César et Rosalie – Critique aisée n°211

Critique aisée n°211

César et Rosalie
Claude Sautet – 1972
Romy Schneider, Yves Montand, Sami Frey

Bon ! Comme, je l’ai dit avant, je me réservais de revoir César et Rosalie pour mes encore plus vieux jours. Mais une récente discussion sur le film de Sautet et le désir de voir s’il pouvait me faire aujourd’hui le même effet qu’autrefois m’ont poussé à revoir César, Rosalie et David. Et voilà, c’est fait.

Durant le temps d’un générique aussi démodé que les voitures de mon père, je suis entré dans le film avec un plaisir anticipé, un peu comme on entre dans une pièce familière et accueillante pour s’installer dans un fauteuil confortable et usé dont on connaîtrait les creux, les bosses et les odeurs. Et pendant deux heures, j’ai retrouvé la beauté bouleversante de Rosalie, le charme discret et lucide de David, l’exubérante maladresse de César. J’ai retrouvé avec délectation cette ambiance des cafés enfumés des quartiers de Paris où se mélangeaient encore quelques couches de la société, je me suis replongé avec émotion dans ces atmosphères de petits déjeuners de vacances et de repas de famille et d’amis, de bouteilles presque vides et d’éclats de rire, j’ai revécu ces incessants trajets en voiture à travers la France, silencieux ou bavards, mais toujours propices aux émotions…  autant de choses dont beaucoup ont disparu, bien avant que le COVID ne survienne, et pas seulement parce que nous avons pris quarante-huit ans dans la vue.

C’est le décor à la Sautet, le cadre, l’ambiance, l’atmosphère parisienne, la bourgeoisie moyenne, ni pauvre ni riche, ni intellectuelle ni bornée… Qu’est-ce que vous voulez, il faut bien se l’avouer, c’est là où nous avons grandi, puis vieilli, vous et moi, ou du moins la plupart des gens que j’ai connu.  C’est le folklore Sautet-Dabadie habituel diront certains. Mais chez Sautet, si la mise en scène n’est pas primordiale, il y a toujours en plus de l’atmosphère une intrigue, des personnages qui évoluent, des situations qui se renversent, un dénouement. La femme passe d’un homme à l’autre, elle fait trois petits tours et puis s’en va, le hâbleur devient discret, les ennemis deviennent frères, la femme revient (vers qui, moi je le sais).

Avant de revoir ce film, près de cinquante ans après l’avoir vu pour la première fois, je me souvenais parfaitement de la scène finale : les deux hommes sont devenus des vrais amis et déjeunent d’une langouste — un homard peut-être — dans la maison de César. Rosalie, partie depuis deux ans, apparaît dans le jardin. David l’aperçoit en premier, subjugué, puis son regard passe de Rosalie à César. Dans ce regard, qui est la dernière image du film, il y a toute la sensibilité de Sautet.

Quand j’avais vu César pour la première fois, j’avais presque l’âge des personnages. À les voir évoluer aujourd’hui, eux n’ont pas bougé, pas plus que la pellicule, mais moi, j’ai pris cinquante ans. Mais je l’ai vu comme la première fois, avec le même amusement, la même émotion, le même plaisir. Mais j’ai trouvé les modèles de voiture démodés.

Bientôt publié

2 Avr, 07:47 Le Cujas (50)
3 Avr, 07:47 Tours – 6

7 réflexions sur « César et Rosalie – Critique aisée n°211 »

  1. Et je termine en disant que j’ai plus la nostalgie d’une Alfa Roméo Giuletta Sprint à celle d’une lourde Mercury de nouveau riche hâbleur.

  2. César et Rosalie le 10 février, à nouveau le 1er avril, ça fait beaucoup pour moi qui d’abord a cru avoir rêvé la première parution en découvrant la seconde, qui n’a pas la nostalgie de ce Sautet là, qui lui préfère de beaucoup Les Choses de la Vie, qui préfère Piccoli à Montand, Hélène à Rosalie, et surtout Romy amoureuse dans Le Vieux Fusil d’Enrico avec un Noiret qui la rend encore plus admirable.

  3. C’est amusant comme chacun a ses idées, non pas sur le cinema, mais sur tel ou tel film.
    Voilà Guy qui voudrait une version N&B de César et Rosalie. On est plus habitué à des demandes de La règle du jeu colorisée qu’à des demandes inverses de ce genre.
    Et voila Lorenzo qui a oublié ses trente ans et qui pense (est-ce ainsi que les hommes vivent ?) qu’on ne vivait pas comme ça dans les années 70. Cette histoire d’une femme partagée entre deux hommes à l’opposé l’un de l’autre est-elle vraisemblable ? Non seulement elle l’est, mais elle est à la fois universelle et intemporelle.
    Quant au personnage de César, comme je crois l’avoir déjà dit, j’en ai rencontré un, moins bel homme que Montand, un peu moins exubérant que César, mais tout aussi volontaire, flagorneur et volontaire. Il faisait étalage de sa réussite et de sa richesse davantage que César, mais comme César, il en était fier. Cet homme qui avait commencé dans la ferraille, possédait, quand je l’ai connu, une bonne dizaine d’usines. Dix ans plus tard, il en avait le double ou le triple, je n’en sais rien. Ne vous y trompez pas, je ne parle pas de Bernard Tapie.
    Je ne sais pas ce que penserait quelqu’un qui découvrirait le film aujourd’hui pourrait dire. S’il a vécu cette époque, il y retrouverait probablement ce que j’y ai retrouvé en le revoyant. S’il est plus jeune, il pourra peut-être se dire qu’aujourd’hui, on ne vit plus comme ça. Pas plus qu’on ne vit aujourd’hui comme à l’époque de Proust, de Marivaux ou de Choderlos de Laclos, ce qui n’enlève rien à l’intérêt qu’on peut trouver à leurs oeuvres.

  4. Oui, mais une version N&B serait intéressante pour comparer car on est plus dans le sentimental que dans le visuel, comme avec Jules et Jim.
    Je dois être influencé par « Le train » (avec Burt Lancaster, en 1964), un chef d’oeuvre N&B que je viens de revoir.

    Quant à la vie qui passe au N&B, on y court avec la Toile et le télétravail systématique.
    Je n’ose imaginer un Yellowstone qui explose ou bien une mégamétéorite sur un gros serveur mondial.

  5. Oui, mais le film est en couleur. Serait-ce aujourd’hui que, selon certains, la vie serait en noir et blanc ?

  6. La technique du Noir et Blanc est adéquate à de tels films.
    Vu leur ancienneté, les revoir fait penser aux destins des principaux acteurs.
    C’est donc, un peu, revoir sous un autre prisme, mais toujours des chefs d’œuvre.

  7. C’est un très beau texte. Ton émotion d’il y a quarante ans est aussi celle qui fut la mienne en le voyant pour la première fois. On est d’accord. Que l’on ne perçoive pas la même chose aujourd’hui me semble normal aussi. Le décalage est tel avec la vie en 2021 que l’on est en droit de se demander si déjà en 1970 cette histoire était concevable. Je n’ai rien contre les contes et j’ai adoré l’Itinéraire d’un Enfant Gâté de Lelouch qui est une fable sur la paternité. La question que je me pose n’est pas de savoir si Philippe l’a revu avec ses yeux d’il y a quarante ans (et qui ont sérieusement baissé), je m’y attendais, mais ce que quelqu’un, peu importe son âge, qui le découvrirait aujourd’hui en penserait. Je crois qu’il dirait que les gens ne vivaient pas comme ça, que leurs réactions ne pouvaient pas être ainsi bien que les sentiments n’aient aucune raison d’avoir changé. Dans ce film, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, et tu sais très bien que, même en 1970, ça n’existait pas. En conclusion, contrairement aux voitures, les personnages ne sont pas démodés ; leurs sentiments sont vrais mais leurs comportements sont faux.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *