Les corneilles du septième ciel (30)

Chapitre 30

A l’Hôtel du Ragondin Bienveillant où il dormit à Fontenay, Ph. s’était levé de bonne heure et avait quitté les lieux avant même l’ouverture de la salle à manger pour le petit déjeuner, fait aussi surprenant qu’inhabituel chez lui. Malgré la saison, il faisait donc encore nuit quand il s’installa au volant de sa voiture. Aux alentours de six heures du matin et de la capitale du Marais, il s’arrêta pour prendre de l’essence et le pompiste, qui n’était pourtant pas un ancien camarade d’Ecole, l’identifia formellement lors de l’enquête ultérieure. A Coulon, un complice l’attendait à l’embarcadère de la Pigouille avec lequel il monta sur une petite barque qui disparut dans un canal latéral. Le responsable affirma que Ph. portait enroulé autour de son poignet droit le même fouet que celui d’Indiana Jones. Pourquoi s’enfonça-t-il dans le marais avec cette arme redoutable ? La perspicacité de nos trois enquêteurs aboutit assez vite à la conviction qu’il s’apprêtait à commettre un vilain forfait.

Ces experts avaient en effet découvert que Blind Dinner, le célèbre roman de Ph. C. qui lui avait valu le Prix Goncourt, était en réalité le copié-collé éhonté d’Un Souper d’Aveugles, le roman injustement méconnu de Lorenzo. On remarquera au passage que Ph. ne s’était pas foulé pour trouver son titre ce qui s’avéra au final fort imprudent. Quand il s’aperçut de l’escroquerie, Lorenzo fourbit les armes de sa vengeance. Grâce à son entregent proverbial, il parvint à devenir un proche de Ph. en participant de façon servile et flatteuse à son blog dont il avait découvert l’existence grâce à des indiscrétions. Ce dernier, très sensible à ce genre d’arguments, finit par l’inviter à prendre un et même plusieurs demi-pression à la terrasse ensoleillée du Cyrano où grandit leur amitié. On notera au passage, en plus de son habileté machiavélique, le cynisme glacial et la détermination inflexible de Lorenzo qui n’avait qu’un objectif en tête, se venger. Alors qu’il ne s’y attendait pas, Ph. reçut une lettre recommandée avec accusé de réception lui signifiant l’horrible chantage auquel le soumettait celui qu’il croyait être son ami. Lorenzo exigeait le versement immédiat de cinq millions d’euro en petites coupures, soit la moitié de ce que lui avait rapporté Blind Dinner, sinon ce serait la révélation de son plagiat à Télérama. Moi, personnellement, je trouve que ce deal était tout à fait honnête mais, pour l’esprit cartésien de l’ancien ingénieur, seule la disparition physique du maitre-chanteur était une réponse adaptée.

L’idée peu écologiste mais géniale de faire porter la responsabilité de son crime aux charmants ragondins du Marais germa dans l’esprit du futur meurtrier mais ne l’innocenta pas pour autant. La conviction des trois mousquetaires était faite depuis longtemps : il était l’assassin de Lorenzo. Les lacérations couvrant le corps de la victime dont avait fait état Françoise étaient dues en réalité à son fouet et pas aux griffes des fauves. Restait à retrouver le corps de Lorenzo.

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