AVENTURE EN AFRIQUE (22)

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Il était de tradition au Niger lorsqu’en déplacement, on avait connaissance de la présence d’un coopérant isolé à moins d’une heure de route, de faire le détour pour lui rendre visite et passer avec lui la soirée et de repartir le lendemain. En Afrique on a du temps, on n’est jamais pressé. C’est comme cela que j’ai eu la visite un soir de Joël d’Auberville, un VP. L’AFVP (Association Française des Volontaires du Progrès) associations créée en 1963 à l’initiative de Charles de Gaulle, en réponse aux Peace Corps américains créés par J.F. Kennedy, qui existent toujours. De nombreux d’objecteurs de conscience masculins s’engageaient deux ans dans l’AFVP en remplacement du Service Militaire. En général ils étaient envoyés en brousse, dans des lieux difficiles ou isolés pour y exercer leur métier. Ils étaient visités régulièrement par un responsable de l’association. A l’époque, il nous a été raconté qu’un VP, dans un oasis dans la région de Bilma, avait été oublié à cause de son grand éloignement. Lorsqu’au bout d’environ deux ans un responsable s’étant rendu dans l’oasis, ne l’a pas reconnu. C’était un véritable touareg avec ses deux femmes ! Ils ont été obligés de l’exfiltrer de force pour le rapatrier sur la France. Je me suis toujours dit que si vraiment sa vie était là, il avait dû y revenir.

Joël était arrivé avec sa 2CV fourgonnette et son chien baptisé Conard. C’était toujours un grand plaisir d’entendre un africain crié « Eh Conard, vient ici !

Un jour aux environs de 13 heures j’ai regardé dans mon puits, au fond se reflétait l’image du soleil. Il n’était pas centré et me suis dit : je reviendrai demain pour le prendre en photo. J’ai eu sur le moment une pensée pour Ératosthène ce mathématicien grecque, qui il y a 22 siècles, avec son puits à Syène (Egypte), son chameau et son obélisque à Alexandrie avait calculé la circonférence de la terre avec une certaine précision!

Au bout de quatre semaines, nous avions relevé les quatre retenues et pouvions renter. Comme à l’aller j’ai commandé un deuxième véhicule pour rapatrier le matériel et deux de mes gars. Pour ma part, il me fallait repasser à la préfecture de Tahoua. Au lieu de passer par Malbaza, nous avons pris un autre itinéraire : est-ouest par Bouza, Keita, Tahoua. Jusqu’à Bouza, c’était de la mauvaise piste. Au cours du trajet, dans la Maggia, à un moment j’ai dit à Mamoudou : « que fais-tu là, file tout droit », alors qu’il changeait de direction et me répond énervé : « tu ne vois pas ! Tu ne vois pas qu’en face il y a des sables mouvants… »

Cet itinéraire nous révélait de grands paysages sur la Maggia. Nous arrivions à Bouza : personne, le gros et beau village n’avait semble-t-il plus d’habitants. Nous finissions par trouver un marabout. Celui-ci nous expliqua que la sécheresse était telle qu’il n’y avait plus d’eau, de nourriture. Tous les habitants avaient fui vers le sud.

En fin de journée nous arrivons à Tahoua. Là nous sommes hébergés par la section locale du Génie Rural. Ils sont trois VSNA qui occupent une case avec un jardin. Ils ont apprivoisé un singe avec lequel ils partagent l’apéro. L’animal avait droit à un morceau de sucre avec de l’alcool de menthe et avait ensuite un peu de mal à remonter dans son arbre. Ils avaient mis au point l’ancêtre du jacuzzi : une buse en béton de 2 m de diamètre et de 1,50 m de long, posée verticalement. Ils en avaient bétonné le fond ; une fois pleine d’eau ils pouvaient se baigner tous les trois. La vidange régulière permettait d’arroser le jardin. Le soir nous sommes allés prendre l’apéritif en ville. Nous avons croisé un vieil homme blanc. C’était un ancien ingénieur russe qui avait fui son pays et s’était établi ici. Généralement le soir sortant du bistro, incapable de rentrer chez lui à pied, son boy venait le chercher avec une brouette ! Un mur de sa case était tapissé de petits chevaux que l’on trouvait sur certaines bouteilles de whisky. Le lendemain après un passage à la préfecture, nous rentrions à Niamey.

Je garderai un grand souvenir de ce séjour en brousse. J’y ai souffert, surtout au début, de la très forte chaleur (45°à l’ombre de moyenne). Peu à peu mon corps jeune s’y était habitué et je n’y pensais plus. Je buvais beaucoup, je transpirais et urinais peu, tout s’évaporait.

Un jour j’ai surpris une conversation d’un de mes gars, avec un autre du Génie Rural, qui était en train de dire : « tu sais, nous avec le patron on n’a fait la Maggia !». Ce qui semblait dire : « toi tu n’as encore rien vécu, comme nous, de difficile ».

À notre arrivée, j’ai remis tout le matériel emporté au magasinier. Je lui ai aussi, en honnête homme, remis les bons d’essence non utilisés (plusieurs centaines de litres). Il a eu un grand sourire. J’ai réalisé après qu’il les avait sortis de la comptabilité : il n’a donc pas à les y remettre… ils étaient beaucoup mieux dans sa poche !

 

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