Chapitre 29
Ce sont trois vieilles connaissances du JdC, les inspecteurs Jim Nastyck, Bruno Body et Edgar Kiné, enfin débarrassé de son nom à rallonge, ceux-là même qui avaient résolu jadis le mystère de l’assassinat de six innocents à Saint Brévin les Pins, que le Procureur de la République commit pour enquêter sur la disparition suspecte de Lorenzo dell’ Acqua, le délicat commentateur et l’intermittent photographe du JdC. A coup sûr, ce magistrat ignorait que nos trois limiers de la PJ rodés aux crimes les plus crapuleux avaient fait leurs études avec l’écrivain goncourtisé Ph. C., le principal suspect du drame survenu dans le Marais Poitevin. Comme lui, ils avaient été les lauréats du prestigieux concours de l’Ecole des Pompes et Chaussettes. Dépêchés sur les lieux du drame, ils y avaient retrouvé l’épouse de leur ancien collègue curieuse de savoir à quoi ressemblait la jolie Françoise pour les beaux yeux de laquelle Ph. se rendait tous les jours entre sept et onze heures à la terrasse du Panthéon. Personne n’osa lui dire que la jolie serveuse de ce café, objet des fantasmes matinaux de son Philippe, n’avait rien à voir avec Françoise, la neurologue écologiste que Lorenzo avait entrainée à la chasse au ragondin. Toujours est-il madame C., d’un naturel extraverti pour ne pas dire un peu bavard, leur avait raconté que son mari s’était rendu la veille du drame à Fontenay-le-Comte où il avait fait une conférence sur la disparition programmée de la fiction dans la littérature contemporaine. De source sûre, elle avait appris que les seules pièces à conviction retrouvées sur place et aujourd’hui entre les mains de la police étaient : la sarbacane en plastique de Lorenzo achetée deux francs six saouls au bar-tabac du coin, son appareil photo et le sac à dos de Françoise dans lequel se trouvaient vingt kilos de bougies et sa petite culotte.
L’expression « petite culotte » réveilla brutalement Lariégeoise qui sembla s’intéresser pour la première fois à ce récit. Était-ce par solidarité féministe avec la jeune femme prise dans les filets d’un séducteur sans scrupules ? Était-ce en raison des élucubrations scabreuses auxquelles nos trois inspecteurs se livrèrent après la découverte de sa culotte à distance de sa localisation d’usage ? Seul un interrogatoire de l’intéressée qui ne figure malheureusement pas au dossier aurait pu y répondre.
Ne se focalisant pas sur la migration étrange de ce détail vestimentaire, les échanges d’informations continuèrent d’aller bon train et dans les deux sens. Les trois inspecteurs n’étaient pas en reste de révélations, et, après le dixième demi-pression, ils avouèrent à Sophie que s’ils admiraient officiellement le célèbre écrivain et ancien copain d’Ecole, cela faisait tout de même quelques années qu’ils en avaient par-dessus la tête de ses succès littéraires et mondains (pour ne pas dire féminins devant elle) et qu’il ne leur déplairait pas de le voir rouler dans la poussière des geôles de Cayenne. Ils avaient bon espoir d’y parvenir enfin car devait atterrir dans les heures suivantes à l’aéroport de Bordeaux leur ancien collègue et le quatrième des trois mousquetaires, comme on les appelait jadis, Louis-Charles, le redoutable juge canadien spécialiste international en crimes sexuels. Grâce à son aide allait prendre fin le calvaire qu’ils enduraient depuis cinquante ans ce qui faisait beaucoup d’après leur psychanalyste commun qu’ils voyaient à tour de rôle pour des raisons d’économies de bout de chandelle. Sophie tomba des nues ! Mais comment, vous, ses fidèles amis des Pon’Cho, pouvez-vous envisager une telle forfaiture ? Ils lui répondirent que cela ne les dédommagerait même pas des sévices psychologiques subis et encore moins des sommes colossales investies dans les traitements psychanalytiques qu’ils avaient dû entreprendre sans grand succès d’ailleurs.