West Side Story – Critique aisée n°222

Critique aisée n°222

West Side Story
Steven Spielberg – 2021
Rachel Zegler, David Alvarez, Ariana DeBose, Mike Faist

Peut-on ressentir les mêmes émotions deux fois ? C’est la question qui se pose quand on parle du remake d’un film qu’on a aimé ?
Et ce film, celui de 1961, (photo ci-contre) celui avec Nathalie Wood, Georges Chakiris, Rita Moreno, Russ Tamblin, celui-là, je l’avais aimé. Vu à New-York en 1962. Epoustouflé par la mise en scène et les cadrages de Robert Wise, renversé par la musique de Leonard Bernstein, enthousiasmé par la chorégraphie de Jerome Robbins, soixante ans plus tard, je garde encore un grand souvenir de cette gigantesque salle de cinéma, de cet immense écran, et de cette extraordinaire séance de vrai cinéma. Je n’avais pas vingt ans.
Alors, peut-on revivre les mêmes émotions à tant d’années de distance ? C’est avec cette question en tête, mais tout prêt à me laisser prendre à nouveau, que je suis allé voir le dernier film de Steven Spielberg, West Side Story.

Plein de bonne volonté, car en général, pas toujours, mais en général, j’aime beaucoup ce que fait Spielberg, j’ai tenté de tout oublier du film de Wise. C’était difficile, car je connais la musique par cœur, les paroles des chansons aussi, et la plus grande partie de la chorégraphie, mais j’ai essayé.

Pour ce qui est de l’extraordinaire musique de Bernstein, elle est là, on n’y a rien changé. Les chansons aussi, elles y sont, plutôt bien interprétées, un peu mollement, mais bien interprétées, sauf par Tony, le Roméo du film.

La nouvelle chorégraphie est très inspirée de celle de Robbins, mais je n’ai pas retrouvé certains petits pas, certain mouvements d’ensemble ni certains travellings qui m’avaient enchanté. En particulier, pour moi, toute la scène d’ouverture sur les Jets à travers le West Side est moins réussie dans le remake. Peut-être parce que le décor y est trop réaliste pour moi, avec ses gravats omniprésents et sa poussière à effets, peut-être parce que la fluidité de la poursuite entre Sharks et Jets y est moins réussie.

Pour ce qui est des acteurs, les Puertorriqueños y sont au moins aussi bons et peut être même meilleurs que ceux de la première équipe.

Quant aux Jets, si leur chef, Riff, a une sacrée gueule de l’emploi, pour autant que je puisse en juger, il est moins bon danseur que Russ Tamblyn.

Et maintenant, Roméo et Juliette, Tony et Maria.
On a dit que le nouveau Tony manquait de charisme, et c’est vrai : à côté de Riff ou de Bernardo, il parait mou comme une asperge cuite. Mais c’était déjà le cas dans le film de Wise, dans lequel Tony paraissait exclusivement nourri au yaourt, alors je n’ai pas été dépaysé. Maria chante bien, elle est très jolie et, d’origine colombienne, elle est certainement plus puertorriqueña que ne l’était Nathalie Wood, ukrainienne, mais Maria 2 n’a pas pu me faire oublier les yeux de Maria 1.

Bref, la même émotion, celle qui durait plus de deux heures, n’a pas vraiment été au rendez-vous, mais était-ce possible ? De ce remake, il m’est resté cependant quelques moments intenses, comme le bal au gymnase, très réussi.

Si vous n’avez pas vu celui de Robert Wise, vous devez aller voir le film de Spielberg. Si vous avez vu le Wise, vous pouvez voir le Spielberg quand même. Vous pouvez aussi écouter en boucle la bande originale du film.

Et, en dernier ressort, aller enfin voir la version de William Shakespeare.

 

3 réflexions sur « West Side Story – Critique aisée n°222 »

  1. Finalement, ma critique de West Side Story ne tendait pas à démontrer que le film de Spielberg est moins bon, égal ou meilleur que celui de Wise.
    (À propos de Robert Wise, je ne me souviens que d’un seul autre bon film de lui : La canonnière du Yang-Tsé)
    Elle voulait savoir, et c’était son entrée en matière, si devant le même spectacle on peut ou pas éprouver les mêmes émotions deux fois.
    Et finalement, je réponds : oui et non.
    — Oui, on peut éprouver à nouveau les mêmes émotions (le plaisir étant une des émotions possibles) devant la deuxième, la troisième vision d’un même film. C’est mon cas quand je revois Chantons sous la pluie, Casque d’Or, Lawrence d’Arabie…
    — Non, s’il s’agit d’un remake, on ne peut pas, quelle que soit la qualité du remake. Il y manquera forcément à un moment le petit détail, l’arrière plan, le mouvement de la main que vous aviez perçu, peut-être même de façon subliminale, et qui vous avait touché.

    Pour moi, la question de l’opportunité de faire un remake ne se pose pas pour un film comme celui-là. Sans ce remake, parmi les moins de 50 ans, seuls quelques cinéphiles acharnés ou étudiants poussiéreux l’auraient connu.

    Par contre, qui souhaiterait que ressortent en remake les Tontons Flingueurs, Fenêtre sur cour, La Garçonnière, Quai des Orfèvres, Hannah et ses sœurs, la Règle du jeu… ?

  2. Un peu d’accord avec Madame Lariegeoise, si je peux me permettre de la nommer aussi familièrement : un remake, comme on dit chez nous, était-il nécessaire ? Disons tout de suite que, venant de Spielberg, cela ne pouvait pas être inutile ; il y a du défi dans l’air, mais surtout – et c’est l’essentiel à mon sens – la formidable opportunité de monter ce sensationnel cinopéra, avec sa musique et sa morale, à un public (un peu plus jeune que nous) qui ne serait certainement pas allé voir une rediffusion ou redistribution de la version originale. Et puis Philippe est un peu sévère : la version de Spielberg est effectivement très proche de celle de Wise (qui ça ? encore un dont j’avais oublié le nom) mais considérablement rajeunie, dans les décors, dans le jeu des acteurs (et même dans leur âge), dans les ballets (plus vifs, plus spectaculaires, plus proches de la danse moderne) et dans leur interprétation chantée : j’ai réécouté en rentrant chez moi la bande originale de la version Wise, les voix, les trémolos, que l’on acceptait encore faute de mieux, ne passent plus du tout maintenant que l’on a entendu la version Spielberg.
    Eh oui, la nostalgie n’est plus ce qu’elle était : plutôt que de ressortir votre vieille VHS, allez voir la nouvelle version !

  3. Mou comme une asperge cuite…. mais c’est à breveter cette expression !
    Si tu étais sur les canaux dit sociaux , elle deviendrait virale….
    Pour le sujet du jour, j’affirme ici mon exaspération pour cette paresse intellectuelle qui consiste à «  moderniser » les chefs d’oeuvre »
    Surtout un film qu’il est facile de «  relancer « 
    si on veut toucher les jeunes générations.

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