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Philomena – Critique aisée (6)

Philomena
Film de Stephen Frears, avec Judi Dench et Steve Coogan

Je ne voulais pas y aller. Cette histoire d’enfant volé à une pauvre jeune fille, mère, irlandaise et catholique de surcroît, ne me disait rien qui vaille. En réalité, j’ai du mal à supporter physiquement et sentimentalement les histoires lamentables, pathétiques et mélodramatiques quand elles mettent en scène des enfants, surtout quand elles sont basées sur des faits véritables. Plutôt que d’endurer cela, j’aimerais encore mieux revoir le Django Unchained de Tarantino.
Donc, je ne voulais pas y aller…
Mais Stephen Frears, quand même! My Beautiful Laundrette, Les Liaisons Dangereuses, The Queen… (à propos, avez-vous vu Les Arnaqueurs, Mrs Henderson présente, Tamara Drewe ? Non? Ah, dommage!)
Et puis aussi Judi Dench, quand même! Chambre avec Vue, Mrs Henderson présente, Shakespeare in Love, Orgueil et Préjugés … (à propos, avez-vous vu The Best Exotic Marigold Hotel ?)
Et puis Sophie voulait…

Montparnasse, samedi matin, séance de 9 heures 15.
Au début des années cinquante, Philomena, irlandaise, seize ans, succombe au coin d’une fête foraine au charme d’un garçon de son âge. Quand son état de future mère est révélé, sa famille la place dans une institution où les bonnes sœurs prennent durement en charge les jeunes filles dans sa situation. L’enfant nait et grandit dans l’institution, à côté de sa mère qui a le droit de le voir une heure par jour. Vers l’âge de trois ans, Anthony est remis contre argent à une famille américaine qui l’emmène en Amérique pour l’adopter.
Le jour du cinquantième anniversaire de sa naissance, Philomena entreprend la recherche de son fils qu’elle n’a jamais revu. Elle fait appel à un journaliste-écrivain pour l’aider dans sa quête. Tout est dit, sauf la fin que je ne révèlerai pas.

Comment parler de ce film ?
Ce n’est pas une charge contre les pratiques scandaleuses de certaines institutions catholiques irlandaises. Ce n’est pas la peinture révoltée d’une époque et d’une société sans pitié envers les erreurs de jeunesse. Ce n’est pas la recherche douloureuse d’une mère angoissée depuis cinquante ans par la disparition de son enfant.

Non, ce film est un road movie tout ce qu’il y a de plus classique et de plus réussi. C’est la rencontre attendue et réjouissante de deux caractères que tout oppose. C’est la succession tranquille de deux ou trois rebondissements. C’est l’alternance subtile de moments d’émotion retenue et d’humour distancié. C’est une fin apaisée, sans désespoir ni réel happy-end.
C’est tout sauf le mélodrame auquel on pouvait s’attendre, auquel je m’attendais, à la lecture du pitch. C’est un excellent film.

Philomena, infirmière retraitée, est sans haine, presque sans inquiétude. Elle est simplement et calmement obstinée. Presque totalement dénuée d’humour, elle est pourtant drôle et souvent gaie. Philomena, c’est Judi Dench, quatre-vingts ans à l’hiver prochain, magnifique, solide, touchante, et parfois même, belle. Parfaite. On penserait à Simone Signoret ou Jeanne Moreau dans leur grand âge si elles avaient été capables de jouer dans des comédies.
Lui, c’est Steve Coogan, trente ans de moins. Il  incarne avec beaucoup d’élégance ce journaliste-écrivain, membre du Tout-Londres en disgrâce, ne parlant, ne vivant qu’au deuxième degré comme tout britannique bien élevé sortant de « Oxbridge ». Deuxième degré qui fondra au cours de l’enquête plus vite que la sérénité de Philomena lorsque sera révélée la duplicité finale des sœurs.

C’est du cinéma de grande qualité, sans emphase ni prétention, ni manichéisme, mais drôle, émouvant, parfaitement réalisé et joué. So british.

Django Unchained. Critique aisée (4)

Django unchained. Quentin Tarentino.

Paris, Janvier 2013

Ma chère Zoé,
J’ai vu Django Unchained et comme je te l’avais annoncé, je te fais part de mes impressions.
Tout ce que je craignais est arrivé, justifiant à posteriori mes préjugés contre les films de Tarantino. J’ai vu:
— un western tortellini  caricaturant les westerns spaghettis
— avec une musique omniprésente, imitant parfois les musiques bon marché des vrais et si épouvantables Django, et d’autres fois les musiques prétentieuses de Ennio Morricone.
— avec un acteur insupportable de cabotinage (le chasseur de prime autrichien), qui avait pourtant sauvé du néant le précédent peu glorieux Inglorious Bastards de Q.Tarantino
— avec un Jammie Fox, admissible car taciturne pendant la majeure partie du film, puis insupportable quand il se met à chausser ses lunettes de soleil  de chez Prada
— avec une complaisance grand guignolesque pour les explosions de sang (en l’occurrence, on ne peut pas parler d’écoulements ni d’épanchements)
— avec une reprise de toutes les roublardises et de tous  les tics de mise en scène de Sergio Leone (ah! ces regards horripilants et interminables échangés entre adversaires avant la bataille).

Tarantino est un enfant gâté (mais vieillissant) du cinéma, qui a tout vu, sauf les bons films, et caricature les plus mauvais  avec des clins d’œil appuyés  pour montrer qu’il n’est pas dupe de la bêtise qui s’attache aux sujets qu’il ne traite que pour étaler son habileté et sa culture cinématographique.

Quand Q.T. se décidera-il à tourner un film original, je veux dire un film qui ne soit pas un pastiche, pour nous montrer qu’il sait faire autre chose?
Ou alors, le pastiche n’étant, dit-on, rien d’autre qu’un hommage, quand ce petit génie pastichera-t-il Orson Wells, David Lean, ou Jean Renoir?

Tu as deviné, je n’ai pas vraiment aimé ce film.
Je pardonne encore à Q.T. à cause de son Réservoir Dogs et de sa Pulp Fiction, mais ma patience est à bout.

Du désastre Django, je sauverai pourtant deux scènes:
—le débat qui s’établit entre lyncheurs masqués sur la qualité des sacs aménagés par l’épouse de l’un d’entre eux, et sur ce qu’il convient d’en faire pour la suite de l’opération
—la très longue discussion entre l’éleveur de Mandingos dans sa salle à manger et le chasseur de primes autrichien, dans laquelle Leonardo de C. montre encore une fois tout ce qu’il sait faire.

Sans rancune.
Philippe

P.S. Ça m’a bien détendu d’écrire cette diatribe.