LES TROIS PREMIÈRES FOIS : 1 – La nuit des Roggenfelder (texte intégral)

Avant de publier la troisième nouvelle de la série intitulée « Les trois premières fois « , j’ai voulu vous remettre dans l’ambiance enfumée et bavarde de cette nuit de l’Auberge des Hollandais où se sont retrouvés, réunis par leur désir de voyage, Franz, l’Autrichien, Bertram, le Britannique et François, le Français. C’est pourquoi, aujourd’hui je publie le texte intégral de La Nuit des Roggenfelder. La deuxième, La Nuit d’Amsterdam, sera republiée après demain, et ce n’est qu’à partir du 30 janvier que sera publiée en quatre épisodes la dernière de ces nouvelle « La Matinée de Sainte Firmine d’Amelia« .

LES TROIS PREMIÈRES FOIS

Le diner s’était prolongé fort tard dans la nuit. D’abondantes volutes de fumées bleues et grises flottaient sous les poutres du plafond de l’auberge en enveloppant la roue de charrette qui, avec ses pauvres ampoules électriques, faisait office de lustre au-dessus de nos têtes. Depuis quelques instants, sans doute sous l’effet des mets et des vins que nous avions absorbés en quantité, nous étions tombés dans un silence méditatif qui contrastait avec la gaité et la vivacité des conversations que nous avions échangées jusque-là.

Franz Bauer, Bertram Fitzwarren et moi nous étions rencontrés pour la première fois quelques heures auparavant dans les bureaux de la Compagnie Maritime des Indes Orientales dont le Princesse des Mers devait appareiller dans la nuit pour Sidney via Singapour et Macassar.

Pour des raisons et des destinations différentes, chacun d’entre nous avait retenu une cabine sur le Princesse des Mers et nous avions lié connaissance en accomplissant les formalités d’embarquement. Compte tenu de la marée, le cargo ne pourrait quitter le port avant trois ou quatre heures du matin, et comme il n’était pas encore huit heures, nous avions largement le temps de faire plus ample connaissance. C’est ce que nous fîmes en dinant à l’Auberge des Hollandais.

Nous avons parlé de tout, de nos métiers, de nos aventures, de nos projets, de nos femmes, souvent, de nos enfants, parfois, des religions, de la vie et de la mort. Mais ce qui nous permit le mieux de nous connaitre les uns les autres, c’est lorsque Fitzwarren, à moins que ce n’ait été Bauer, proposa que chacun raconte une première fois.

— Une première fois ? avais-je demandé.

— Oui, avait dit Bauer à moins que ce n’ait été Fitzwarren, une première fois : la première fois que vous avez vu la mer, la première fois que vous avez embrassé une fille, que vous vous êtes battu, que vous avez fait l’amour… la première fois, une première fois

Et c’est Bauer, ça j’en suis certain, qui, le premier, avait raconté une première fois.  Voici ce qu’il nous avait confié :

La nuit des Roggenfelder

« Je devais avoir quinze ans quand je suis parti pour la première fois seul en vacances. Au printemps, j’avais présenté quelques symptômes alarmants et notre médecin y avait décelé les signes d’une primo-infection. Elle était, Dieu merci, sans gravité, mais il avait recommandé à mes parents de m’envoyer à la montagne pour un mois ou deux dès le prochain été.

C’est ainsi qu’en ce début de juillet 1913, je partais pour Sankt-Johann, petit bourg de moyenne montagne au creux du massif du Tegerberg. Pourquoi Sankt-Johann ? Il se trouve que c’était le lointain berceau de ma famille du côté de ma mère et que, sans y avoir de grand-oncle, de tante ou d’arrière-grand-mère qui y vive encore, il me restait là-haut quelques cousins et cousines éloignés.

C’est un de ces cousins, Anton, qui vint me chercher à la gare de Prinz. Nous ne nous étions jamais rencontrés mais il n’eut pas de mal à me reconnaitre : parmi les voyageurs qui descendaient sur le quai, j’étais seul à pouvoir répondre à la description que lui avait donnée sa mère : « Il a ton âge. Il doit être un peu plus grand que toi et je crois qu’il est plutôt blond. Pour le reste, tu le reconnaitras à ses vêtements et à ses bagages : il vient de la ville. »

C’est au moment où j’allais pour m’enquérir d’une voiture qui pourrait m’emmener jusqu’à Sankt-Johann que je vis venir vers moi un garçon qui me parut avoir dix-sept ou dix-huit ans. Il n’était pas très grand mais, à le voir avancer tranquillement à travers la foule, il donnait une impression de force physique. Il était blond et me souriait.

— Bonjour cousin, me dit-il en me tendant la main. Je suis Anton Reiter. Il parait que nous sommes cousins par les Haas. Je n’ai jamais vu un seul Haas de ma vie, mais c’est ce que ma mère m’a dit. Je suis chargé de te conduire à ton auberge. J’ai une voiture, là, dehors. C’est ça, tes bagages ?

La voiture, une charrette à deux roues, était attelée à une jument grise. Tout le temps qu’elle nous tira sur la route qui montait en lacets vers Sankt-Johann, Anton me raconta ce qu’allait être ma vie là-haut : je logerai à l’auberge Gruenberger, en plein cœur du bourg, mais avec une jolie vue sur la montagne. L’auberge était confortable et, d’après son père, la cuisine de Madame Gruenberger était la meilleure de la région. Il me dit surtout qu’à Sankt-Johann, il y avait un groupe de jeunes gens, garçons et filles, qui formaient une joyeuse bande. Il se faisait fort de m’y faire entrer. « Ils seront ravis d’accueillir parmi eux quelqu’un de la ville, tu verras. Mais, je dois t’avertir, tu seras le plus jeune. Il s’agira pour toi d’être à la hauteur. Tu n’es pas une mauviette, au moins ? »

Cette perspective d’être le benjamin et, de surcroît, l’unique citadin d’un groupe qu’à en juger d’après Anton j’imaginais être constitué de montagnards aguerris n’avait rien pour me tranquilliser, mais je l’assurai du contraire avec fermeté.

Satisfait de ma réponse, il m’informa des habitudes du groupe dont je serai membre dès demain.

— Nous sommes une douzaine, expliqua-t-il, quelques fois plus, quelques fois moins.   La plupart du temps, il y a presque autant de filles que de garçons, parfois un peu moins. C’est dommage. Nous nous connaissons tous depuis toujours. Pendant l’année, nous sommes pensionnaires à Prinz ou à Grundtz, et nous ne nous voyons qu’aux petites vacances ou pour les fêtes de famille, mais en été, quand nous nous retrouvons ici, nous ne nous quittons plus. Le matin, vers onze heures, c’est autour de la fontaine ou sous le préau de l’école que nous nous réunissons. On traine un peu, on chahute, on se raconte des blagues et surtout, on discute de ce qu’on fera l’après-midi. Quelquefois, on décide de partir en balade dans la montagne ou sur le plateau de Hirschteller, mais le plus souvent, nous allons nous baigner dans le Schwarzbach. C’est un torrent, à moins d’une heure de marche. Il y a un endroit formidable où on peut plonger, nager et se dorer au soleil. Parfois, quand on a réussi à se mettre d’accord la veille, on part dès le matin avec un pique-nique. D’autres jours, on prend deux ou trois voitures et on descend à Prinz. On se promène dans le parc ou on va à la fête foraine sur l’esplanade. Mais la plupart du temps, nous préférons rester dans la montagne. Tu verras, tu ne t’ennuieras pas.

Anton ne m’avait pas menti, et pendant les semaines qui suivirent, je ne m’ennuyai guère. J’eus à peine le temps de lire le premier chapitre de L’Éducation sentimentale, ce roman français que j’avais emporté et dont le titre trompeur m’avait fait croire que j’y apprendrais comment séduire les jeunes filles.

Depuis ce mois de juillet de mes quinze ans, j’ai connu bien des aventures, j’ai vu bien des pays et j’ai rencontré bien des gens, mais quand je regarde en arrière, je suis convaincu que c’est au cours de ce bel été dans le Tegerberg que j’ai commencé à apprendre à vivre avec les autres. Nos promenades en montagne, entrecoupées de pique-niques, de baignades dans le Schwarzbach et de siestes au soleil étaient souvent l’occasion de longues conversations sur la vie, l’amour, la guerre, les femmes, la religion, la mort. L’ouverture d’esprit, la tolérance, l’ingénuité et la franchise dont les membres de cette bande de Sankt-Johann faisaient preuve dans leurs discussions m’apprit non seulement à m’ouvrir aux idées des autres, mais aussi, et pour la première fois, à exposer librement mes propres opinions sans avoir à craindre l’ironie des contradicteurs.

Mais, en commençant ce récit, ce n’est pas de cette première fois que je voulais vous entretenir, mais d’une autre que je vais vous raconter maintenant.

Un matin, autour de la fontaine, il fût décidé que, le lendemain, nous ferions une grande balade jusqu’aux Roggenfelder. Les Roggenfelder, c’était un refuge à près de mille cinq cents mètres d’altitude.

— Il faudra marcher environ trois heures pour y arriver, me dit Anton, mais ce sera facile, pratiquement tout le temps sur des chemins forestiers. Pour les derniers trois cents mètres, nous suivrons un sentier un peu raide à flanc de montagne, mais si on fait un peu attention, c’est sans danger. Nous partirons d’ici demain à trois heures. Je crois que tout le monde viendra. Demande à l’auberge qu’on te prépare des sandwiches.

— Mais si nous partons aussi tard, cela veut dire que nous ne serons pas arrivés avant six heures du soir et qu’il faudra rentrer de nuit !

— Sauf si on la passe au refuge, mon petit vieux !

— On passera la nuit là-haut ? Mais les filles ? …

2

Jamais, au grand jamais, mes sœurs ou mes cousines n’accepteraient de dormir dans un refuge avec des garçons. Elles n’oseraient même pas y songer. D’ailleurs, leurs parents ne les y autoriseraient pas.

— Quoi, les filles ? s’étonna Anton. Elles viennent aussi bien sûr !

Certes, au cours de nos après-midi dans la campagne, il arrivait bien que quelques gestes amoureux s’échangent entre garçons et filles, mais cela restait délicat, léger, naturel et toujours au vu et au su des autres. Ces manifestations affectueuses, auxquelles, à mon grand regret, je ne participais pas, auraient certainement choqué mes parents mais pour moi, elles restaient dans la limite de ce que, moi, je jugeais être les convenances.

Mais, des garçons et des filles, toute une nuit dans une maison isolée, sans adulte, sans chaperon aucun, j’étais stupéfait que cela puisse être seulement envisagé. Comme je ne voulais pas passer pour pudibond, je dis seulement :

— Ah ? Eh bien tant mieux !

À ce point de mon récit, il faut que vous sachiez qu’à l’époque, l’adolescent que j’étais n’annonçait en rien l’homme mur que je suis devenu et que vous commencez à connaitre. Comme vous l’avez sans doute compris à m’écouter, à cette époque, j’étais plutôt réservé, timide même, et peu sociable. Je n’avais pas d’ami et donc pas de meilleur ami. Mes relations avec les garçons de mon âge demeuraient superficielles. Il faut savoir également qu’au début de ce siècle, dans les villes de mon pays, la séparation des sexes était partout strictement respectée et, qu’en dehors des fêtes de famille, il n’y avait, pour un garçon comme moi, que fort peu d’occasions de rencontrer des jeunes filles. C’est pourquoi, à l’exception de deux ou trois cousines, laides ou sans intérêt, je n’en connaissais aucune. D’ailleurs, en aurais-je rencontré, à supposer que j’eusse osé leur adresser la parole, je n’aurais pas su quoi leur dire.

Depuis quelques mois, sans l’avoir vraiment compris, j’avais atteint l’âge auquel s’éveille la sensualité et naissent ces premières pulsions qui vous vous poussent vers le sexe opposé en vous le faisant craindre tout à la fois. Les barrières dressées par la ville, la société bourgeoise et mon invincible timidité m’en avaient empêché jusque-là et j’en souffrais beaucoup. Alors, je me réfugiais dans la littérature, qui d’ailleurs ne faisait qu’enflammer davantage mes désirs imprécis d’adolescent.

Sachant cela, vous comprendrez mieux que mon arrivée dans ce milieu de jeunes campagnards, habitués depuis leur plus tendre enfance à se fréquenter librement sans distinction de sexe ni de classe sociale, avait constitué pour moi une révolution ou, plus précisément, une révélation : il était donc possible de passer du temps entre garçons et filles, librement, sans la présence des parents, sans que personne ne trouve à y redire ? On pouvait se baigner ensemble, rire ensemble, discuter de tout ensemble, se frôler et même s’embrasser sans honte ni gêne ? L’excursion projetée aux Roggenfelder tendait d’ailleurs à me prouver qu’on pouvait aller jusqu’à dormir ensemble.

Constatant cela, quelques jours après mon arrivée à Sankt-Johann, j’avais décidé de profiter de ce qui restait à courir de mon séjour pour lier connaissance — je ne trouvais pas d’autre mot pour définir ce que je n’arrivais à concevoir que vaguement — avec une fille ou, pourquoi pas, plusieurs.

Mais, de baignade en pique-nique, de balade en montagne en sieste au soleil, les jours avaient passé et rien de ce genre ne s’était produit. Je ne saurais pas comment m’y prendre, les après-midi était bien trop courtes pour entreprendre quoi que ce soit, les jeunes filles ne semblaient pas me prêter attention, au contraire elles paraissaient s’intéresser à un autre garçon… Autant de raisons que je me donnais pour ne rien tenter. Il fallait que cela cesse, il fallait que j’ose et cette excursion aux Roggenfelder en serait l’occasion.

Le jour dit, dès trois heures, nous étions treize autour de la fontaine, prêts à partir. Dans le groupe, il y avait deux filles que je n’avais jamais vues, et un garçon aussi. Tous étaient équipés pour la randonnée annoncée. Bien sûr, le citadin que j’étais n’avait ni sac à dos ni chaussures convenables, mais on m’en avait trouvé sans difficultés tant les armoires de ces régions abondent en ce genre d’équipement. En ce milieu d’après-midi, il faisait très chaud sur la place et si les garçons portaient des pantalons courts à la mode anglaise, par bienséance, les filles avaient dû se résoudre à mettre leurs éternelles jupes de laine bleu marine ou kaki qui leur cachaient les genoux.

Dès la sortie du bourg, nous quittâmes la route qui montait vers le col du Gornergrat pour prendre un de ces chemins qui permettaient aux bûcherons de descendre les grumes jusqu’à la scierie Kaufmann. La montée était douce et, dans l’ombre des grands pins, il faisait presque frais. Quelqu’un entonna un chant de marche, et tout le monde se mit à chanter, chanson après chanson. Parfois, jaillissait une grosse plaisanterie pleine de sous-entendus. Alors, les garçons riaient très fort et les filles baissaient la tête et se cachaient pour sourire ou même pouffer. Et puis le chemin devint plus raide, et quand nous sortîmes de la forêt, la chaleur nous fit taire. Penché en avant sous mon sac à dos, de temps en temps, je jetais un coup d’œil aux deux nouvelles. Elles avançaient côte à côte et parlaient sans cesse entre elles. Il y en avait une grande, trop grande, plus grande que moi, et une plus petite, jolie. Ce n’est pas que la plus grande ait été laide, mais elle n’était pas aussi jolie que la plus petite.

Au bout de trois heures de marche, après un dernier raidillon qui me cassa les jambes et le souffle, nous débouchâmes sur un plateau couvert d’herbes hautes et dorées qu’un léger vent faisait onduler devant nous. Au bout de cette prairie inattendue se dessinait une bâtisse en grosses pierres dont les lauzes luisaient sous le soleil déclinant : nous étions arrivés.

Les derniers cent mètres se firent presque en courant. Un homme nous accueillit à l’entrée. C’était Göran, me dit Anton, un vieux berger serbe à qui le bourgmestre avait confié la garde du refuge. Il nous assura que tout était prêt, les couchages, le bois pour le feu et l’eau potable. On trouverait dans le garde-manger des fromages de sa fabrication mais il n’avait pas eu le temps d’achever la réparation du toit. C’était ennuyeux, disait-il, parce que cette nuit, il y aurait de l’orage. Mais c’était bien aussi parce qu’il n’avait pas plu depuis si longtemps que bientôt, ses chèvres n’auraient plus rien à manger. Il nous confiait le refuge, car lui, il allait dormir plus haut dans la montagne avec son chien et son troupeau.

Le dortoir occupait la totalité du premier étage du refuge. On y accédait par une échelle de meunier et, quand on franchissait la trappe qui était ménagée dans le plancher, on était tout de suite saisi par la chaleur sèche qui y régnait. La salle était éclairée par deux petites fenêtres percées dans les pignons. Par l’une d’elles, les rayons du soleil couchant entraient, formant un faisceau peine incliné dans lequel gonflaient lentement les volutes de poussières que notre entrée en bousculade avait soulevées.

De part et d’autre d’une allée centrale, posées directement sur le plancher de bois gris clair, quatorze paillasses se faisaient face deux par deux, chacune séparée de ses voisines par une étroite ruelle. Lorsque j’arrivai enfin dans le dortoir, la plupart des garçons et des filles avaient déjà marqué leur territoire en jetant leur sac sur le couchage de leur choix. Devant moi, je voyais les deux filles nouvelles se diriger vers le fond de la grande salle où quelques matelas étaient encore vacants. Elles en choisirent deux côte à côte. Par chance, ceux qui les entouraient demeuraient également libres et je décidai de m’installer à côté de la plus petite des deux filles, la plus jolie. Mais, comme j’hésitai un instant sur la façon de m’y prendre, la sœur d’Anton, Lara, vint m’en empêcher en posant son sac à l’endroit que j’avais choisi. J’en fus réduit à faire trois pas de plus vers le fond et à jeter d’un air indifférent mon sac à côté de celui de la plus grande des deux filles ; la plus grande ; la moins jolie ; mais jolie assez quand même.

3

Chacun entreprit de déballer ses affaires. Tout en discutant avec son amie, ma voisine commença par sortir de son sac un épais chandail et ce qui devait être une chemise de nuit. Elle fit un rouleau de son lainage et le plaça là où bientôt elle poserait sa tête pour dormir. Elle déplia sa chemise de nuit et se mit à genoux pour l’étendre soigneusement sur le matelas. C’était une chemise en grosse toile écrue qui devait être rude à la peau. Les manches étaient serrées aux poignets et le col se fermait par une demi-douzaine de boutons en os. La chemise me parut tellement longue que j’imaginai qu’elle devait recouvrir la jeune fille au moins jusqu’aux chevilles. Enfin, elle sortit une sorte de grosse bourse en laine bigarrée dont je ne devinai pas l’usage. Elle la déposa sur le chandail roulé juste au-dessus du col de la chemise de nuit de sorte qu’on aurait dit qu’une immense poupée au visage violemment maquillé reposait sur sa couche les bras le long du corps. Tous ces préparatifs accomplis sans qu’elle m’ait jeté un seul coup d’œil, Tavia — j’avais appris son prénom en l’entendant apostrophée par Anton — se redressa pour suivre son amie vers la trappe.

De mon côté, pendant ce temps, la seule chose que j’avais sortie de mon sac, c’était mon édition de L’Éducation sentimentale que j’avais posée en évidence sur ma paillasse, tournée de telle sorte que le titre en soit lisible par Tavia et devienne le prétexte d’une première conversation. Elle ne s’en aperçut pas.

Je regardais la silhouette de la jeune fille s’enfoncer dans la trappe quand tout à coup, elle s’arrêta pour dénouer la masse brune de ses cheveux. Je les vis tomber lourdement dans son dos. L’instant d’après, dans ce geste si intime que l’on voit sur ces tableaux modernes qui représentent une femme à sa toilette, elle porta ses mains à sa nuque et noua ses cheveux dans un catogan. Et puis elle disparut totalement.

Je m’aperçus alors que je demeurais seul dans le dortoir. Je rangeai l’Éducation dans mon sac et sortis à mon tour en emportant mes sandwichs.

Dehors, il commençait à faire sombre. Le soleil était passé derrière la crête du Tegerberg mais il persistait à éclairer de rose le sommet du Gornergrat. Les filles étaient en train de rassembler les victuailles que chacun avait apportées. Je tentai de remettre les miennes à Tavia, mais dans l’agitation, je ne parvins pas à l’approcher et j’en fus réduit à les confier à Lara. Je rejoignis les garçons qui étaient occupés à dresser un feu de camp sur un espace empierré à quelque distance du refuge. L’animation était grande et l’atmosphère joyeuse. Elle le devint davantage encore quand Erich, le nouveau de la bande, revint du dortoir avec deux bouteilles de Grüner Veltliner et un flacon de Schnaps. On alluma le feu et, sur une table qu’on avait apportée de l’intérieur, on déposa les poulets, les pâtés, les saucisses, les sandwichs, les fromages, les fruits, les bouteilles et les verres. Chacun se servait à la table et venait prendre place dans le cercle qui s’était formé autour du feu. Je tentai plusieurs fois, mais sans succès, de m’asseoir à côté de Tavia qui restait indissociable de son amie. L’obscurité tomba au milieu des rires et des chansons. Tout à coup, Anton se leva. Comme par miracle, le silence se fit en un instant et, sans quitter des yeux les flammes qui dansaient devant lui, il se mit à dire un poème. C’était une des Chansons d’amour de Rilke. Je connaissais bien ce poème. C’était l’un de ceux que j’avais appris par cœur l’année passée dans l’espoir imprécis qu’un jour peut-être, je pourrai l’utiliser pour séduire une femme.  Quand Anton se tut, il resta un moment immobile, planté devant nous qui restions silencieux. Je glissai un regard vers Tavia pour m’apercevoir qu’elle contemplait Anton avec émotion. Au bout d’un instant, son regard descendit sur le feu puis s’éleva pour suivre les étincelles qui montaient vers le ciel et se perdaient dans un milliard d’étoiles. Lorsque son regard retomba sur terre, involontairement, il se posa sur moi et je vis deux larmes qui coulaient de ses yeux. Ils étaient noirs.

Quand Anton se rassit, ce fut le tour d’une fille de se lever. C’était Maria, l’amie d’Anton. Elle chuchota quelque chose à l’oreille de son voisin qui se retourna pour saisir sa guitare. Après qu’il eut plaqué deux ou trois accords, Maria se mit à chanter. C’était doux et gai à la fois. La guitare demeurait discrète et la voix de Maria était claire et pure, sans aucune de ces fioritures qui nuisent tant au naturel. Je reconnus de l’italien. Si de temps en temps je saisissais un mot ou un petit morceau de phrase, le sens général de la chanson m’échappait. Mais peu importait le sens, c’était magnifique et je sentais ma gorge se nouer.

Était-ce l’émotion qui naissait de cette soirée extraordinaire, était-ce la confiance qui s’était établie entre le groupe d’Anton et moi au cours des semaines passées, était-ce le verre de vin blanc que j’avais bu tout à l’heure sans plaisir, ou la présence de Tavia dont j’espérais encore attirer l’attention ou encore une heureuse combinaison de tout cela, je ne peux le dire aujourd’hui. Toujours est-il que quand Maria se fut rassise, je me dressai à mon tour. Et, sans oser regarder Tavia, je récitai — en français ! — À une passante.  J’avais appris ce poème comme j’avais choisi ceux de Rilke : pour plaire aux femmes. Et sur le moment, surtout après avoir entendu cette douce chanson italienne, j’étais persuadé que la belle langue française ajouterait encore à la séduction. Bien sûr, Tavia ne parlerait pas cette langue, bien sûr, elle ne comprendrait rien au poème, mais je pouvais espérer que la musique des mots de Baudelaire et toute l’intention que j’y avais mise lui ferait deviner que c’était pour elle que je l’avais fait.

Permettez-moi, mes amis, de vous dire ces deux derniers vers que je n’ai jamais oubliés et qui, encore aujourd’hui, me transportent de joie et de mélancolie :

Car j’ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais !

Après avoir prononcé ces derniers mots, modestement, je baissai les yeux et, comme inconsciemment, je me dirigeai vers Tavia pour tenter de m’asseoir à côté d’elle. Elle était serrée entre ses deux voisines, mais j’eus la joie de la voir se rapprocher de l’une d’elles pour me faire de la place. Le peu d’espace qu’elle m’avait ménagé fit que lorsque je m’assis, nos hanches puis nos épaules vinrent au contact. Elles le restèrent. J’étais en feu.

Pendant quelques instants, j’affectai de demeurer songeur, comme encore immergé dans la beauté du poème, et puis je me lançai :

— Tu as aimé le poème ? lui demandai-je, sans la regarder, les yeux dans le vague.

Oui, répondit-elle doucement.

Il me fallut deux secondes pour réaliser qu’elle m’avait dit oui en français. Déstabilisé, j’insistai :

— Tu l’as aimé ? Tu l’as compris ? Tu parles le français ?

Oui, oui et oui, confirma-t-elle, toujours en français.

Et puis, en allemand :

— Je ne le connaissais pas… mais il est très beau. C’est pour moi que tu l’as dit ?

Je ne répondis pas à sa question, mais je lui dis :

— Tu t’appelles Tavia, n’est-ce pas ?

— Et toi, ton nom est Franz. Tu es le cousin d’Anton. Tu habites à l’auberge et tu viens de Vienne pour te soigner parce que tu as été malade… Et tu rentres chez toi bientôt, dans une semaine.

A partir de ce moment, tout devint facile. Je me mis enfin à parler. Elle m’écoutait, me regardait, commentait brièvement, me posait les questions que j’aurais voulu qu’elle me pose. Je parlais, je parlais, je ne pouvais plus m’arrêter de parler. Je fus brillant, drôle, énigmatique, romantique, savant, surprenant tout à la fois. L’adolescent que j’étais croyait la séduire, mais c’était elle qui me séduisait. J’étais content de moi, aux anges.

Malgré l’heure, la nuit était encore douce et je lui proposai d’aller marcher sous la lune. Elle se leva sans rien dire, docile. Je me levais à mon tour et je lui pris la main. Elle me l’abandonna. Je l’entraînai loin du feu et du groupe en me disant que le moment était venu de l’embrasser. Elle marchait, silencieuse, et je ne savais plus que dire. Sans lâcher sa main, je la dépassai en me retournant et je m’arrêtai. J’étais face à elle. C’était maintenant qu’il fallait agir.

Mais la fille était grande et j’en vins à réaliser que ma bouche n’atteignait même pas la hauteur de son épaule. Il aurait alors fallu lui demander de se pencher, ou que je me dresse sur la pointe des pieds. Ce baiser que j’aurais voulu si spontané devenait tellement apprêté que le ridicule de la situation m’apparut et fit monter en moi une envie de rire qu’il fallait absolument que je réprime. Je fis alors une chose incroyable, une chose que je n’aurais jamais imaginé pouvoir faire, une chose terrible, scandaleuse : tout en la regardant intensément dans les yeux, de ma main restée libre, je lui pris un sein et le serrai. Je fus surpris par sa douceur. Tandis qu’une tendre tiédeur gagnait la paume de ma main, je pensais que j’étais perdu : elle allait me gifler, ou crier, ou s’échapper pour courir jusqu’au refuge et me dénoncer à mes camarades horrifiés, je serais chassé sur le champ du refuge et de Sankt-Johann et je rentrerais chez mes parents couvert de honte…

— Non, Franz, dit Tavia en écartant doucement ma main de sa poitrine.

J’étais sauvé ! Elle n’allait pas me dénoncer… Et puis elle ajouta :

— Pas maintenant…

4

Pas maintenant ? Qu’est-ce que ça voulait dire pas maintenant ?

Pas maintenant, pas cette nuit, pas ici au milieu de tous nos camarades ? Pas maintenant, mais un autre jour, mais demain peut-être ?

Ou encore, pas maintenant, nous sommes, tu es bien trop jeune ?

Ou alors, pas maintenant, mais tout à l’heure, tout à l’heure, quand nous rentrerons au refuge et que nous nous allongerons côte à côte dans le dortoir ?

Je ne savais que penser. Pour cacher mon égarement, je fis semblant d’être fâché. Je lui lâchai la main, lui tournai le dos et regardai loin devant moi. Du dos de ses doigts, elle frôla ma nuque. Je frissonnai. Et maintenant, que fallait-il faire ? Les idées se bousculaient dans ma tête. Un instant, je rêvais même de la renverser sur l’herbe, de l’embrasser passionnément, de la caresser follement…

Un grondement lointain vint interrompre mon rêve. L’air était immobile, la lune et les étoiles avaient disparu. Devant nous, l’obscurité était totale. Tavia me dit, tendue :

— Le tonnerre… Il faut rentrer… vite… j’ai peur de l’orage…

Derrière nous, à une centaine de mètres, on n’apercevait que le rectangle de la porte du refuge, faiblement éclairé. 
Un nouveau roulement de tonnerre se fit entendre, plus prolongé mais peut-être plus lointain. Sans attendre qu’il s’éteigne, Tavia saisit ma main et commença à me tirer vers la lumière. Je la suivis. Autour du feu de camp qui achevait de mourir, il n’y avait plus personne, et dans la salle du bas du refuge, pas davantage. Mais quelqu’un avait laissé deux ou trois chandelles allumées plantées dans une assiette.

Un nouveau coup de tonnerre, plus proche cette fois-ci, fit s’arrêter Tavia, figée sous la trappe qui menait au dortoir. Sitôt que le grondement cessa, elle se précipita sur l’échelle de meunier en me tirant derrière elle.

Le silence et l’obscurité régnaient dans le dortoir. Je me demandai où était tout le monde. Tavia m’entrainait toujours dans son sillage vers le fond de la salle où devaient se trouver nos paillasses mais, après trois ou quatre pas, je trébuchai sur une paire de jambes. Tandis que jaillissaient des protestations et des rires des quatre coins du dortoir, je m’affalais en travers d’une paillasse. Elle était occupée.

— Bonsoir, Franz, et surtout, bonne nuit ! dit la voix d’Anton.

Et puis aussitôt, d’un autre coin de la pièce, une voix anonyme et joyeuse s’éleva :

— Et à toi aussi, Tavia ! Bonne nuit !

Au milieu des rires que l’apostrophe avait déclenchés, maintenant que toute la bande était au courant de notre retour d’escapade, je ne gardais plus beaucoup d’espoir de pouvoir m’allonger à côté de Tavia. Pourtant, dans le noir, je sentis sa main qui m’aidait à me relever et me guidait fermement vers nos couchettes voisines. Quand je la sentis s’étendre sur sa paillasse, je repris un peu confiance et, me mettant à genoux sur le bord du matelas, je me penchais vers elle…

C’est alors qu’une violente lueur blanchâtre éclaira le dortoir. Tout m’apparut d’un coup : le visage de Tavia, et à coté, le profil de sa voisine qui fixait le plafond de ses yeux écarquillés, et au-delà, les silhouettes enlacées de Lisa et d’Erich. Il y avait aussi celle d’un garçon debout, nu, figé dans sa traversée de l’allée centrale vers une autre paillasse. Je vis également deux ou trois corps allongés, appuyés sur leurs coudes, leurs visages tournés vers moi. Au bout d’un temps interminable, moins de deux secondes sans doute, l’obscurité revint en même temps qu’un énorme et bref craquement venait déchirer mes oreilles. Je sursautai au point de retomber assis sur ma propre couchette. Tandis qu’abasourdi, je me relevais, des cris jaillissaient d’ici ou là, des cris de surprise, des cris de joie et des cris de terreur.

À partir de ce moment, il ne fut plus question pour moi de tenter d’embrasser Tavia ni même de m’allonger chastement à côté d’elle. Elle s’était entièrement dissimulée sous sa couverture, et quand j’essayai de là toucher, je la sentis tendue comme un arc. Je me résignai enfin et m’allongeai de l’autre côté de la ruelle pour attendre le prochain coup du ciel.

Beaucoup plus tard, quand le ciel se fut enfin calmé, on m’expliqua que ce phénomène était fréquent de ce côté du Tegerberg : les nuages chargés d’électricité qui venaient d’Italie étaient poussés par le vent jusque contre le flanc du Gornergrat qu’ils ne pouvaient franchir à cause de son altitude. Et ils restaient là, bloqués, à s’acharner sur le plateau des Roggenfelder jusqu’à épuisement de leur charge électrostatique.

C’était la première fois que je vivais un orage en montagne. Jusque-là, je n’avais connu que quelques éclairs au-dessus des toits de notre quartier en ville ou quelques bourrasques orageuses sur notre maison de l’Hauptgraben. Plus tard, je connus aussi quelques gros orages en mer, mais rien de comparable à ce que je vécus cette nuit-là. Si un orage à la ville, ou même à la campagne, peut effrayer quelques enfants, la plupart du temps, il prévient : il commence par gronder au loin avant de se rapprocher lentement, précédé par le vent et suivi par la pluie. En mer, quand un orage est effrayant, c’est surtout par la tempête qui parfois l’accompagne, par les vagues qu’il soulève. Mais j’ai rarement vu quelque chose de plus impressionnant qu’un orage en montagne. À la montagne, l’éclair ne prévient pas, il vous aveugle, il vous claque directement dans les oreilles, il vous déchire les tympans, il vous fait vibrer les côtes et le sternum, il vous coupe le souffle, il vous ramène à votre petite dimension… À la montagne, son effet tonitruant est multiplié par l’écho que vous renvoient violemment les aplombs rocheux. Rien qu’avec sa lumière, l’éclair vous casse les vitres, avec sa pointe il fend les rochers et avec son souffle, il met le feu aux arbres. Un orage en montagne, vous savez, c’est terrible !

Cette nuit-là, il se déchaîna au-dessus de nos têtes pendant d’interminables heures. Les éclairs se succédaient, plus lumineux, plus longs les uns que les autres. Les coups de tonnerre les suivaient de si près que leur vacarme était presque continu. Parfois, les éléments semblaient se calmer un peu et entre deux terribles craquements, on entendait le bruit de la pluie qui tombait sur le toit. C’était comme des graviers qui frappaient les lauzes. Ensuite, l’orage reprenait de la vigueur, et le gigantesque carnaval recommençait.

Mais tout finit par se calmer, les éclairs disparurent, le tonnerre s’éloigna et peu après la pluie cessa. Une faible lueur grise apparut à l’une des fenêtres : c’était l’aurore, c’était fini. Je m’endormis…

Et voilà, mes chers amis, je vous ai raconté mon premier orage en montagne, sans doute le plus beau que j’ai jamais vécu. »

Ayant dit ces mots, Franz se renversa dans son fauteuil, souffla la fumée de son cigare vers le lustre et resta silencieux, à regarder les volutes bleues rejoindre paresseusement le brouillard qui baignait le haut de la salle.

Fitzwarren et moi nous regardâmes, chacun levant un sourcil interrogatif.

— Quoi ! C’est tout ? demanda Fitzwarren d’un ton incrédule.

— Eh bien, oui, c’est tout, répondit Bauer avec l’innocence de l’agneau. Comme promis, je vous ai raconté une première fois, la première fois que j’ai vécu un orage en montagne.

— Vous êtes un farceur, cher ami. Ce n’est évidemment pas ce que nous attendions de vous. N’est-ce pas, Bertram ? Vous êtes d’accord avec moi ? Ce n’est pas du tout ce que nous attendions, répétai-je.

— Écoutez, Franz, précisa Fitzwarren, nous n’avons pas patienté sans vous interrompre pendant tout une heure pour nous entendre décrire un phénomène naturel tout ce qu’il y a de banal.

— Mais, demanda Bauer d’un air innocent, à quoi vous attendiez-vous donc ?

— Eh bien, nous aurions aimé savoir si… enfin, si cette jeune fille, Tavia… si vous… si elle… Ah, demandez-lui, mon cher ! Moi, je ne trouve pas les mots !

Mais Fitzwarren paraissait tout aussi embarrassé que moi. Alors Bauer reprit d’un air digne :

— Inutile de préciser, mes bons messieurs ! J’ai parfaitement compris ce que vous auriez souhaité entendre. Vous auriez aimé que je vous dise si, cette nuit-là, Tavia avait été ma première fois. C’est bien cela, n’est-ce pas ?

— Évidemment, c’est cela ! répondis-je avec un peu trop de vivacité. C’est bien naturel, quand même ! Après tout, nous sommes entre hommes ! Et il serait de bon ton qu’après nous avoir fait languir en nous rapportant tous ces détails superflus sur votre séjour en montagne, vos pulsions d’adolescent, votre approche de la jeune fille et ses réactions en retour, vous nous racontiez enfin ce qui s’est réellement passé entre Tavia et vous pendant ou après ce malheureux orage.

— Et sachez que les détails ne nous font pas peur, ajouta l’Anglais.

Alors Bauer prit un temps pour écarter les verres qui se trouvaient devant lui. Puis, posant ses avant-bras sur la table et joignant les mains, il se pencha en avant et, tout en nous regardant avec intensité, il dit :

— Messieurs, j’ai beau ne pas être sujet de Sa Majesté le roi Georges V, je me flatte néanmoins d’être un gentleman. A part le fait que le nom de cette jeune fille n’était pas réellement Tavia, vous n’apprendrez rien de plus de ma bouche de ce qui s’est finalement passé entre elle et moi.

Puis il se renversa à nouveau dans son siège pour fouiller dans son gilet et en extraire un autre cigare. Quand il l’alluma, je crus voir dans son œil à demi fermé comme une petite lueur d’amusement. Mais ce devait être le reflet de la flamme de l’allumette.

Fin

 

 

 

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