Encore une soirée de foutue !

Encore une soirée de foutue !

ou plutôt « Encore une matinée de ratée !»

Vous voulez savoir à quel propos je lance ce cri de déception ? Eh bien, je vais vous le dire.

Mais d’abord, vous savez bien sûr qu’en matière de théâtre, la droite s’appelle côté cour, la gauche côté jardin, le bâton qui frappe les 3 coups c’est le brigadier, le rez de chaussée s’appelle l’orchestre, les loges à ce niveau ce sont les baignoires, le premier balcon s’appelle corbeille, le deuxième balcon s’appelle premier balcon, le dernier balcon s’appelle le poulailler, une représentation en soirée s’appelle une soirée et qu’enfin une représentation de l’après-midi s’appelle une matinée.

Maintenant que vous avez compris que je parle théâtre, quand je dis « matinée ratée », vous reviennent aussitôt à l’esprit mes anciennes diatribes contre la navrante nullité de certaines pièces à succès, et vous vous dites : « Tiens ! Il a vu une mauvaise pièce de théâtre l’après-midi »

Eh bien, pas du tout.
La pièce n’était pas mauvaise et je ne l’ai pas vue.
C’est bien pour ça que je râle.

Vous trouvez que je ne suis pas clair ?

Je reformule : Dimanche après-midi, je suis allé au théâtre de l’Athénée Louis-Jouvet pour y voir une pièce de théâtre, La Douleur, d’après Marguerite Duras, avec Dominique Blanc, seule en scène.
J’ai choisi deux places de première catégorie — 38€ chacune, quand même, mais qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour Duras ? — catégorie dans laquelle entrent les places d’orchestre et de corbeille. Et j’ai cliqué sur N16 et N18 au premier rang des corbeilles pair.

Il faut savoir maintenant que l’Athénée est un théâtre de la fin du XIX, très joli, très beau, tout ça, mais très inconfortable. Et les places les plus inconfortables de cet inconfortable théâtre sont celles du premier rang de corbeille avec, comme places les plus inconfortables parmi les inconfortables, les places N16, N18 et la suite.

Bon, mais ça, le supplice du fauteuil de théâtre, on a l’habitude, pas vrai ? Alors on se dit que ça ne fait rien, qu’on prendra son mal en patience, qu’au moins au premier rang de corbeille on n’aura personne devant soi, et que, de toute façon, il parait que la pièce est courte. Alors, en attendant les trois coups, on regarde la scène. Bon, elle n’est pas devant vous, la scène, ni même un peu en biais – ni même très en biais –  elle est carrément sur votre droite. Bon, d’accord, on ne voit pas la partie droite de la scène, mais en tournant la tête à  45°  on voit le reste assez bien. Et puis, la pièce commence. On ne l’avait pas vue — forcément, de là où on est on ne voit pas la partie droite de la scène — mais Dominique Blanc est là. En fait, elle était là depuis le début, avant même que vous n’arriviez, dans un faible éclairage, mais on ne la voyait pas — forcément puisqu’elle était assise à un bureau placé à l’extrême droite de la scène, le fameux côté cour, et que le côté cour, vous ne le voyez pas. Comme on entend la comédienne — faiblement, d’accord, mais on l’entend — on se penche pour la voir. Elle est là, à son bureau. Elle dit son texte. On se contorsionne pour se pencher un peu plus et mieux la voir, mais ça finit par faire mal, mal à la nuque, mal au dos, mal aux fesses, mal aux genoux. Bref, on n’est pas bien, mais alors pas bien du tout, en tout cas, on n’est pas en état d’écouter du Duras, même pendant seulement 70 minutes. Alors on se dit que la comédienne va se lever, traverser la scène, s’avancer jusqu’à la rampe, marcher de ci et de là, et qu’alors, on pourra la voir et, peut-être même, mieux l’entendre. Après vingt longues minutes, effectivement, elle se lève, traverse la scène, s’avance vers la rampe, etc… Ah ! ça va mieux ! Mais quand cinq minutes plus tard, elle retourne à son bureau pour s’y asseoir à nouveau, on se lève, on quitte la salle, on va au bar prendre un verre en attendant que celle qui vous accompagne vous rejoigne après le rideau final, on rentre chez soi et on écrit au directeur du théâtre.

En tout cas, c’est ce que, moi, j’ai fait.

Pour que ce soit un peu plus clair, voici le plan de salle avec indications du bureau et des places N16 et N18.
Vous trouverez aussi, sous le plan, le texte de ma lettre au théâtre.

Monsieur le Directeur,
Mon épouse et moi-même étions présents à la matinée du 11 décembre du spectacle La Douleur.
Je regrette de vous informer qu’en ce qui me concerne, je n’ai assisté qu’à sa première demi-heure et que j’ai passé le reste du temps au bar à attendre mon épouse qui, moins grande et plus résistante que moi, est restée jusqu’au rideau final.
Les raisons pour lesquelles j’ai dû quitter la salle en cours de spectacle sont précisées dans les lignes qui suivent.
Les places N16 et N18, ainsi que les suivantes très probablement, sont particulièrement exiguës et il est impossible pour quelqu’un mesurant 1,80 m de s’y asseoir normalement, non pas confortablement, mais normalement, c’est-à-dire sans être contorsionné et dans l’axe du siège. Ceci est plus particulièrement gênant quand on sait, comme vous le savez et comme je le sais à présent, que les deux tiers des sièges de corbeille ne sont pas orientés vers la scène, mais vers la corbeille opposée.
Mais cette situation est encore plus gênante lorsque l’on s’aperçoit que, au moins pendant la première demie heure du spectacle, la comédienne seule en scène demeure derrière un bureau que le metteur en scène a placé malicieusement près des coulisses du côté cour, de telle sorte que, des places que j’occupais, il était impossible de voir la comédienne sans se contorsionner davantage pour se pencher par-dessus la rampe.
A propos de l’exiguïté des sièges et de leur disposition par rapport à la scène, il me parait tout à fait scandaleux de vendre ces places au prix de 38€, le même que celui des places d’orchestre, déjà lui-même très élevé pour un spectacle dont on dit qu’il est de qualité — je ne peux en juger personnellement —mais qui tout compte fait ne dure que 70 minutes.
Je comprends très bien que, dans un aussi beau théâtre construit à la fin du XIXème siècle, on ne puisse avoir le confort qu’on est en droit d’exiger des salles modernes, mais la décence voudrait que des places aussi inconfortables et aussi mal placées soient signalées par un prix plus bas.
Je suis encore plus scandalisé par la disposition du décor, c’est-à-dire celle du bureau derrière lequel se tient la comédienne, qui empêche tout une partie des spectateurs de voir l’action. Existe-t-il encore des metteurs en scène, ou même des directeurs de théâtre qui, pendant les répétitions, viennent dans la salle pour s’assurer que la vision et l’audition sont corrects pour l’ensemble des places offertes ? À croire que non.
Je sais que, le 11 décembre, j’ai assisté, très partiellement, à la dernière de La Douleur et que mon avis sur la disposition du décor n’a plus d’intérêt. Néanmoins, je ne peux m’empêcher de vous faire remarquer que le seul déplacement du bureau de deux ou trois mètres sur la gauche aurait permis à pas mal de spectateurs d’apercevoir Madame Dominique Blanc.
Mes expériences malheureuses au théâtre ont été nombreuses, soit du fait du spectacle, soit de celui des conditions offertes par la salle, mais c’est la première fois que je quitte une salle de théâtre au bout d’une demi-heure.
Cordialement.

4 réflexions sur « Encore une soirée de foutue ! »

  1. Je n’ai aucune illusion sur le point du remboursement. Je n’espère même pas une lettre de regrets ou d’excuses. Si je reçois un courrier m’expliquant que je suis le premier à me plaindre de cet état de choses — je suis souvent le premier à me plaindre — ce sera déjà un résultat… une surprise, mais un résultat.

  2. C’est quand je n’ai plus d’inspiration que j’écris les trucs les plus passionnants, pas vrai?

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