East Side, West Side

Le projet nait en 1947, si près de la fin de la seconde guerre mondiale. Un ami de Jerome Robbins prépare une scène de Roméo et Juliette pour un cours de théâtre. Il demande aux chorégraphe s’il serait possible de moderniser l’histoire de Shakespeare. Robbins est séduit par l’idée. Il en parle à Leonard Bernstein et tous deux sentent qui il y a là quelque chose. Il conçoivent la première version d’un spectacle musical qu’ils intitule dans un premier temps East Side Story. Maria est juive, et Tony un italien catholique de Greenwich Village. Comme souvent, le projet demeure en suspens quelques années. Quand ils le reprennent en 1955, ils décident de transposer le conflit religieux en conflit racial. Entre-temps, il y eut des oppositions, des pressions, une probable certitude dans l’esprit de Robbins et de Bernstein que l’opposition juifs–catholiques était trop explosive dans ces années-là, dans ces quartiers-là, Lower East Side, Little Italy. Le projet East Side devint donc West Side et l’antagonisme, Portoricains contre Américains Blancs. Après tout, il y a des tenements aussi dans le West End, et de la misère. Les immigrants portoricains sont si nombreux que le quartier de San Juan Hill porte le nom même de la capitale portoricaine. Le spectacle — on peut difficilement parler de comédie musicale, plutôt de tragédie musicale — amorce sa tournée le 18 août 1p57 à Washington. il s’installe au Winter Garden de Broadway le 26 septembre. C’est un triomphe. Les salles sont pleines pendant plus de deux ans. Le film, réalisé par Robert Wise et Jerome Robbins, voit le jour le 18 octobre 1961, et sera le deuxième plus grand succès du box-office cette même année, malgré sa sortie automnale. En France, le film est à l’écran le 2 mars 1962, au George-V, où il restera à l’affiche deux cents dix-huit semaines. Pendant que West Side Story rafle tous les Oscars, le monde entier est subjugué. West Side Story a tout changé.

Extrait de : New York sans New York – Philippe Delerm – 2022


Post scripts : L’année dernière, Steven Spielberg a donné sa version de West Side Story.
Pour diverses raisons, dont la sortie retardée du film pour cause de pandémie, et malgré l’accueil plutôt positif de la critique, le film a subi un échec commercial avec des recettes mondiales de 75 millions $ pour un coût de 100 millions.
Si vous voulez connaître mon avis détaillé vous pouvez aller relire ma critique aisée n° en cliquant sur le lien ci dessous :

West Side Story – Critique aisée n°222

 

Une réflexion sur « East Side, West Side »

  1. La tragique et éternelle histoire de l’amour impossible entre un Roméo et une Juliette a trouvé sa suprême interprétation avec Shakespeare, devenue la référence, et sa seconde magistrale interprétation quelques 400 ans plus tard, mondialisée, avec West Side Story, laquelle remplace l’antagonisme des familles Montaigu et Capulet cause de l’amour impossible par la rivalité entres deux gangs new-yorkais, chacun d’origines émigrées, les Jets (blancs) et les Sharks (portoricains). En fait, on réalise aujourd’hui que ces deux interprétations géniales pourraient ouvrir la voie à de multiples nouvelles possibilités tant se développe la communautarisation avec la haine et même les doctrines politiques qui vont de pair. « Aimez vous les uns les autres »…, « tous ensemble »…., utopique, non?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *