Le souffle

Marie-Claire                                                            

Etre une très vieille dame, presque cent ans, au fond de son fauteuil. Regarder longuement ses mains déformées, tâchées de brun. Tourner la tête et voir l’unique arbre de la cour perdre ses feuilles. Un automne de plus.

Avoir le corps rompu mais garder haut la tête. Oui, la garder bien claire malgré l’usure du temps. Y veiller, s’accrocher.

Pourquoi tous ces efforts, pourquoi tenir encore ? Pourquoi entretenir ce fil de plus en plus tenu auquel la vie reste attachée ?

Pour attendre la chaleur du thé du matin qu’une jeune fille souriante vous apporte enfin ? Pour son réconfort, pour cette habitude ?

Pour apercevoir le rayon de soleil, pour le chant de l’oiseau entendu ?

Pour entreprendre la toilette soigneuse et difficile en pensant au bien être qui s’en suit ? Pour le reste de coquetterie : le rouge à lèvre, le collier ?

Certainement pas pour aller déjeuner avec les autres, débris humains, et défendre sa place, son verre, sa triste nourriture.

Pourquoi rien n’a-t-il encore éteint la flamme vacillante ? Pourquoi vivre, persévérer ?

Peut-être grâce aux visites, espérer les visites, les bonnes paroles, se laisser consoler. S’émerveiller encore du sourire d’un enfant. Penser qu’on vous aime, qu’on n’est pas une charge…

Oser croire qu’on a encore le temps, une semaine, un mois… Que l’inconnu n’est pas pour tout de suite… qu’on le décidera ! Chasser la peur. Entretenir ce sentiment de puissance : savoir le décider, le vouloir très fort et voir tout s’arrêter. En être presque sûre.

Espérer qu’un simple souffle suffira à éteindre la petite flamme, juste un petit souffle.

7 réflexions sur « Le souffle »

  1. Plusieurs lecteurs m’ont attribué la paternité de ce très beau texte. Il a en fait été écrit il y a une dizaine d’années par ma soeur Marie-Claire. C’est ce qu’indique, très discrètement il est vrai, la présence de son prénom parmi les mots-clefs qui s’affichent au dessus du texte.
    J’ai déjà publié dans le JdC plusieurs de ses textes et vous pourrez les retrouver avec ce mot clef : MarieClaire.
    D’autres texte d’elle sont programmés dans les semaines à venir.
    Philippe

  2. T’es un marrant, toi, Jim!
    Non, je ne corrige pas une copie d’élève (ah, si seulement ils écrivaient aussi bien! ) , mais qui écrit un blog littéraire s’attend à être commenté, ce qui peut vouloir dire sur la forme aussi bien que le fond.

  3. Hey Rebecca, c’est pas la copie de l’un de tes élèves que tu corriges là!

  4. C’est là un texte lumineux et tendre sur le passage du temps et la détérioration de l’humain, une belle envolée qui, sans tomber dans la mièvrerie, donne une description imagée, parfois mélancolique, de l’accumulation des ans.

    Attention toutefois à ne pas tomber dans le travers de style qui consiste à mettre des infinitifs partout, ce qui peut devenir lassant, voire peu à propos.
    Par exemple, ici, où l’enchaînement se fait mal, à cause de la ponctuation inadéquate:
    Pourquoi vivre, persévérer ?
    Peut-être grâce aux visites, espérer les visites,…

    Le « peut-être » répond à la question, mais tout de suite reprend l’énumération des infinitifs, qui précédait les questions. Hors là, à cause de la virgule, l’enchaînement est bancal, et ce simple fait nuit à la lecture du paragraphe.

  5. Jim a raison. On pense envidemment a Marie Claire.Bravo . Texte tres emouvant .On reconnait bien la notre vieil ami plein de sensibilite.

  6. Cette fois encore, c’est un texte magnifique, très touchant, plein de pudeur mais aussi de réalisme et ô combien parlant pour les lecteurs qui vivent déjà ou simplement voient s’approcher la vieillesse, ses contraintes mais aussi ses dernières joies. Pourvu que les plus jeunes lecteurs du JDC, proches de Marie Claire ou non, prennent quelques minutes réfléchir à ce message qui leur est aussi adressé.

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