Rendez-vous à cinq heures en auto-stop (4)

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Langage des signes 

Voici la quatrième intervention de Bernard Schaefer dans le Journal des Coutheillas. Il nous y explique ce qu’a été pour lui l’auto-stop en tant qu’auto-stoppeur e§t d’auto-stoppé. Ensuite, vous pourrez découvrir une de ses expériences d’auto-stoppé. 

 L’autostop est aujourd’hui une pratique presqu’oubliée. Internet l’a remplacée presque totalement avec le recours à des sites de rapprochements qui permettent à des personnes de faire du covoiturage ou de l’autopartage. Ceux qui ont une voiture individuelle souhaitent généralement partager les frais d’un déplacement et/ou avoir de la compagnie pour un trajet plutôt long, prévisible à l’avance, parfois régulier.
Mais autrefois, l’autostop consistait à chercher à arrêter une voiture, pour se faire transporter gratuitement, le plus souvent par le geste du pouce levé, parfois en portant aussi une pancarte sur laquelle on avait écrit sa destination. L’autostoppeur était la demande qui cherchait à voyager à bon compte, par choix ou nécessité ; l’autostoppé était l’offre qui acceptait de prendre un passager, par altruisme ou pour avoir de la compagnie ou les deux. Cette pratique était généralement spontanée, le rapprochement de l’offre et de la demande, pour parler comme un économiste, se faisait dans l’instant au bord de la route.
J’ai pratiqué l’autostop ma vie durant, soit comme autostoppeur, soit comme autostoppé et suis encore prêt à le faire, si l’occasion se présente. L’envie m’est venue de raconter mon expérience en autant de courts récits. Je peux ainsi me rappeler quelques anecdotes du passé, originales voire insolites, quelques rencontres éphémères, écrire quelques textes, les destiner à qui veut ou pourrait vouloir s’y intéresser.

Amérindienne

Histoire courte. Avec épouse et enfants, nous sommes au Canada, plus précisément au Québec. Nous avons loué un camping-car à notre arrivée à Montréal et en avant, avec beaucoup de liberté, pour la visite d’une partie de la «Belle Province» Nous allons passer par des villes et des lieux qui me rappelleront une chanson composée par Charles Trénet lors de son séjour canadien, chanson entendue dans ma prime enfance sur un «78 tours» de mes parents: «Nous irons à Trois-Rivières en litière, passant par Chicoutimi endormi, nous traverserons Québec à pied sec, et irons au lac Saint-Jean en nageant (…)». Ce sont là en effet ces lieux qui vont jalonner notre parcours. Dans l’ordre c’est, après Montréal, la ville de Trois-Rivières, puis le parc national de la Mauricie. Un terrain de caravaning y est aménagé; à chaque emplacement on aperçoit à peine le plus proche, mais au matin on y voit le raton laveur qui a dormi sous le véhicule et qui s’est fait entendre une bonne partie de la nuit.
De là, de vastes forêts s’étendent jusqu’au lac Saint-Jean sur près de 200 kilomètres. Le long de la route aucune construction si ce n’est à quelques rares carrefours un équipement typique de ce genre de paysage, quelques constructions qui se limitent à: une église, une station-service-bar, une pharmacie-poste-banque-épicerie-bazar et un parking. La route est le plus souvent rectiligne. Notre étonnement est à la sortie d’un vaste virage : une femme seule fait du stop au bord de la route ; il n’y a que de la forêt tout autour. Ne pas s’arrêter est inimaginable. C’est une jeune amérindienne ; son accoutrement sort directement d’un western ou d’une bande dessinée de Lucky Luke. «Où pouvons-nous vous emmener ?». Pas de réponse, si ce n’est un vague geste pour nous indiquer que sa direction est la nôtre, plus loin. Nous lui proposons une place sur un des sièges du camping-car, mais elle reste accroupie au pied de la porte. Nous insistons un peu pour converser avec elle, trop heureux d’être en présence d’une authentique autochtone. Mais rien n’y fait, tout au plus quelques oui ou non dans un français hésitant. A un moment elle nous fait signe de nous arrêter. Elle est arrivée, descend du véhicule et s’en va sans rien dire sur un sentier en direction des sous-bois ; il nous semble entendre au loin un bruit de ce qui pourrait être une scierie. Et c’est tout.

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