La démarche de Lorenzo

NDLR
Ceci est la deuxième publication de Lorenzo dell’Acqua dans ce journal.
Depuis quelques mois, Lorenzo vit l’expérience que je vis moi-même depuis quelques années, celle que vous avez aussi vécue ou celle que vous vivrez un de ces jours, je vous le souhaite sincèrement : la retraite.
Quand on écrit comme moi en amateur, on a toujours tendance à se justifier, dire comment, pourquoi on en est arrivé là, à écrire, peindre, composer, photographier. C’est ce que j’avais fait de façon plus ou moins transparente dans plusieurs de mes premiers textes.
Aujourd’hui, c’est au tour de Lorenzo de s’expliquer. Voici sa démarche. 

***

Ma démarche

Ne croyez pas que je me force chaque jour à me trouver une occupation pour fuir l’ennui de la retraite ! Il n’en est rien. J’ai toujours quelque chose à faire. Entre les obligations familiales et administratives que je mets de plus en plus de temps à effectuer, mes autres activités, je dirais plutôt mes autres passions, mes autres envies, mes autres sujets de curiosité, ne me laissent pas une seconde de libre. J’ai la chance de faire de la photo mais ce n’est pas que faire de la photo. D’ailleurs on ne fait pas de la photo, on essaie de traduire la beauté de ce que l’on voit. Photographier, c’est regarder le monde, les autres et la poésie qui nous entourent. Je ne m’en lasse pas. Et ces richesses infinies que je découvre chaque jour et que j’ai du mal à croire, je les mets par écrit, noir sur blanc (si j’ose dire !), avec mes photos comme aide-mémoire. C’est fou comme l’on peut oublier des événements de la journée passée ! En cela, la photo est une aide précieuse. Je veux dire la beauté, la générosité et la noblesse que l’on ne voit que si l’on se donne la peine de les regarder. Je ne m’ennuie jamais. Mon appareil photo est mon bloc-notes. Il n’a pas de limites. Et pourtant, j’aime la lecture. Entrer dans une autre histoire, une autre vie, un autre temps, une autre civilisation, un autre drame, rend plus fort et fait découvrir, comme dans la rue avec mon appareil photo, tant de belles choses ! Les livres qui racontent l’horreur du quotidien sans autre solution que la fin ou la mort ne m’intéressent pas. Depuis que j’en ai le temps, je ne lis pas plus qu’avant et peut-être moins encore parce que j’ai mieux à faire. Enfin, c’est ce que je me dis ! Il en va de même pour le cinéma qui m’a tant aidé pendant mes années d’adolescence. J’ai accumulé des films en DVD dont je n’ai pas encore ouvert les emballages. Les livres, j’en achète sans arrêt. Je suis boulimique et vite anorexique. Est-ce une prémonition ? J’en commence un tous les jours et j’en ai des dizaines en cours. Il y en a que je ne terminerai jamais ou dont je ne lirai que les cents ou les dix premières pages, il y en a que j’oublie en route, certains que je lirai d’une seule traite et d’autres dont je ne dépasserai pas la première page tellement ils me semblent mal écrits. Imposer au lecteur un effort pour comprendre le sens des phrases est un manque de respect. Ecrire c’est transmettre. Si l’on n’est pas capable de formuler clairement et simplement ce que l’on a à dire pour être compris des autres, c’est que l’on n’a rien à dire. Le langage des sectes (Freud, Barthes) est pour cette raison fort suspect à mes yeux. Aujourd’hui, j’aime les récits qui parlent de la « vraie vie ». Les romans de fiction ne m’attirent plus parce que les histoires d’amour, c’est trop loin, et les histoires de mort, c’est trop près. Les biographies des acteurs et des comédiens me passionnent. Comment ces êtres souvent peu ou pas éduqués, parfois asociaux, sont-ils parvenus à une telle réussite matérielle, humaine, intellectuelle et culturelle qui les a grandis et en a fait des personnages incroyables, des personnages de roman ? Comment cela est-il possible pour tous ceux qui ont comme moi suivi des rails depuis leur plus petite enfance ? Peut-être le plus fascinant est-il Gérard Depardieu. Difficile de partir de plus bas ! Pas d’éducation au propre comme au figuré, une carrière exceptionnelle, une personnalité foisonnante, extravagante, souvent détestée, et pourtant mue par la quête de l’idéal, de la beauté, de la poésie, à travers la vie, les pays, les gens. Un photographe en quelque sorte. Ce qu’il écrit n’est ni superficiel ni gratuit.  » Je préfère me faire mal plutôt que me résigner à l’immobilité« . J’aurais pu le dire aussi. Plus intéressant encore, son avis sur un sujet de notre temps : « ça ne sert pas à grand-chose de regarder en arrière pour essayer de combler tes failles. Ton mur, tu ne vas pas le réparer. Il vaut mieux t’en éloigner ». C’est une réflexion originale sur la psychanalyse.

Lorenzo dell’Acqua

 Musée de l’Orangerie : collection Bridgestone

Interdiction de photographier, mais j’ai tout de même réussi à voler un Sisley !

et La jeune fille dans le bois de Corot

Les autres photos ont été faites dans les collections permanentes du Musée que je commence à connaître par cœur et dont je ne me lasse pas




ET DEMAIN, C’EST DURAS QUI VOUS CAUSE

6 réflexions sur « La démarche de Lorenzo »

  1. pour Martine
    Mon site photo est donc : laurent-mallet.fr
    Amitiés
    Lorenzo

  2. Cher Lorenzo,
    c’est avec enthousiasme que j’ai découvert votre site internet grâce aux confidences de Philippe, c’est un réel plaisir de voir toutes ces superbes photos et il y en a tellement que je vais mettre du temps pour tout découvrir.
    Votre pseudo est très agréable à prononcer, très italien, le charme des italiens !!!!
    Moi ce n’est pas un pseudo, je n’en vois pas pour ma part l’utilité, sauf que c’est mon 2éme prénom qui est usuel, mon premier étant Marie.
    J’espère un jour voir une de vos expositions et j’ai aimé le lien avec les parapluies, cela me rappelle une vraie histoire que j’ai entendu à la radio où une classe de primaire avait fait la même chose avec un nain de jardin, tout les parents, amis, etc… se prenaient en photo avec un main de jardin dans tous leurs voyages et publiaient les photos sur un site et ensuite à l’école avec le maître ils font des cours de géographie.
    J’ai trouvé cela tellement original !!!
    Au plaisir
    Amitié
    Martine

  3. À Lorenzo dell’Acqua : j’ai déjà communiqué ton nom véritable à Martine. Entre nous, je n’exige pas d’incognito de ceux qui commentent ou qui publient sur le JdC. Je leur propose simplement de prendre un pseudonyme s’ils le souhaitent. En général, ils le souhaitent.
    Et puis Lorenzo dell’Acqua, ça sonne tellement bien au campanile !

  4. Réponse pour Martine,
    J’ai été très ému de découvrir que nous partagions cette même vision, pas seulement photographique, mais humaniste, du monde qui nous entoure, des êtres et des choses. Sincèrement. Vous ne pouvez rien savoir de moi sur internet car Lorenzo dell’Acqua est un pseudonyme à la demande de Philippe Coutheillas. Je suis ennuyé de ne pas savoir si je peux rompre l’anonymat qu’il nous a demandé. Mais, bien sûr, vous pouvez le lui demander à lui. Il a toute liberté de vous répondre « en clair ».
    En voyage comme accompagnant de ma femme en Égypte, je fis comme tout le monde de nombreuses photos. Au retour fut organisé dans cette assemblée un concours de photos que je remportais. Après avoir vu mes photos, les participants à ce voyage sont venus me voir pour me dire : « Mais vous n’étiez pas avec nous ! ». Et pourtant, si, je n’ai jamais quitté le groupe et nous avions été ensemble tout le temps.
    C’est cela, la photographie.
    Amitiés
    Lorenzo dell’Acqua

    PS) sur internet et sous ce pseudonyme il existe une référence en page 2 ou 3 me concernant et montrant ma petite fille. Voilà. Vous allez pouvoir découvrir mon site photo et moi accessoirement

  5. Je voulais mettre un visage sur ce Lorenzo Dell’acqua sur internet mais rien.
    Elles sont tellement belles ces photos, en tout cas elles me parlent beaucoup !
    Et ce qu’il dit c’est exactement ce que je ressens, garder une seconde de ce monde, une photo c’est une seconde du passé, une image figée à tout jamais de cet instant passé qui ne se reproduira plus jamais comme chaque seconde qui passe.
    Cela me fait pensé à un petit bout de papier que Mickaël a laissé sur son bureau où était écrit : « Nous ne sommes que quelques secondes d’éternité », une photo c’est un instant d’éternité a jamais figé qui peut nous rappeler tellement de bons souvenirs, une odeur, une légère brise au bord d’un lac, un moment de profonde détente, une ballade en forêt pleine d’odeur de sous bois, d’odeur de mousse, un animal sauvage qu’on a juste eu le temps de prendre, qu’il était beau, un rire d’enfant dont on se rappelle parfaitement le son, toutes ces belles choses qui font notre vie et que grâce aux photos on peut se remémorer instantanément, car comme il dit notre mémoire nous joue des tours,
    et pour les autobiographies c’est ce que je préfère, voir comment un être en déroulant sa vie nous décrit comment il est devenu ce qu’il est .
    J’aimerais bien discuter avec Lorenzo !!!!!

  6. Un texte intéressant à lire et à faire réfléchir, un Dimanche matin, jour de Fête des Mères, par un beau temps breton, lumineux et apaisant. A propos d’un sujet de notre temps, de notre époque quoi, mais de la retraite aussi. Lire, écrire, photographier, visiter, s’extasier, bien sûr, mais ce n’est pas nouveau, nos parents et grand-parents pouvaient s’y adonner. La retraite c’est encore observer, s’interroger, réfléchir et même juger, par soi-même, et notre époque justement donne beaucoup matière à réfléchir. Il se trouve que j’ai entrepris avant-hier la lecture d’un livre édité récemment, dont je n’ai pour l’instant lu qu’un bon tiers, facile à lire et absolument passionnant: “Et si Platon revenait…”. Le philosophe Roger-Pol Droit examine notre époque et ses nombreux phénomènes caractéristiques tels, pêle-mêle, le smartphone et le selfie, le terrorisme, l’emigration, l’ecologie, mais aussi des personnalités politiques ou autres, par exemple Bob Dylan (je n’y ait pas encore rencontrer Gérard Depardieu mais il apparaîtra peut-être plus loin), et confronte tous ces phénomènes à la pensée de Platon et de Socrate. Alors, si j’ai un conseil à vous donner pour cet été, délaissez un roman pour cette reflexion interpellante (scotchante pour dire comme aujourd’hui) “et si Platon revenait…” (297 pages, gros caractères).

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