asseoir à coté de Dunbar.

La suite, après-demain 11 octobre

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