Histoire de Dashiell Stiller – Critique aisée n°264 (3/3)

(suite de l’autocritique malaisée d’Histoire de Dashiell Stiller)

(…) Les deux derniers chapitres, Mattias Engen et Dashiell Stiller, les plus longs du roman, dégagés qu’ils étaient de la tragédie de Samuel et de la langue de bois de Cambremer, ont été sinon faciles, du moins agréables à écrire. Le moins agréable n’étant pas de ne pas connaitre le dénouement des amours d’Isabelle et Dashiell une demi-heure avant de l’écrire enfin.

Je viens de vous présenter sans vergogne ni pudeur la plupart des secrets de l’écriture de l’Histoire de Dashiell Stiller. A présent, sans aucune modestie et en toute sincérité, je vais me livrer coram populo et sans filet à l’exercice littéraire le plus difficile et le plus dangereux qui soit : faire la critique du roman que l’on vient d’écrire.

Critiquer le roman d’un autre est un plaisir dont je ne me suis pas souvent privé.

Critiquer un roman que l’on a écrit des années auparavant est un exercice malaisé, mais il n’est pas périlleux. Si, sincèrement, la critique est mauvaise, l’auteur pourra toujours penser qu’avec les années, il a évolué et que l’enthousiasme du moment de l’écriture lui a caché des erreurs de jeunesse qu’il ne reproduira plus.

Mais, critiquer un roman que l’on vient d’écrire, voilà quelque chose de risqué. Inutile de détailler pourquoi, les ricaneurs le savent très bien. Mais allons-y quand même…

Quand j’étais petit et que je me trouvais devant une assiette remplie de diverses nourritures, je procédais toujours comme ça : commencer par les trucs qu’on n’aime pas, les petits pois, les haricots verts, pour terminer par le steack ou les pommes de terre frites.

Je commencerai donc par les faiblesses, les lacunes, les maladresses que je perçois dans mon Histoire de Dashiell Stiller. Ce ne sera qu’un mauvais moment à passer.

La profondeur : je suis tout à fait conscient que mon roman manque de profondeur. On aurait du mal à y trouver des réflexions sur la condition humaine, sur la vanité des ambitions, sur l’impossibilité d’aimer, sur le sens ou plutôt sur le manque de sens de la vie. Dans le même ordre d’idée, on n’y trouve que fort peu d’analyses psychologiques. De plus, la personnalité des personnages et leurs comportements sont immanquablement déterminés par leur origine sociale, ce qui les amène à la limite du cliché. Aucun d’entre eux ne se révolte contre l’ordre social et si peu contre l’ordre familial. Enfin, cette Histoire de Dashiell Stiller n’aborde aucun des grands sujets qui agitent notre monde, comme le réchauffement climatique ou la condition féminine. Ce roman est ouvertement conservateur. J’y ai noté aussi quelques faiblesses de détail dont la principale consiste en la forme adoptée des questions-réponses, parfois lassante, surtout quand les questions demeurent implicites, cachées derrière trois points de suspension.

Puisqu’il le faut, je vais maintenant passer aux qualités que moi,  j’ai trouvées à ce roman.

Tout d’abord, c’est un roman, je veux dire, c’est un vrai roman : sa longueur est raisonnable — 419 pages, 120.000 mots — ni trop courte comme Blind Dinner, ni trop longue, comme la Recherche du temps perdu.

Ensuite, c’est un roman avec des personnages vraisemblables. Certes, ils sont de leur époque et parfois un peu conventionnels, mais j’ai fait de mon mieux pour leur donner au départ un peu de complexité, assez pour les rendre intéressants et pour qu’ils évoluent d’eux-mêmes au cours du roman, puisque, comme Houellebecq avec ses personnages, je laisse s’agiter les miens.

Ensuite c’est un roman avec des personnages vraisemblables qui participent à une intrigue vraisemblable. Les personnages s’agitent et se rencontrent, mais quand ils se rencontrent, ce n’est que la conséquence logique des circonstances, pas celle d’un improbable mais opportun coup de théâtre. Le seul hasard qui pourrait paraitre forcé, mais comment faire autrement, c’est la rencontre d’Antoine et de Stiller devant la cathédrale de Strasbourg.

L’histoire se situe dans un environnement historique que j’ai voulu le plus exact possible, tout en y intégrant mes personnages fictifs. En particulier, la révolte de Treblinka et certains détails du périple de Sammy, de la Libération de Paris, de la prise de Berchtesgaden et du Nid d’Aigle sont directement inspirés de faits réels.

La construction manque probablement de rigueur mais, à travers des récits parfois divergents, elle dessine le destin d’Antoine qui détermine finalement celui de Dashiell.

Pour conclure, j’ai aimé Histoire de Dashiell Stiller ; je trouve que le récit se tient, que les personnages sont aimables, au sens où on peut les aimer, que certaines scènes sont fortes et que la fin, fermée par le dernier dialogue du dernier chapitre, se rouvre avec les derniers mots de l’épilogue.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *