État de choc

État de choc… La France a voté. La moitié de la France, mais ça revient au même.

État de choc… si je suis en état de choc, ce n’est pas du fait du résultat des élections européennes ; ils étaient attendus et, en gros, les sondeurs avaient raison. État de choc… C’est vrai que cette carte de France des résultats par département publiée par le Figaro, entièrement bleu foncé, la couleur attribuée au RN, a quelque chose de terrifiant. Mais finalement sans surprises, les résultats peuvent provoquer de la tristesse, de l’accablement, de la colère, de la gène, de la honte, mais un état de choc ?  Non. Et pourtant, j’y suis.

Le mien est dû à l’annonce de la dissolution de l’Assemblée Nationale. Brutale, sans ménagement, précipitée, probablement néfaste… Personne n’y croyait, à la dissolution, le RN encore moins que les autres. C’est pourquoi il l’avait réclamée, sans espérer et surtout sans vouloir l’obtenir. Ils l’ont. Nous l’avons. Vous l’avez. 

Evidemment, je crois saisir la raison de cette décision, ou du moins le raisonnement qui y a conduit : les 32% du RN vont provoquer la peur, celle du basculement de la gestion du pays dans l’extrême droite ; cette peur entraînera une réaction en faveur de la majorité présidentielle et protectrice ainsi qu’éventuellement en faveur des autres partis de gouvernement ; la majorité présidentielle n’étant actuellement pas, comme on le sait, majoritaire, elle pourrait de ce fait le devenir. 

Mais, ce raisonnement, je n’y crois pas vraiment, parce que l’extrême droite ne fait plus peur. Sauf à moi, dirait-on. 

Les Français ont davantage peur des conséquences immédiates d’une opposition frontale avec Poutine telle que la conduit Emmanuel Macron que des conséquences bien plus terribles à moyen terme d’un accommodement avec la Russie. Or, le RN poutinophile est contre l’opposition frontale et pour l’accommodement. Alors…

Les Français ont davantage peur de devoir à court terme prendre leur retraite à 65 ans ou voir réduites leurs périodes de chômage indemnisable que des conséquences à moyen terme d’un retour sur la réforme des retraites et d’un abandon de la réforme de l’assurance chômage. Le 10 juin, au lendemain des élections , le CAC40 et l’Euro avaient déjà baissé tandis que le taux d’emprunt de la France bondissait, trois indices de jours à venir économiquement sombres. Mais le retour de la retraite à 60 ans et l’abandon de la réforme chômage, c’est quand même chouette et c’est promis par le RN. Alors…

Les Français ont par principe davantage peur de l’envahissement de leurs villes et de leurs campagnes (envahies, les campagnes ? sérieusement ?) par des immigrés à la recherche de travail que de l’invasion imminente de pays très voisins et très semblables au nôtre par un régime dictatorial, impérialiste et violent. Le RN n’aime pas les immigrés mais il aime bien les dictateurs. Et puis, l’invasion, c’est pas pour tout de suite, tandis que les immigrés… Alors…

Voila pour les peurs. 

Mais il y a les haines aussi. 

Beaucoup de Français éprouvent une haine rationnellement inexplicable à l’encontre d’Emmanuel Macron et de ce qu’il représente. Cette haine ne pourra qu’être attisée par la campagne électorale qui s’annonce brève et violente et qui permettra à tous de l’entendre développée chaque soir sur les ondes. 

Les peurs, la haine, voilà pourquoi je pense que dans un mois, les électeurs qui se sont exprimés le 9 juin confirmeront les choix qu’ils ont faits. Alors, j’ai du mal à croire au raisonnement que j’ai attribué plus haut, et peut-être à tort, au Président. 

Mais peut-être y a-t-il derrière cette décision qui, pour le moment au moins, fait l’unanimité contre elle (sauf parmi les extrêmes, bien forcés de l’applaudir), un autre raisonnement. Il est  fondé sur le fait que la moitié des électeurs se sont abstenus. Dans cette énorme réservoir, les opinions politiques ne se répartissent pas de la manière que l’on a constatée le 9 juin au soir. Le pari serait qu’une partie des abstentionnistes aient suffisamment peur (on y revient quand même, à la peur) pour, cette fois, aller voter. 

Le réveil des électeurs abstentionnistes…
C’est un pari.
Très risqué.
J’ai peur.
Donc j’irai voter.
Mais, comme la dernière fois je n’étais pas abstentionniste, je n’entre pas dans mon raisonnement.
Donc, j’ai peur.
Peur que ce réveil ne soit qu’un rêve.

9 réflexions sur « État de choc »

  1. Oui, J.Badella hors course mais si la REM arrive à s’égaliser avec le RN, G.Attal porrait être maintenu, ce que je souhaite.
    Sinon ???

  2. Il n’y a pas de manque de visibilité sur les programmes : il est très visible qu’ils sont nuisibles, catastrophiques, destructeurs, inutiles, dangereux… Ils sont clairement affichés, et c’est sur ces propositions que le RN a gagné ses nouveaux électeurs.

    Mais, à mon avis, J.Bardella ne sera pas premier ministre, même si le prochain gouvernement devait être formé par le RN. Le poste de premier ministre est un poste trop difficile et trop pénible à tenir pour être confié, même par Marine Le Pen, au premier ignare à belle gueule venu, même s’il est parvenu par népotisme à cette présidence du RN.

    Il ne sera pas premier ministre car ou bien il tombera en disgrâce de la famille Le Pen ou bien il sera maintenu en tant que président du parti, poste tout ce qu’il y a de tranquille dans un RN mené depuis si longtemps de façon autoritaire par le ou la chef de famille.

    Il ne sera pas premier ministre car il serait obligé de revenir dans les faits sur la plupart de annonces qu’il a faites. Ça a commencé avec les retraites, ça se poursuivra avec le reste des propositions intenables, inutiles, infinançables ou inefficaces qu’il a faites.

    Rappelons nous les promesses des Brexiteurs avant le referendum, qu’ils ont du renier dès le lendemain, prétextant qu’ils avaient commis une erreur de calcul (Oups ! ). (dans ce cas, on peut se demander ce qui est le plus inconséquent : avoir menti sur ce point ou avoir vraiment commis une erreur de calcul)

    Malgré ces reculs déjà amorcés et malgré ceux qui demeurent à venir, je ne dirai pas que « tout n’est pas perdu ». Rien que le fait que les électeurs mettent ce type de parti au pouvoir est pour moi moralement aussi grave que, pour les Américains, d’avoir élu Trump à leur présidence.
    De ce fait, et tant qu’ils n’auront pas mi Trump hors d’état de nuire, les Américains n’auront de leçon à donner à personne. Et nous non plus, tant que nous n’aurons pas réduit le RN à l’impuissance, nous n’auront plus de leçon à donner à qui que ce soit.

  3. Oui, c'(est le manque de visibilité sur les programmes qui inquiète, même si la Chambre est justement là pour limiter les dégâts.Pour la retraite à 60 ans, J.Bardella parait reculer.
    Tout n’est donc pas perdu.
    IL reste auusi les policiers à requinquer.

    Sans oublier le JO à gérer

  4. Personnellement, je ne connais personne de droite ou d’ailleurs qui ait quitté la France en 1981.
    Par contre, ce que je sais et que j’ai vécu, c’est la mise en œuvre du programme commun qui, outre l’augmentation des impôts et la mise « au rouge de tous les clignotants » a créé des boulets dont les entreprises françaises et l’économie nationale o,t lis longtemps à se remettre et qu’elles traînent encore aujourd’hui. Parmi ces boulets, les principaux étant bien sûr les 35 heures et la retraite à 60 ans. Bien sûr qu’on en est revenu de 1981, mais mal en point.
    Rien que le programme économique et social du RN devrait conduire à tout faire pour qu’on ait pas à l’essayer. TVA, retraite, nationalisation des autoroutes, privatisation des chaînes tv radio nationales, toutes mesures nuisibles ou inutiles, d’inspiration purement populiste, individuellement aberrantes. Particulièrement à une heure où la dette français est colossale. Alors, prises toutes ensemble, ça donnera le Bresil ou l’Argentine.
    La cerise sur la bouse sera la politique européenne et la politique étrangère.
    Non, mieux vaut ne pas essayer, même pour en dégouter les français. Et si c’est le pari d’E.Macron, je ne l’approuve pas. Trop risqué.

  5. Sans me vanter, la dissolution ne m’a pas étonnée, je l’espérais même. Pour autant, je ne suis pas en état de choc. Rappelons nous, 1936 (j’étais pas né), 1981, les gens de droite prévoyaient le pire, ils s’enfuyaient à l’étranger, et puis ce fut le gouvernement Maurois, quelques réformes comme l’ISF, le ratage pour la réforme des écoles privées, etc, etc. J’espérais cette dissolution pour tester le RN, les français veulent essayer (pas moi bien sûr) et bien qu’ils essaient et on verra le résultat. Je suis content d’être loin de France depuis hier matin, ça fait du bien de ne pas entendre toutes les analyses, supputations et commentaires de nos érudits de la presse (TV et radio surtout).

  6. Dans cet océan de déceptions, la réaction de la quasi totalité des éléphants du parti LR contre l’alliance LR/ RN promulguée par Homer Simpson-Ciotti est quand même encourageante. Elle donne une image un peu moins mauvaise de la politique et de ceux qui la pratiquent.
    Mais , entre nous, à quoi d’autre pouvaient-ils s’attendre, les éléphants ? Éric-Homer avait largement laissé paraître ses sympathies quand, perché sur l’épaule de Mme Pecresse, il lui dictait ses réponses aux conférences de presse. Mais pourquoi donc l’ont-ils laissé élire président des LR ?
    Le cas du PS d’Olivier Faure est moins encourageant, qui vient encore une fois de bouffer son chapeau en reconstituant la NUPES à la première occasion, à la première menace de perte de sièges. Ces gens qui, il y a peu, ne pouvaient plus sentir LFI, en désaccord profond sur des sujets essentiels, allant jusqu’à l’insulte publique et réciproque, ont déjà renié ce pour quoi ils avaient envoyé le soldat Glucksmann au combat, reconstruire un vrai PS. On ne l’y prendra plus, celui-là.

  7. le résultat des élections était attendu… il était clair que ce vote servirait d’exutoire aux «  colères » diverses et variées qui s’expriment régulièrement, amplifiées , narcissices par les incontournables réseaux sociaux :.
    Chaque camp comptait ses voix, on pouvait tranquillement anticiper ses vacances….
    Les cérémonies du débarquement furent ensoleillées
    Biden a tenu le choc , notre président a touché , embrassé l’Europe entière…
    Et la , tel un enfant capricieux vexé d’avoir été puni , il dégaine l’arme de la dissolution :seul , persuadé de dominer intellectuellement la France entière….
    Sans réfléchir , sans consulter , à un mois des JO …
    Et ce matin , le manque de courage des élus des deux bords d’opposition nous rappelle que l’honnêteté intellectuelle est une vertu rare en politique : la gauche raisonnable se précipite dans les bras de Melenchon , la droite modérée dans celle du RN…. Après que chacun de leur porte paroles eût fustigé les excès de l’un et l’autre extrême…
    Oui tu as raison d’avoir peur….

  8. Un accord Ciotti/Le Pen ?
    Aux dernières nouvelles, c’est fait !

  9. L’incompréhensible décision de dissoudre l’Assemblée Nationale a réussi en moins de 48 heures à désorienter le Centre, à reconstituer la NUPES et à mettre le RN en position de gouverner. Il ne manque plus qu’un accord électoral entre Homer Simpson-Ciotti et Marine-Vladimir Le Pen.
    Cette décision a aussi réussi à concentrer toutes les critiques, justifiées ou non, sur Emmanuel Macron et donc à décrédibiliser celui qui devra mener la campagne pour éviter la victoire de l’extrême droite.
    Pour le moment, c’est une vraie réussite…

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