Incident de frontière – Chapitre 7

Résumé des chapitres précédents :
Mai 1970. C’est encore la paix au Proche-Orient. Pierre, Françoise, Christian, Bill, John, Tavia, Patricia, Anne et Jenelle, sont réunis dans deux petites voitures pour un long weekend en Syrie. A Alep, ils sont descendus à l’hôtel Le Baron. Après une nuit agitée, ils sont repartis vers le Liban. Dans un village, Patricia a provoqué une émeute. Mais, grâce au professeur Breed (Bill), qui a su se couvrir de gloire en se couvrant de ridicule, tout s’est bien terminé. Les deux petites voitures blanches ont repris tranquillement la route vers le Krak des Chevaliers. Mais…

Chapitre 7

Depuis presque une heure, ils n’avaient plus croisé que des camions militaires et le silence s’était installé peu à peu dans les deux voitures. Quand ils arrivèrent au carrefour de la route qui mène au Krak des Chevaliers, elle était barrée par un camion militaire. Loin au nord, ils pouvaient apercevoir la forteresse Croisée qui dominait la plaine du haut de son djebel. Ils arrêtèrent les voitures, mais deux hommes en tenue de combat portant mitraillette au côté leur firent signe de circuler. Ils durent repartir.

Encore une dizaine de kilomètres, et ce serait la frontière. Il faisait encore chaud et les vitres des voitures étaient baissées. Les passagères avaient passé leur tête à la portière pour se rafraîchir, leurs cheveux au vent. Dans une grande ligne droite, les deux voitures se lancèrent dans le dépassement d’un long convoi militaire qui les ralentissait. Les camions n’étaient pas bâchés et ils pouvaient voir les soldats assis dos à dos, leurs fusils tenus verticaux serrés entre leurs genoux.

Les jeunes femmes se mirent joyeusement à faire des signes de la main aux soldats. Mais ce qui au Liban aurait déclenché chez les soldats des vivats et des sifflets admiratifs ne leur valu cette fois que de mauvais regards.

L’ambiance était de plus en plus lourde.

Addabousiyah
Frontière dans 500 mètres
Stoppez à la barrière.

Le panneau, rédigé en arabe et en français, était bien inutile car, un peu plus loin, une jeep de l’armée était arrêtée en travers de la route devant une barrière baissée. De part et d’autre de la barrière, de gros tonneaux métalliques peints en vert et rouge empêchaient de la contourner. Sur la droite, une casemate en torchis arborait un grand drapeau syrien qui pendait dans l’air immobile. A l’ombre d’une toile tendue entre la casemate et quelques piquets, une dizaine de soldats étaient assis autour d’une grande table. Un troupeau de moutons qui traversaient la route en se bousculant empêchait les voitures d’approcher davantage. Elles s’arrêtèrent l’une derrière l’autre à une vingtaine de mètres de la barrière. Tandis que les chauffeurs restaient au volant, les passagers descendirent en s’étirant. Par-dessus le piétinement et les bêlements du troupeau, on entendait un transistor qui devait diffuser des nouvelles. Avant que personne n’ait pu les mettre en garde, Anne et Patricia s’étaient mises à prendre des photos des moutons, des bergers, du poste frontière. Debout à côté d’elles, les mains sur les hanches, Jenelle et Tavia les regardaient faire. Jean-Pierre sortit vivement de la voiture et s’approcha des jeunes femmes :

-Rangez-ça ! leur dit-il d’un ton pressant en désignant les caméras. Rentrez dans les voitures ! Tout de suite !

Mais déjà, les soldats s’étaient levés. Comme les habitants du dernier village traversé, peu habitués aux femmes telles que ces jeunes touristes, ces hommes les contemplaient, immobiles, dans une sorte de sidération.

Au moment où les derniers moutons traversaient la route, un officier surgit du poste frontière et réveilla ses hommes en deux ordres brefs. Puis, il se lança dans ce qui ressemblait à une véhémente diatribe. Christian pensa qu’il devait être en train de leur rappeler que ces filles impudiques et ceux qui les accompagnaient venaient de l’Amérique, l’ennemi de tous les arabes, le suppôt du diable, l’ami d’Israël. Puis il donna un ordre bref en désignant Anne et Patricia. Aussitôt, quatre soldats saisirent les deux américaines par les bras et les entraînèrent vers l’officier. A l’intérieur de la première voiture, les trois hommes firent mine d’ouvrir les portières. Quelques cris et quelques mouvements de mitraillettes les firent renoncer et se renfoncer dans leur siège. Mais Christian qui était dans la deuxième voiture, plus éloignée des soldats, avait réussi à en sortir et commençait à courir vers les soldats qui entrainaient Anne et Patricia. Il criait :

-Laissez-les ! Vous n’avez pas le droit !

Il allait arriver à la hauteur du groupe lorsque l’un des soldats se retourna et lui donna un coup de la crosse de son fusil sur le haut de la cuisse. Le coup n’avait pas paru très violent mais, pour Christian, la douleur fut incroyablement vive. Il sentit le froid l’envahir et la sueur perler à son front. Pendant quelques secondes, il pensa qu’il allait s’évanouir, mais il ne fit que se laisser tomber à genoux au milieu de la route sous l’œil indifférent des autres soldats. Dans la Peugeot de tête, personne n’osait se porter à son secours.

Pendant ce temps, les soldats et leurs prisonnières disparaissaient dans le poste frontière.

A SUIVRE… dimanche prochain…

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