Laisser flotter les rubans

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Morceau choisi

La vie en Europe et mes rapports avec les hommes avancés et les savants européens m’affermirent de plus en plus dans cette croyance au perfectionnement en général qui avait été la mienne et que je retrouvais chez eux aussi. Cette croyance prit en moi la forme habituelle, celle qu’elle revêt chez la majorité des gens instruits de notre temps. Elle s’exprimait par le mot « progrès ». Il me semblait alors que ce mot signifiait quelque chose. Je ne comprenais pas encore que, tourmenté comme tout homme qui pense par cette question : Comment dois-je vivre pour vivre le mieux possible ? et y répondant : Vivre en accord avec le progrès, je répondais exactement comme un homme dont la barque est emportée par les vagues et qui à cette question essentielle et unique pour lui : « ou faut-il se diriger ? » répondrait indirectement : « les vagues me portent là-bas ».
Tolstoï – Ma confession (1880)

Mon père disait : « De temps en temps, il faut laisser flotter les rubans ». Comme Tolstoï sans doute, il voulait dire que parfois, il était bon de se laisser porter, de ne pas intervenir, que l’avenir, le progrès, la science, la chance feraient probablement bien les choses. Pourtant, comme tous ceux de sa génération, il avait connu deux guerres. Après tout, c’était peut-être ce qui l’avait rendu ainsi, optimiste.
Mais ça, c’était hier.
Nous qui n’avons connu que la paix, le progrès, la raison et le droit, nous n’avons aucune raison d’être optimistes.

 

7 réflexions sur « Laisser flotter les rubans »

  1. Je lisais très bien avant quand j’étais dans la trentaine, jusqu’à un problème visuel qui rendait ma vue très équivoque où, pour décortiquer une lettre je devait bouger la tête pour arriver à la définir. a e g q p f t v w presque toutes perdait leur identité propre et me faisait travailler de la tête. Au moment de mon intervention lasic que j’ai longtemps retardé puisque pour un hypermétrope c’était risqué, puisque la version lasic précédant celle que j’ai subi faisait 80 incision au mm plutôt que 300 dans la cornée, j’ai due faire un réapprentissage visuelle tout comme un paralyser qui doit s’exercer pour renforcer ses capacités. Mais c’était quand même extraordinaire comme résultat. Il y a loin de la coupe au lèvre, tel est le proverbe.

  2. Il est surtout l’auteur du « Voyage au bout de la nuit », un énorme roman paru en 1932, considéré comme l’un des plus grands romans du XXème siècle.
    Tous les 20 ou 30 ans, en France, nous avons un très grand écrivain : Flaubert, Proust, Céline, Houellebecq.
    À qui le tour ?

  3. Je ne connais pas beaucoup la littérature romanesque, la lecture n’était pas très encourager dans mon entourage, bien que certaine personne m’ont amené à développer l’esprit littéraire. Mais en écrivant ces lignes je crois me souvenir que Céline est celui qui récemment a été mis en vue par la découverte d’un manuscrit inédit, et qu’il est controversé par la collaboration avec l’Allemagne dans la guerre 39 45.

  4. « Comment ça vas?
    Pas du tout. Je répond.
    Pourquoi?
    Ça me permet d’être optimiste.
     »

    On dirait du Céline !

  5. Comment ça vas?

    Pas du tout. Je répond.

    Pourquoi?

    Ça me permet d’être optimiste.
    Et de poursuivre, connaissez vous la différence entre l’optimisme et l’espoir?

    … ici plusieurs tentative de digression, improviser par la surprise et plus ou moins près de la relation entre les termes se manifestent.

    Et moi de répondre l’espoir est quelque chose que l’on ressent, l’optimisme ça prend une raison.

    Je sais qu’il y a des caisses au sortie des commerces qui tout le contraire des caisse rapides, voilà un bonne occasion de philosopher l’air de rien. Et ça flotte.

  6. Mon père, ce héros au sourire si doux, était plus Tolstoïen que marin (pas du tout marin, même). Plus complètement, il disait :
    « T’occupe pas du chapeau de la gamine et laisse flotter les rubans »
    mais uniquement quand les circonstances l’exigeaient.

  7. Oui, mais pour un marin à voile, laisser flotter les rubans c’est d’abord prendre le temps de bien voir la direction du vent pour mieux utiliser sa voile. Pas forcément en se laissant aller où va le vent.

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