Journal de Campagne (8) : Questions existentielles 

Quand le Rassemblement National aura constitué son gouvernement, serez-vous fiers, dans les réunions du G20, du G7, dans les réceptions officielles, dans la signature des traités, de voir la France représentée par un Pinocchio en costume bleu marine aux grosses ficelles tirées par Geppetta ? Serez-vous satisfaits d’avoir un ministre des affaires étrangères choisi par l’amie et grande obligée de Vladimir Poutine ? Un ministre de l’intérieur nommé par l’héritière de Jean-Marie Le Pen ? Cyril Hanouna comme ministre de la propagande et de la culture et le fantôme de Pierre Poujade comme ministre de l’économie ? 

N’aurez-vous pas honte de voir votre pays représenté et dirigé par l’extrême droite ? 

Ne craignez-vous pas de voir l’Europe détruite de l’intérieur par ceux qui il n’y a pas si longtemps voulaient la détruire de l’extérieur ?

Oserez-vous encore vous moquer de l’Amérique qui élit une fois Donald Trump et s’apprête à le refaire ?

Ne pensez-vous pas qu’une fois que Donald Trump l’aura quittée, notre seule protection contre l’impérialisme russe, l’OTAN, sera affaiblie, bloquée ou même disloquée par les mêmes ?

Sur le plan économique, souvenez-vous du Programme Commun imaginé par les Socialistes et Communistes provisoirement rassemblés.  Il a été mis en oeuvre par François Mitterrand en 1981, alors que la France sortait de 7 années giscardiennes avec les caisses pleines. Il a provoqué l’effondrement économique de la France en moins de trois ans. Il a fallu dix ans pour s’en remettre, incomplètement d’ailleurs puisque nous traînons encore les conséquences des 35 heures et de la retraite à 60 ans. 

Le programme du NFP est dix ( 20 ?) fois plus cher que le programme de Mitterrand et les caisses sont vides.
Combien de temps faudra-t-il à la France pour s’effondrer ? Et combien pour s’en remettre ? 

Mais le programme du NFP, en fait à 80% LFI, ne sera jamais appliqué car LFI en a fait volontairement un repoussoir pour la raison qu’il ne veut pas le pouvoir, LFI, surtout pas, seulement un chaos général propice à la révolution. 

Par contre, en cas de majorité absolue, et malgré tous les reculs et émissions de fumées de Jardan Bordella, une partie du programme économique du RN sera appliquée, et cette application, même partielle, provoquera un effondrement économique, avec pour seul remède, cautères des jambes de bois, une très forte augmentation des impôts des classes moyennes et supérieures et des droits de succession, et la renaissance de taxes de « luxe » en pagaille . 

En dehors de Piketti, intelligence artificielle de gauche à créer des impôts, et de — qui au fait  à droite ? Existe-t-il un économiste d’extrême droite ?  tous les économistes le disent, le répètent et l’écrivent, ces deux programmes extrêmes sont extrêmement inapplicables, immensément chers, et diablement dangereux. 

Et vous qui, par antipathie personnelle envers Emmanuel Macron, par rancune contre la police qui vient de vous dresser une contravention, par crainte des vaccinations, par réaction contre quelques nouvelles normes, pour faire baisser le prix du diesel ou par simple mauvaise humeur, vous apprêtez à vous abstenir, à voter pour un défenseur des grenouilles à col vert ou à mettre un bulletin Extrême (auquel j’associe provisoirement la souris P.S. fascinée par le cobra), êtes-vous vraiment prêt à accepter tout ça ? Même pour seulement quelques mois, jusqu’à la prochaine dissolution ? 

Ecoutez-moi bien : si lors de la prochaine élection municipale à Paris, Anne Hidalgo avait pour seul opposant un homme (ou une femme, oui, d’accord, ou une femme) du RN ou du NFP, alors je voterais pour Notre-Drame de Paris. 

Alors soyez sérieux ! Il n’y a de salut qu’entre les extrêmes et, pour le moment, le PS s’est placé en dehors de cet espace. 

12 réflexions sur « Journal de Campagne (8) : Questions existentielles  »

  1. Je suis touché par cette intervention de Philippe qui répond point par point à mes observations qui n’engagent que moi. En réalité je pense que nos points de vue ne sont pas très éloignés, seulement peut être un peu nuancés. Je ne reprendrai donc pas ici la discussion point par point mais j’ajouterai quelques précisions à mon commentaire précédent, notamment deux pour expliquer cette montée spectaculaire du RN (ex FN) ces dernières années. D’abord la métaphore du « mouton de panurge ». Je pense que les médias d’aujourd’hui avec leur outil d’expression indispensable et cependant parfaitement démocratique qui est l’usage intempestif des sondages (mais où sont passés les grands journalistes d’autrefois?) libèrent les inhibitions des électeurs indécis qui se disent « après tout, pourquoi ne pas essayer moi aussi » sans autre réflexion, entraînant ainsi un phénomène de boule de neige (autre métaphore). Marine Le Pen et sa marionette Bardella ont su habilement capitaliser sur cet effet mouton en reprenant à leur compte les principaux arguments des électeurs de gauche d’autrefois (pouvoirs d’achat, chômage, etc). Ensuite la frustration, elle est réelle pour un grand nombre d’ électeurs du RN qui ont le sentiment d’être abandonné par l’État, notamment dans le monde rural, qui, pour certains s’en prennent même à leur maire. C’est pourquoi j’ai évoqué l’idée de l’exercice de la démocratie à l’échelon le plus bas, dans les communes et les cantons, le système de votation suisse, tout ça pour habituer les habitants à se prendre en charge collectivement, et surtout pour obliger les préfets, représentants du sacro-saint État à ne pas seulement faire descendre d’en haut des directives mais de faire remonter des doléances. Rappelons nous comment a débuter la révolution en 1789. Par ailleurs, je sais bien que les agriculteurs ne comptent plus pour beaucoup dans le monde électoral mais leurs conditions de travail et surtout de vie sont regrettées par nombre de français (pure souche ceux-là) soit pour relation familiale soit par amour de la fourniture alimentaire, soit par amour des paysages (phénomène du Salon de l’Agriculture chaque année à Paris). Mais moi non plus je ne crois absolument pas aux référendums nationaux, je laisse cette idée utopique à Melanchon sachant que les français, peuple frondeur, votent pour tout ce qui est contre et contre tout ce qui est pour.
    Une dernière réflexion à propos d’une différence de taille entre la démocratie française et la démocratie américaine, trop peu évoquée à mon sens. Pour l’Assemblée Nationale à Paris (qui ne s’appelle plus Chambre des Députés comme autrefois) les électeurs français choisissent, ou mandatent, leur « député de la nation ». Aux EU, les électeurs votent pour leur « représentant » au parlement à Washington (dit The House of Representatives) ce qui les rend plus responsables vis à vis d’eux.

  2. Quelques réflexions et remarques sur le dernier commentaire de Jim.

    Pour Jim, « ce sont bien les peuples qui ont laissé faire l’avènement (des extrêmes) »
    Pour moi, ce sont les peuples qui ont fait (et non laissé faire) l’avènement des extrêmes. Par le simple jeu de la démocratie, les peuples (plus précisemment, une partie majoritaire ou seulement majoritaire relative) ont choisi les extrêmes et les autres, les minorités, ont bien été obligés d’accepter ou de subir leur choix. En Allemagne, il y a cent ans, les extrêmes sont arrivés au pouvoir par le jeu de la démocratie.

    Jim nous dit « j’aspire et fait confiance à la démocratie ».
    C’est bien normal. Comment Jim, qui est entièrement français ne serait-ce que par son passeport, à moitié britannique par sa naissance et américain de coeur pourrait-il ne pas aspirer à la démocratie ?
    Qu’on se rassure, je ne vais pas citer cette superbe sentence de Winston Churchill sur la Démocratie, tellement rabâchée qu’elle est devenue rengaine. Moi-même, qui ne suis pourtant que français, moitié limougeaud et moitié dauphinois de naissance, parisien d’origine et de coeur, j’adhère à la sentence du grand Anglais.
    Il faut reconnaitre qu’il arrive que la Démocratie et ses principes soient dévoyés et qu’elle conduise démocratiquement à des régimes autoritaires très éloignés des principes des pères fondateurs, comme disent les Américains.
    Alors, peut-être ne faudrait-il pas faire confiance à la démocratie ?…
    Mais quel est le moyen de faire autrement que de lui faire confiance quand on est démocrate ?
    Pas rassurant tout ça.

    Jim constate « qu’aujourd’hui une grande partie (des agriculteurs) votent RN ».
    C’est connu : ils votaient à droite, conservateur, en grand majorité. C’est vrai, aujourd’hui, ils votent RN en écrasante majorité. Mon propos n’est pas de rechercher les raisons de cette évolution, mais de se demander quel est son impact sur les résultats des élections.
    L’INSEE vient juste de me dire qu’en 2021, il y avait 421000 agriculteurs (hommes et femmes confondus) en activité, représentant 1,5% de la population active. Gonflez cette statistique en considérant qu’il y a des inactifs, des erreurs, des mécomptes autant que vous voulez, vous ne dépasserez pas 3 ou 4% de l’électorat. Quand bien même ce serait 5 ou 6%, ça ne changerait rien au fait que l’évolution des agriculteurs vers l’extrême droite n’explique pas le basculement de l’opinion. En fait, il faut le reconnaitre, si les agriculteurs pèsent beaucoup sur la politique française, en nombre de bulletins de vote, ils ne comptent pas.
    Alors d’où vient le basculement de l’électorat ?
    La réponse que donnent toutes les études statistiques à cette question est la suivante, claire, sans ambiguïté : c’est la majeure partie du monde ouvrier qui a basculé de l’extrême gauche vers l’extrême droite, du Communisme au Front National.
    Si vous êtes un peu âgé, vous vous souvenez peut-être des temps où le Parti Communiste recueillait 25 ou 30 % des votes, alors qu’aujourd’hui, il ne représente plus que quelques pauvres malheureux pour-cents.
    L’équation est peut-être simpliste, mais si vous faites passer 20% de gauche à droite et que vous y ajoutez les quelques pour-cents de la vieille armée de Jean-Marie Le Pen, vous obtenez pas loin des 35% de Marine.
    L’exposé des raisons de ce basculement m’entrainerait dans une nouvelle diatribe contre la gauche sociétale en général et le P.S. en particulier, mais vous n’avez surement pas envie de lire ça.

    Jim se demande « Comment s’impliquer dans la politique en dehors de son bulletin de vote? » et suggère « une meilleure implication dans les mouvements locaux, sociaux ou associatifs ».
    Louable intention, recommandable projet individuel que chacun devrait envisager, mise en pratique personnelle et quotidienne d’une charité laïque ou chrétienne, avec un effet local direct indéniable, mais limité justement parce que nécessairement local au sens de la géographie et de l’activité associative concernée.
    Utiles, insuffisantes, nécessaires, indispensables dans certains cas, mais forcement limitées, ces actions ne peuvent avoir qu’un effet marginal sur la résistance aux tentations des extrêmes.

    Et pourquoi pas « un jeu de la démocratie à l’échelon le plus bas comme celui des votations en Suisse ? » se demande Jim.
    La votation de la piétonnisation de la rue Guillaume Tell a Viège dans le canton de Vaux ne me gêne pas. Mais le référendum à tout propos, lui, me fait peur. C’est un outil extrêmement dangereux, non pas pour celui qui l’organise, mais pour celui qui en subit le résultat. Ce moyen de gouverner qui a toutes les apparences d’un outil parfaitement démocratique devient, dans les mains habiles de soi-disant démocrates, un outil d’entérinement de décisions anti-démocratiques et souvent pro-dictatoriales prises au sommet. Les exemples sont nombreux de referendum prolongeant indéfiniment des mandats électifs et/ou étendant à volonté les pouvoirs confiés par élection démocratique à ces mêmes mandats.
    Pourtant, si l’on met de côté le risque de manipulation d’un referendum, on doit bien admettre que le referendum est la voie la plus directe de l’expression de la volonté du peuple. Mais cette volonté du peuple est-elle vraiment toujours à suivre ? Question scandaleuse ? Blasphème anti-démocratique ? Vous croyez ?
    S’il existait une majorité par referendum pour le rétablissement de la peine de mort, devrait-on la rétablir pour autant ? Si un référendum débouchait sur une majorité d’électeurs refusant de s’opposer à la Russie dans telle ou telle circonstance, devrait-on s’y soumettre ? Beaucoup de décisions qui s’imposent sur le plan moral ou sur le plan de l’intérêt supérieur du pays mais qui sont, à courte vue et à court terme, impopulaires (on est trop indulgent pour les assassins, on est pacifiste et on ne veut pas faire la guerre à la Russie) ne peuvent pas être soumises à referendum. Je pense que les hommes politiques ne doivent pas être seulement et toujours là pour exprimer et appliquer la volonté du peuple. Il y a des cas, et ce sont les plus importants, où il sont là, ou devraient l’être, pour faire comprendre à leurs électeurs la nécessité de telle ou telle action politique.
    Démocratiquement, un chef d’état ou un de gouvernement est élu, choisi par le peuple. Son rôle n’est pas n’est pas nécessairement d’appliquer toujours et uniquement la volonté de ce peuple.
    Sonnez trompettes !
    Rideau !

  3. Mon commentaire écrit hier était à l’origine beaucoup plus long et tentait d’expliquer selon mes propres expériences et convictions pourquoi j’appelai à un examen de conscience les électeurs démocrates et leur responsabilité dans ce qui nous amené à la situation politique aujourd’hui en France. À la relecture, j’ai réalisé qu’il était beaucoup trop long et j’en ai éliminé les 9 dixièmes pour ne garder que le premier paragraphe qui a interpellé très justement Philippe. J’approuve ce qu’il a écrit et les mots employés, je vais donc poursuivre mon idée. J’approuve aussi le commentaire de Lorenzo qui dit que les responsables de la situation politique sont « toi et moi », c’est à dire nous car je m’inclus dans le toi et je me pose la question « qu’as-tu fait, ô toi que voilà », question qui appelle un examen de conscience.
    Quand j’emploie le mot « responsable », je pense à une responsabilité collective bien sûr et non à la responsabilité individuelle. De même, j’emploie le mot « lâcheté », là encore je ne pense pas à une attitude individuelle,à un manque de courage, le mot « paresse » ou « laisser-faire » eut en effet été plus approprié. Toutefois, je ne pense pas à une culpabilité, « responsable mais pas coupable »! C’est aux partis politiques et les hommes qui les composent que je pense et ces hommes ont été élus, par moi pour certains, autrement dit en leur délégant ma « représentation » par ma « voix », je deviens donc coresponsable de leurs actions. Par exemple, si j’avais voté LR en 2022 (parti que j’ai laissé tombé en 2016), son président le fourbe Ciotti le Petit m’aurait cocufié et je me serais senti responsable par délégation de la situation créée par mon parti. Je tiens en haute estime, amoureusement même, le principe de la démocratie représentative telle qu’elle existe aux USA, si bien analysée par Tocqueville, et en France depuis aussi longtemps qu’aux USA, mais aussi en Grande Bretagne et dans d’autres pays encore. Partout je vois les mêmes situations, propres chacune à leur pays, plus qu’inquiétantes, épouvantables oui. Mon analyse est que ce sont bien les peuples qui ont laissé faire l’avènement de ces situations ou les ont provoqué. « Vox populi vox dei », voilà justement le problème, la vox populi est devenue gouvernée par l’individualisme forcené, le dieu du chacun pour soi sans principes, soit collectif et c’est les appétences gauchistes, voire révolutionnaires (la dictature du prolétariat chère aux communistes), soit individuel et c’est les appétences droitistes inféodées à un chef autocratique et charismatique tout puissant, quelque chose qui finit par ressembler au fascisme ou au nazisme. Le problème avec ces gens là c’est qu’ils avancent masqués, ils jouent sur les peurs et les mauvais instincts, suivez mon regard. Dans l’un ou l’autre cas, cela se termine toujours par la dictature pure et simple et l’abrogation de la liberté chère aux démocrates.
    Pour ma part j’aspire et fait confiance à la démocratie tout en reconnaissant ses tares dont certaines ont conduit à la situation d’aujourd’hui. Deux exemples qui touchent à ma responsabilité induite dans la situation d’aujourd’hui. Je suis un ingénieur agronome, enthousiasmé pendant mes études par la loi d’orientation agricole de 1962, dite loi Pisani, qui allait révolutionner l’agriculture française (voir le livre remarquable de l’époque « La fin d’une agriculture » écrit par le journaliste F-H de Virieu). L’agriculture française a toujours été une activité basée sur l’indépendance et la libre entreprise. Les agriculteurs votaient à droite, le type même du libéralisme économique auquel je crois. J’ai honte de constater qu’aujourd’hui une grande partie d’entre eux votent RN parce que les politiques les ont mal orientés et même les ont laisser tomber pour de multiples raisons dont une très controversée, « L’Europe », à la fois leur sauveur mais aussi leur fossoyeur. L’Europe justement, j’ai écrit une thèse de maîtrise en 1966 à l’Université de l’Illinois sur ce nouveau machin auquel personne ne s’y intéressait et depuis je m’y intéresse avec mécontentement je dois dire. Contrairement aux recommendations de vote des partis auxquels j’adhérai j’ai voté Non au référendum sur le traité de Maastricht en 1992 et à nouveau Non au référendum de 2005 pour une Constitution européenne. J’avais mes raisons car j’y voyais une impréparation pouvant conduire à des problèmes futurs, dont celui du mécontentement des agriculteurs et celui du mécontentement de ceux qui ne souhaitaient pas une dissolution de la France dans un ensemble mal défini et trop technocratique. Aujourd’hui, je n’ai aucun regret d’avoir voté en responsabilité et pense même en clairvoyance des suites qui ne m’ont pas donné tort.
    Je m’égare, pardon! Revenons à la question: Comment s’impliquer dans la politique en dehors de son bulletin de vote? À moins de devenir un homme politique engagé professionnellement, ce n’est pas facile. Peut-être par une meilleure implication dans les mouvements locaux, sociaux ou associatifs. Cela demande le sacrifice de son temps et une grande patience. Peut être par un jeu de la démocratie à l’échelon le plus bas comme celui des votations en Suisse. En tout état de cause, je suis trop vieux maintenant, plus vieux que Biden!

  4. Montée des extrêmes…
    Responsabilité ?
    Lâcheté ?
    Culpabilité !

    Si l’on veut parler, avec Lorenzo, de la responsabilité dans la montée des extrêmes de celui qui ne s’est pas « engagé en politique », je crois avoir répondu pour mon cas personnel : non, je ne consens à assumer aucune responsabilité dans la montée des extrêmes. Pour ce qui est de la lâcheté, elle ne pourrait provenir que d’un refus d’accepter une telle responsabilité, mais, sophisme, puisqu’il n’y a pas de responsabilité et qu’il ne peut y avoir refus de quelque chose qui n’existe pas, il n’y a pas de lâcheté.
    Ce que je ressens n’est pas de la culpabilité. C’est de la rage. J’ai dit pourquoi.

    Mais quand Jim parle de responsabilité et de lâcheté devant la montée des extrêmes, je sens confusément qu’il parle d’autre chose. Et cet « autre chose » pourrait bien être ce sentiment de culpabilité que l’on éprouve lorsque que l’on sent que l’on aurait dû faire quelque chose pour éviter un mal, une chose que finalement on a pas faite par lâcheté, bien grand mot qui évoque le manque de courage et que je préfère remplacer par paresse ou manque de générosité. (Si je me trompe, Jim ne se privera sûrement pas de le faire savoir par voie de presse.)
    Quel est donc ce « quelque chose » que Jim ou vous ou moi aurions pu faire pour empêcher ou ralentir la montée des extrêmes ?
    Si l’on considère un instant qu’elle est due à l’appauvrissement de certaines couches de la société au point de les pousser vers les extrêmes, on peut se dire, durant ce même instant, qu’une meilleure répartition des richesses, c’est à dire un transfert de richesse vers ces couches moins favorisées aurait pu empêcher ou ralentir la montée des extrêmes.
    Pour l’individu qui, par hasard, par chance ou par mérite, s’est toujours ou presque toujours trouvé favorisé par rapport à d’autres, une réaction de culpabilité peut être « Je suis favorisé, je n’ai pas assez partagé mon aisance, ce qui a jeté les gens moins favorisés dans les extrêmes. Je suis donc responsable de cette poussée, responsable et coupable comme ne disait pas l’autre. »
    Je pense que ce raisonnement est infondé.
    Il y a deux moyens de partager son aisance matérielle : individuellement, par les dons et les engagements bénévoles dans des actions de bienfaisance, bref par ce que les chrétiens appellent la charité, et collectivement par la redistribution d’une partie des richesses.
    Le premier moyen est individuel, personnel. Quand on voit la misère du monde – à côté d’elle, celle des Français n’est pas grand chose – on sait qu’on n’en fera jamais assez pour la soulager. Mais comme on n’est pas des saints et qu’il faut bien vivre avec son niveau d’égoïsme, on s’arrange comme on peut avec sa conscience pour se satisfaire de son niveau de partage. Mais de toute façon, je le redis, ces actes charitables sont personnels et individuels et on conçoit bien que ce n’est pas par eux que le sort des couches moins favorisées sera amélioré de façon sensible. On n’est pas Crésus, non plus ! Autrement dit, on peut avoir des remords, ressentir de la culpabilité, penser qu’on est responsable, mais il s’agit d’une responsabilité morale et non politique. Autrement dit encore, ce n’est pas parce que j’aurais donné cent fois plus à la Croix Rouge, aux Restos du cœur ou à la Fondation de France que j’aurais empêché le RN de gagner les élections.

    Le deuxième moyen est collectif. Grosso modo, et pour simplifier, il est constitué de la part des impôts qui est transférée par redistribution des couches de la société les plus aisées vers les couches moins favorisées, du moins c’est le principe de base.
    On peut contester le volume de ces transferts et la manière dont les redistributions sont effectuées, mais elles existent et ce qui est incontestable, c’est que le niveau de ces transferts en France est le plus élevé d’Europe, et probablement du monde.
    Incontestablement, il y a donc partage de l’ »aisance » des uns vers la « pauvreté » des autres.
    Avons-nous individuellement une responsabilité politique dans l’établissement du système de partage et, par voie de conséquence, si ce système est mauvais et favorise les extrêmes, en sommes-nous individuellement responsable.
    La réponse serait oui, en partie, pour un individu qui aurait soutenu électoralement un parti opposé aux répartitions, par exemple un parti ultra-libéral. Or, c’est une constante chez nous depuis 50 ans, tous les partis qui ont été un jour au pouvoir, et pour lesquels vous et moi avons voté, ont favorisé, amélioré et parfois même gonflé le système au delà de l’économiquement supportable. A part l’individu cité plus haut, aucun électeur d’aucun autre parti n’est donc responsable de l’éventuelle insuffisance du système de répartition qui aurait pu provoquer la fameuse poussée.
    Mais de toute façon, l’augmentation du taux de transfert entre « riches » et « pauvres » aurait-il eu pour effet de ralentir ou même d’empêcher la montée des extrêmes ?
    Même sans prendre en compte le plafond de supportabilité de l’impôt, on peut sérieusement en douter.
    Tout d’abord, il est facile de constater qu’au cours des 40 ou 50 dernières années, la croissance spectaculaire des volumes de transferts sociaux s’est produite parallèlement à la montée tout aussi spectaculaire des extrêmes. La première n’a pas empêché la seconde. D’accord, ce n’est pas une preuve statistique, mais c’est un signe.
    Ensuite, à présent, il faudrait examiner quels sont les ressorts de l’adhésion aux idées extrêmistes.
    Je n’ai malheureusement pas les moyens d’enquête ni les connaissances en statistique ou en sociologie qui me permettraient de le démontrer, mais l’examen, subjectif de ma part, des motivations des extrémistes de droite et de ceux de gauche fait qu’elles ne m’apparaissent pas financières, notamment parce qu’elles ne sont pas rationnelles. Elles sont bien davantage d’ordre psychologique.
    Chez l’individu, le passage à l’acceptation des idées extrémistes provient selon moi du développement d’un sentiment composite, constitué d’une sorte d’aigreur mêlée d’une certaine frustration additionnée d’une bonne dose d’envie et d’auto-justification. A ce sentiment composite, viennent s’ajouter, quelque fois et au cas par cas, ces choses étranges que sont l’antisémitisme, le racisme, la xénophobie, ou tout simplement la haine de l’autre, l’intolérance, l’ignorance et pourquoi pas, dans le cas de certains très jeunes révolutionnaires, le romantisme généreux.
    Ce ne sont pas le niveau du SMIC, l’âge de la retraite, la durée du chômage indemnisable, le prix du kilowatt/heure qui vous rendent RN ou NFP. Ce qui vous rend « extrême », c’est le fameux sentiment composite (il faudrait lui trouver un nom) et les anomalies viscérales. Comment naîssent et se nourrissent ce sentiment et ces anomalies, c’est une autre histoire.

    En résumé

    1- Suis-je responsable d’un partage insuffisant des richesses ?
    1.1 Moralement : oui, mais c’est personnel
    1.2 Politiquement : non

    2- Un partage insuffisant des richesses est-il à l’origine de la poussée des extrêmes
    2.1 Statistiquement : non
    2.2 Psychologiquement : non

    Ni responsable, ni coupable, ni lâche (sauf éventuellement 1.1 ci-dessus)

  5. Dans une situation telle que celle d’aujourd’hui en France à la veille d’une élection qui s’annonce décisive, je pense que chacun doive faire son examen de conscience. Je ne parle pas de ceux qui sont déterminés irrémédiablement dans leur choix politiques et qui voteront en conséquence (consciemment ou inconsciemment) pour une dictature, qu’elle soit de gauche ou de droite, qui annihilera la liberté individuelle et collective et développera la haine. (« L’enfer c’est les autres »). Je parle de ceux qui récusent ces extrêmes et qui pensent agir en bons démocrates par le seul acte de vote, élections après élections. Ne ressentent-ils pas (comme moi) une part de responsabilité dans la montée de ces extrêmes et surtout de celle de droite, je dirai même une part de lâcheté?

  6. Non, la situation n’est pas inquiétante, elle est désespérée.
    Non, je ne me sens pas responsable de l’irrésistible ascension de l’extrême droite.
    Non, je ne suis pas davantage responsable de l’alliance des LR-Ciotti avec le RN
    Non, je ne suis pas responsable de la compromission avec LFI de Glucksman, de Hollande et de tous les socialistes qui s’y sont sentis autorisés par leur exemple.
    Non, je pense qu’on peut vivre en démocratie sans « entrer en politique ».
    Non, je ne pense pas qu’on a qu’à se taire et être content d’être en démocratie quand on n’est pas « entré en politique »
    Non, je pense pas qu’il soit de mon devoir de respecter moralement le choix des électeurs quand celui-ci se fonde sur des éléments irrationnels ou des sentiments anti-humanistes comme le racisme, l’antisémitisme, la xénophobie…
    Non, je ne respecte pas moralement ces choix quand ils sont basés sur l’agitation haineuse entretenue sur et par les réseaux sociaux.
    Non, je ne suis pas entré en politique, n’ayant ni gout ni talent pour ce métier, car c’en est un, pas plus que je n’ai de gout ou de talent pour être violoniste, marin ou cantonnier.
    Sur le plan de l’usage de la démocratie, la seule chose que j’ai faite, c’est de voter, à chaque fois. Je crois n’avoir jamais raté un seul scrutin, sauf peut-être pendant ma période étrangère. C’est déjà plus que beaucoup.
    Et pour rester sur le plan de la démocratie, la seule autre chose que j’ai faite, c’est, depuis longtemps, d’écrire des articles polémiques et politiques sur ce qui me paraissait tordu dans notre république, les lâchetés, les compromissions, les bêtises, et, depuis quelques jours, de gueuler du haut de ma taupinière pour tenter, comme je l’ai dit dans mon Journal de Campagne n°2, de « vous foutre une sacrée trouille, une frousse telle que vous ne puissiez pas vous en sortir autrement qu’en vous opposant par tous vos moyens au RN et au Front populaire.« 

  7. Nous avons, je crois, la chance de vivre dans une démocratie. Ce n’est pas le cas de tout le monde. Cette chance a un revers : nous devons respecter le choix des électeurs même si, comme Philippe, nous ne sommes absolument pas d’accord avec la majorité, de droite ou de gauche, qui se dessine. Qu’y pouvons nous ? Rien. Ou alors, pour être en accord avec notre colère, nous aurions du entrer dès hier en politique pour tenter d’infléchir ces tendances extrémistes que nous refusons. Mais, ni toi, ni moi ne l’avons fait. Alors, les responsables de cette situation politique que tu juges inquiétante à juste titre, c’est toi et moi.

  8. Paradoxalement, c’est grâce à Glucksman (et Hollande) que le RN obtiendra la majorité absolue.

    Sa lunette à la main, il observait parfois
    Le centre du combat, point obscur où tressaille
    La mêlée, effroyable et vivante broussaille,
    Et parfois l’horizon, sombre comme la mer.
    Soudain, joyeux, il dit : « Glucksman! » – C’était Blücher »

  9. Salut Philippe,
    Nous sommes aussi inquiets que toi et la disparition du Parti socialiste , qui pourtant grâce à Glucksman avait obtenu un honorable 14% aux européennes,nous fera beaucoup hésiter au second tour en cas de confrontation RN ,front populaire d’aller déposer un bulletin de vote ( tout dépendra de la personnalité locale )
    Ton analyse des deux extrêmes est d’une remarquable clarté et je la fais suivre à quelques amis même si ils sont déjà convaincus mais pour convaincre les plus jeunes qui n’ont aucune vision historique.

  10. Ce n’est pas tous les jours que je cite une phrase de François Mitterrand. Il l’avait prononcée pour manifester son inquiétude et son désarroi face à la montée de la xénophobie, de l’intolérance et des divisions au sein de la société française.
    Cette phrase, c’était : “J’ai mal à la France”.
    Si F.M. revenait aujourd’hui — Dieu nous garde — il aurait sans doute toujours mal à la France et encore davantage à son Parti Socialiste qui pour un plat de lentille a vendu son droit à la parole, devenant l’Idiot Utile du chantre de la xénophobie, de l’intolérance et de la division.
    Trop compliquée, cette phrase ?
    En voici une plus facilement compréhensible :
    Socialistes ! N’acceptez pas de voter Front Populaire !

  11. La patronne de Jardan Bordella vient de déclarer que le titre de « chef des armées » attribué par la Constitution est « honorifique ».

    Ci-dessous, un rappel de la Constitution. On pourrait en avoir besoin.

    ARTICLE 13. (Extrait)
    Le Président de la République signe les ordonnances et les décrets délibérés en conseil des ministres.
    Il nomme aux emplois civils et militaires de l’État. (…)
    ARTICLE 14. (Intégral)
    Le Président de la République accrédite les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires auprès des puissances étrangères ; les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires étrangers sont accrédités auprès de lui.
    ARTICLE 15. (Intégral)
    Le Président de la République est le chef des armées. Il préside les conseils et les comités supérieurs de la défense nationale

  12. 3% seulement des électeurs allant des Macronistes au NFP pensent que le RN va gagner.
    Ce n’est pas un pronostic, c’est un énorme déni, une gigantesque connerie.
    Reveillez-vous ! Le RN va la gagner, sa majorité absolue !

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