HISTOIRE DE DASHIELL STILLER – extrait du chapitre 6

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Extrait du chapitre 6 : Antoine de Colmont

Antoine Bompar de Colmont, sur la photo, c’est l’homme au chapeau de paille et au costume vert. Marié à Isabelle en 1939, prisonnier en 1940, évadé en 1943, engagé dans l’Armée de Lattre au moment du débarquement de Provence, il tué à 30 ans en Allemagne, à Berchtesgaden. C’est Isabelle qui son enfance puis son bref mariage avec Antoine. Après l’occupation qu’elle a vécu à Vauvenargues près d’Aix en Provence, elle rentre seule à Paris :

 

(…)

Oui, Paris a changé tout ça.

J’y suis arrivée à la mi-octobre. Malgré la Libération, la vie à Paris était difficile. Le rationnement et le marché noir étaient encore présents et pour longtemps ; il y avait encore peu de voitures dans les rues par manque d’essence; monter dans un bus ou prendre le métro était un exploit sportif ; tous les jours, des gens étaient dénoncés comme collaborateurs et arrêtés ; tous les jours, on parlait des tentatives de prise du pouvoir du Parti Communiste. La guerre n’était pas terminée et il régnait une atmosphère étrange et lourde, un mélange de liberté et de crainte, de dénonciation et de fraternité, de joie de vivre et de règlements de comptes. Mais il y avait Saint-Germain des Prés, là où nous sommes maintenant. Je connaissais Saint-Germain, bien sûr, du temps où j’étais étudiante. Nous l’avions pas mal fréquenté, Antoine et moi, quand j’habitais avec lui la rue de Vaugirard. Mais pour nous, c’était un quartier de plaisir comme un autre, comme les Champs-Élysées et les Grands Boulevards. Mais à la Libération, en quelques mois, Saint-Germain, c’est devenu autre chose, le centre intellectuel de Paris. Tout le monde était là, à commencer par Sartre, Beauvoir, Camus, Giraudoux, Gide… Il y avait aussi Boris Vian, Sidney Bechet, Miles Davis, Juliette Gréco… Grâce à Simone, j’ai eu la chance d’approcher Sartre et d’intégrer ce milieu très vite, de rencontrer tous ces gens, de passer des heures avec eux dans les cafés et les caves. Comme tout le monde à ce moment, je me suis mise à écrire, des poèmes d’abord et puis des chansons. J’ai même chanté pendant toute une semaine à la Galerie 55. J’ai commencé à avoir un peu de succès, pas comme chanteuse, non, mais comme auteur de chansons. J’ai gagné un peu d’argent. Et j’ai écrit de plus en plus, des petites nouvelles, des articles pour Elle, un nouveau magazine pour les femmes. J’ai un roman en cours, je vous l’ai dit. J’ai habité un petit hôtel de la rue Visconti pendant six mois et puis un ami américain m’a prêté pour quelques semaines son appartement de la rue du Dragon. J’y suis depuis deux ans. Le jour où cet ami reviendra de Los Angeles, on verra, j’irai ailleurs. Pour l’instant, c’est chez moi…

Vous voyez, Dashiell : je vais avoir 34 ans, je vis là où j’ai envie de vivre, je vois des gens extraordinaires, passionnants, j’écris et, dans ce petit milieu, je commence à être un peu connue. Je n’ai pas de problème d’argent, je dors avec qui je veux, j’aime qui je veux, je quitte quand je veux. Depuis que je sais qu’Antoine est mort, j’ai fait ma paix avec lui. Je l’ai rangé dans une case. Je l’aime toujours, mais comme lui pour moi, ce n’est plus de la même façon. Il est devenu une étape de ma vie, de longs et beaux moments, mon enfance, ma jeunesse, quelques jours de mariage… et puis, fini !  Alors comme lui, j’ai changé de vie… pas pour la justifier par l’action… mais par les sensations, l’amour, l’art, la chaleur humaine. Trente-quatre ans, Dashiell ! Vous vous rendez compte ? J’ai trente-quatre ans ! J’en ai encore autant devant moi, peut-être plus ! Je suis vivante, vous comprenez ? Ce n’est pas merveilleux ?

Non, je n’ai plus jamais eu de nouvelle de lui. J’ai appris qu’il était mort par un télégramme de l’État-Major. Deux semaines plus tard, j’ai reçu une lettre d’un Colonel Lafolie qui commandait son bataillon. Antoine était mort à Berchtesgaden le 4 mai 45, quatre jours avant l’armistice.

Volontaire FFI, il avait rejoint le 17 août 44 à Brignolles la 1ère Division Blindée qui avait débarqué le 15 à Fréjus. Avec la 1ère DB, il avait participé à toutes les opérations le long de la vallée du Rhône, puis dans les Vosges et enfin en Allemagne, jusqu’à cette ville de Bavière où il avait été tué. La lettre disait aussi que tout au long de son engagement, Antoine avait été un officier exemplaire. Ses actions héroïques lui avaient valu ses galons de lieutenant et trois citations à l’ordre de l’armée. La Croix de Guerre lui était décernée à titre posthume.

Non, je n’ai aucun détail sur les conditions de sa mort. Maintenant, rentrons, voulez-vous. Je suis fatiguée.

(…)

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