Aventure en Afrique (39)

La vente aux enchères
       Un matin vers 10 heures, dans mon bureau, un de mes gars me dit « patron tu as vu, il y a un européen dans la cour. Le connais-tu ? « Non je ne le connais pas  » Une demi-heure plus tard, l’homme était toujours là debout en plein soleil. Je lui proposais de venir s’asseoir dans mon bureau bien que n’ayant pas encore de climatiseur.
Européen ? Il avait un fort accent canadien ! L’homme m’expliqua qu’il devait y avoir ce matin-là une vente aux enchères de vieux véhicules, dans la cour. Je demandais à mes gars, personne n’était au courant.
Vers 11h30 arrivait une grosse Mercedes noire avec un chauffeur : c’était le commissaire-priseur. En quelques minutes une trentaine de personnes arrivaient dans la cour. Je me glissais au milieu de mon personnel et d’autres du Génie-Rurale pour assister à la vente. Le commissaire-priseur nigérien, avec, ses lunettes noires son petit cartable en cuir, un papier et un stylo en or à la main, se tenait devant des véhicules. Je pensais que ce matériel était destiné à la casse, compte tenu de leur état de dégradation. Il y avait une Land-Rover et un pick-up 404, ainsi qu’un  petit camion avec beaucoup de kilomètres et dont le moteur avait rendu l’âme. L’enchère débutait par la Land Rover et montait rapidement. Le Canadien à contrecœur renchérit. Issaka Neino, un de mes deux opérateurs géomètres poursuivait l’enchère.  Je ne comprenais pas qu’une épave puisse atteindre une telle somme. Le Canadien vint à mes côtés et me dit « j’arrête, il se passe quelque chose, c’est truqué ! ».
C’est un cadre du génie rural qui remporte l’enchère. Le commissaire-priseur, n’a pas bronché, il devait être prévenu !
Pour le pickup 404, le scénario fut du même ordre, attribuait le véhicule  à un autre cadre du génie rural. Pour le petit camion quelqu’un d’extérieur au service: probablement un membre de la famille de l’un d’entre eux, avait reporté l’enchère.

De retour au bureau je demandais à Issaka qu’il explique. : Depuis des semaines, dès  la dates de la vente aux enchères connue, les chefs, le soir après le travail, avec accord du gardien, étaient venus “désosser” les véhicules. Tous les éléments étaient chez eux . « Pourquoi as-tu  surenchéri ? ». «Patron, le chef qui voulait  la Land Rover n’est pas un copain en plus c’est un Djerma (Issaka était Haoussa). J’ai fait monter l’enchère pour l’emmerder et qu’il paie plus cher la voiture »Trois semaines plus tard, le chef arrivait avec la Land Rover presque neuve, avec la plaque d’immatriculation d’origine de l’administration et un petit panneau à l’arrière : « à vendre ». Il voulait nous faire voir la rentabilité de l’opération.
Chaîne de corruption

Une réflexion sur « Aventure en Afrique (39) »

  1. Belle illustration d’une corruption bien organisée que nous donne ici Géraud, mais n’allez surtout pas croire que l’Afrique en a le monopole. La corruption et toutes ses combines, simples ou sophistiquées, est un phénomène universel, propre au genre humain. On dit que certains animaux la pratique eux aussi pour s’attribuer des faveurs. Elle est parfois l’un des moteurs, sinon l’unique moteur, de l’économie locale. Dans une autre partie du monde où j’ai vécu elle était instituée et incontournable. Neutraliser la corruption relève du fantasme car les services supposément en responsabilité de la contrôler et de la réprimander font souvent partie du système. Que le lecteur du JDC qui n’a jamais commis une petite corruption, par exemple rétribuer « au noir », me jette la première pierre (s’il sait viser). Good luck!

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