Une douche froide (2/5)

2-La douche

Il descendit de la couchette, posa le pied droit sur un truc indéterminé et pointu et finit de franchir à cloche-pied les deux pas qui le séparaient de la salle de bain. Il s’était toujours demandé pourquoi on appelait cette partie de la résidence salle de bain alors qu’on pouvait difficilement qualifier cette zone exiguë de salle et qu’il était bien entendu impossible de s’y baigner. D’ailleurs, il y avait longtemps que personne ne prenait plus de bain nulle part — environ quatre-vingt-dix ans selon ses lointains souvenirs d’école, en fait depuis que la Troisième Convention Universelle avait limité pour chaque individu sa consommation quotidienne d’eau à 2% de sa masse pondérale. Ptlamn se plaça entre les deux disques de métal bleu encastrés l’un au-dessus de l’autre dans le sol et le plafond. Il tenta un long moment de se débarrasser de sa combinaison de sommeil pour finir par s’apercevoir qu’il était déjà entièrement nu. Un peu surpris, il posa ses pieds sur les emplacements antidérapants gravés en forme de semelles sur le disque du bas, il leva les bras et prononça le mot douche en baillant. Rien ne se produisit. Il s’éclaircit la gorge et, d’une voix à peine plus assurée, il répéta : « douche !« . Cette fois-ci, l’ordre fut compris : à travers leurs micro-perforations, les deux disques émirent un fin brouillard qui l’enveloppa et se déposa uniformément sur sa peau. Deux secondes plus tard, un fort courant d’air glacé givrait instantanément les gouttelettes. Encore une seconde et l’émetteur ultrason faisait son office et les gouttelettes tombaient au sol comme de minuscules grêlons. Ptlamn était maintenant propre, sec et frigorifié. Normalement, devait alors commencer la partie la plus agréable de la séquence douche : la phase massage, un puissant souffle d’air chaud censé détendre vos muscles tout en vous remettant à bonne température. Pourtant l’opération réparatrice ne démarrait pas et Ptlamn commençait à avoir très froid. Il prononça : « Hé ! Ho ! Massage ! Massage !  » Encore une fois, rien ne se passa. Il décida de se passer du massage et de l’opération Senbon qui vous imprégnait pour la journée d’une délicat odeur de tutti frutti et par laquelle devait normalement se terminer une séquence douche normalisée. Il sortit de la salle de bain en jurant et en se frottant les bras pour se réchauffer. « Tout se déglingue », grommela-t-il tout en enfilant sa tenue de jour impair dans un mouvement qui lui fit poser le pied gauche sur le même truc indéterminé mais pointu. Tandis qu’il sautillait sur la jambe droite, le vêtement vint se plaquer contre sa peau et la fermeture électrostatique se mit en place d’elle-même. Les milliards de cellules du textile entreprirent alors de lui restituer les calories qu’elles avaient emmagasinées la veille.

A SUIVRE

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