Il y a dans la Recherche du Temps Perdu un personnage, Monsieur de Norpois, qui sait tout, selon lui, des usages et du parler diplomatiques. Pour lui, la diplomatie consiste essentiellement à « préparer l’opinion », et c’est ainsi que :
« (…), à la veille de la déclaration de guerre, en 1870, quand la mobilisation était presque achevée, M. de Norpois (restant dans l’ombre naturellement) avait cru devoir envoyer à ce journal fameux, l’éditorial suivant :
« L’opinion semble prévaloir dans les cercles autorisés que, depuis hier, dans le milieu de l’après-midi, la situation, sans avoir, bien entendu, un caractère alarmant, pourrait être envisagée comme sérieuse et même, par certains côtés, comme susceptible d’être considérée comme critique. M. le marquis de Norpois aurait eu plusieurs entretiens avec le ministre de Prusse afin d’examiner dans un esprit de fermeté et de conciliation, et d’une façon tout à fait concrète, les différents motifs de friction existants, si l’on peut parler ainsi. La nouvelle n’a malheureusement pas été reçue par nous, à l’heure où nous mettons sous presse, que Leurs Excellences aient pu se mettre d’accord sur une formule pouvant servir de base à un instrument diplomatique. » »
« Dernière heure : « On a appris avec satisfaction dans les cercles bien informés, qu’une légère détente semble s’être produite dans les rapports franco-prussiens. On attacherait une importance toute particulière au fait que M. de Norpois aurait rencontré « unter den Linden » le ministre d’Angleterre, avec qui il s’est entretenu une vingtaine de minutes. Cette nouvelle est considérée comme satisfaisante. » »
Marcel Proust – Albertine disparue
On se demande ce qu’aurait bien pu dire le marquis de Norpois de la situation internationale d’aujourd’hui. Peut-être quelque chose du genre : « Dans les milieux autorisés, on se perd en conjectures quant aux raisons qui ont pu pousser le nouveau maitre de la Maison Blanche à injurier ce matin le président de la République d’Ukraine, alors même qu’il était en train de lui planter un couteau supplémentaire dans le dos. Les diplomates de la vieille école et les tenants de la plus élémentaire politesse considèrent à l’unanimité que le fait de traiter Monsieur Zelensky de c…… molle était déplacé et que le coup de couteau dans le dos eut été suffisant pour confirmer la position des USA.»