Bartleby – Critique aisée n°192

temps de lecture : 3 minutes 

Critique aisée n° 192

Bartleby
Herman Melville

Bartleby ! Depuis cent cinquante ans, cette petite nouvelle de l’auteur de Moby Dick redevient régulièrement à la mode. Par exemple, si dans une soirée, vous déclarez : « Tiens ! Je viens de lire Bartleby ! »…

Attendez, attendez : un conseil, ne vous donnez pas le ridicule de le prononcer comme je l’ai entendu faire au Masque et la Plume de France-Inter : Barteulbaille. Non, prononcez-le comme ça se prononce, c’est-à-dire tout simplement Barteulbi.

Bon, donc, si dans une soirée, vous déclarez : « Tiens, je viens de lire Bartleby ! »…

Encore une chose, si vous permettez : en vérité, le titre complet est Bartleby, the scrivener – A story of Wall Street, mais ne dites pas : « Tiens ! Je viens de lire Bartleby, le scribe – Une histoire de Wall Street ! » Surtout pas ! Si vous faites ça, ceux qui n’ont pas lu la nouvelle vous prendront pour un passionné de la finance et vous passerez le reste de la soirée à répondre à leurs demandes de conseils de placements sûrs mais profitables. Quant au reste de l’assistance, qui aura lu Bartleby, il vous considérera comme un pédant à éviter (et, de surcroit, ridicule si vous l’avez prononcé dans votre mauvais anglais : Barteulbi ze scriveuneur – euh istori ov ouhôle strite). Non, dites seulement : « Tiens ! Je viens de lire Bartleby ! »

Bon, une dernière remarque : ça dépend un peu de votre âge, mais à votre place, moi, je dirais plutôt : « Tiens ! Je viens de relire Bartleby ! » Mais c’est vous qui voyez.

Donc, si dans une soirée, vous déclarez : « Tiens ! Je viens de relire Bartleby ! », une première partie de l’assistance s’exclamera « Ah ! Barteulbi, j’adore ! », tandis qu’une deuxième dira « Ah ! Barteulbaille, quelle petite merveille ! » et que la troisième s’intéressera brusquement au tableau qui est accroché au-dessus de la commode.

Maintenant, si vous faites partie des « Ah ! J’adore !  » ou des « Quelle petite merveille !« , vous pouvez sauter le paragraphe suivant, entièrement pompé sur Wikipédia, et nous retrouver à celui qui commence par « Il se trouve qu’effectivement…« . Que les autres veuillent bien me suivre.

Le narrateur est un notaire qui engage dans son étude un dénommé Bartleby pour un travail de clerc, chargé de copier des actes.
Au fil du temps cet être qui s’est d’abord montré travailleur, consciencieux, lisse, ne parlant à personne, révèle une autre part de sa personnalité : il refuse certains travaux que lui demande son patron. Il ne les refuse pas ouvertement, il dit simplement qu’il « préférerait ne pas » les faire, et ne les fait pas. Et cette phrase revient alors systématiquement dans sa bouche : « I would prefer not to », traduite en français par « je ne préférerais pas », ou « je préférerais ne pas » ou encore « j’aimerais mieux pas ». Peu à peu, Bartleby cesse complètement de travailler, mais aussi de sortir de l’étude où il dort. Il ne mange rien d’autre que des biscuits au gingembre, et refuse même son renvoi par son employeur. (Wikipedia)

Il se trouve qu’effectivement, j’ai lu deux fois Bartleby à plusieurs années de distance et j’avoue que je n’ai jamais véritablement compris ni l’intérêt de ce texte ni l’extravagante renommée de cette nouvelle. Le comportement de Bartleby me demeure incompréhensible et n’évoque pour moi qu’une obstination bestiale à ne rien faire, une fuite continue vers le néant. Encore plus étrange mais, lui, admirable, est le comportement du notaire, le narrateur, avec son obsession de vouloir aider son clerc contre sa volonté, allant jusqu’à le magnifier à la dernière réplique : …(he sleeps) with kings and counselors.
Certes, il y a le charme de la description à la Dickens de cette officine New-Yorkaise du 19ème siècle, avec ses employés très typés et ses tâches rébarbatives et, tout le monde vous le dira, l’humour absurde du refus de tout. Mais, moi, j’ai trouvé que cet humour s’émoussait rapidement avec la répétition toujours attendue de la fameuse phrase « Je préfèrerais ne pas ».

Par contre, j’aime bien le court métrage qui en a été tiré et dont voici le lien. Attention, ça dure vingt-cinq minutes et c’est en anglais non sous-titré, mais ça vaut le coup.

https://www.youtube.com/watch?v=yUBA_KR-VNU

2 réflexions sur « Bartleby – Critique aisée n°192 »

  1. Je partage ton point de vue : Bartleby est une nouvelle sans intérêt. Le plus surprenant est sa notoriété chez nos intellectuels contemporains. Un manifeste de la résistance passive, disent-ils ! Oui, mais à un niveau insignifiant et sans le moindre risque, donc sans valeur d’exemplarité.
    Le personnage décrit pas Melville est typiquement un schizophrène. Un schizophrène n’est jamais intégré socialement à son âge et a fortiori du temps de Melville. Choisir un personnage psychiatrique est une facilité : on peut lui faire dire et faire n’importe quoi puisque c’est précisément cela la psychose. Bartleby est une fiction, mais une fiction incohérente et donc non crédible. La nouvelle elle aussi en devient non crédible et perd à mon avis toute signification.

  2. « I am a rather elderly man. » C’est l’incipit de « Bartleby the Scrivener » qui introduit le narrateur et acteur de l’histoire qui va suivre, qui rappelle par ailleurs celui de Moby Dick et de son narrateur « My name is Ishmael », écrit par le même auteur Herman Melville. J’ai lu les deux (relu Moby Dick il y a une dizaine d’années, mais pas Bartleby) et le fond de ces histoires ne sont pas toujours évidentes à percevoir.
    La couverture du livre de Bartleby est une belle illustration que j’aurais aimé placer ici. On y voit en évidence une pile d’argent qui fait comprendre à qui le voudra bien le sous-titre de l’histoire: « A Wall Street Story. »

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