Douleur et Gloire – Critique aisée n°160

Critique aisée n°160

Douleur et Gloire
Pedro Almodovar – 2019
Antonio Banderas, Penelope Cruz

Quand on parle du dernier film d’Almodovar, deux questions roulent actuellement :
1) Aura-t-il la Palme d’Or ?(1)
2) Est-il autobiographique ?

En l’état actuel de mes informations, les réponses sont respectivement : probablement non et probablement oui.

Aura-t-il la Palme d’Or ? Probablement non, parce que ce n’est pas un grand film, je veux dire que ce n’est pas un grand film à la Almodovar, plein d’exubérance, de fêtes, de sexe et de sang. C’est un film contenu, calme, doux, épuré, mélancolique. Mais par l’humour et l’émotion, la vivacité des couleurs, l’homosexualité normalisée, le beau rôle des femmes, c’est bien un film d’Almodovar.

Est-il autobiographique ? Probablement oui. Mais quelle importance ? Que nous importe de savoir si Almodovar a vécu ou non son enfance dans une coquette caverne, si sa maman était aussi belle que Pénélope Cruz, ou s’il a vraiment été opéré d’une grosseur derrière l’œsophage ? Si ça vous intéresse, Gala vous renseignera surement sur le sujet. Moi, je n’en ai aucune idée.

Autrefois réalisateur à succès, Salvador est en crise. A cause de douleurs physiques constantes et d’un état dépressif, il n’est plus capable ni d’écrire ni de tourner. Il tourne en rond dans son appartement, souffre en permanence, étouffe parfois, tombe dans la drogue. Mais entre deux crises de douleur, entre deux épisodes de dépression, il se souvient de son enfance, rencontre un de ses anciens acteurs, retrouve un ancien amant, se rappelle les derniers jours de sa mère.

La présence de la douleur physique et la dépression de Salvador ne sont pas traitées de façon dramatique, mais seulement sous la forme d’un abattement résigné. Les souvenirs, les retrouvailles, le dévouement d’une amie (et la médecine) vont le faire revenir à la vie dans une très belle image de fin que je ne dévoilerai pas.

Douleur et Gloire, dont le titre est plutôt grandiloquent pour un film intimiste, est très bien servi par quelques acteurs et en premier, par Antonio Banderas (Salvador) qui semble avoir quitté ses habits de bellâtre mou pour devenir Almodovar de façon très convaincante. Pénélope Cruz est superbe et touchante en mère pauvre et attentive. Et il y a un extraordinaire petit garçon, dont je ne connais pas le nom qui incarne Almodovar jeune, enfant surdoué et indépendant.

Certaines scènes sont belles et émouvantes, comme la représentation théâtrale, la dernière discussion entre Salvador et sa vieille mère. Une autre scène est déjà un classique : la séquence à la fois chaste et érotique où un jeune maçon se lave le haut du corps devant Salvador enfant.

Douleur et Gloire est un excellent film qui n’aura pas la Palme d’Or cette année. Mais, comme disait le hérisson en redescendant d’une brosse à habit, tout le monde peut se tromper.

(1) : Croyez-moi si vous voulez : j’ai fini d’écrire cette critique aisée la veille de la cérémonie de cloture du Festival de Cannes.

 

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4 réflexions sur « Douleur et Gloire – Critique aisée n°160 »

  1. Je parlais en effet de films. Mais c’est toi le connaisseur, dont acte. Et au temps pour moi. Mais ça me met toujours aussi mal à l’aise, je déteste toujours autant ces histoires de tromperies aux sentiments. Je dois être un indécrottable sentimental.
    J’ai bien aimé le roman de Paul Guimard, les choses de la vie, ainsi que le film avec Romy Schneider, mais si j’ai bonne mémoire (rien n’est moins sûr), il s’agissait de deux fidélités successives, ce qui n’est ni dérangeant, ni déshonorant – à l’instar de Nietzsche, j’accorde une réelle importance à l’honneur, valeur hélas bien surannée.

  2. Si tu penses à triolisme au sens de l’amour physique à trois, je peux être d’accord. D’ailleurs je ne crois pas avoir jamais vu un film dans lequel ce sport serait pratiqué. Mais si tu parles des films qui traitent du triangle Mari/Femme/Amant ou Femme/Mari/Maitresse et autres déclinaisons possibles, ces situations nous ont donné d’innombrables films dont de très bons. Sans chercher longtemps « Les choses de la vie » ou le très récent « Un homme fidèle ».

  3. J’ajouterai à l’endroit du cinéma français – à quelques exceptions près – les scénarios de triolisme à toutes les sauces qui me mettent dans un état d’angoisse et d’affliction irrespirables, qui me rongent les nerfs. Je préfère encore les dynamitages et défouraillages à toute berzingue, même irréalistes, c’est dire !

  4. J’ai toujours bien aimé le cinéma d’Almodovar. Ca change des bronzés, de l’ordure de Père Noël, des Tuche et de la dictature des sentiments qui m’ont rigoureusement détourné du cinoche français.
    Peu importe l’aura, l’aura pas, même le festival de Cannes me sort par les trous de nez avec ses afféteries et préciosités imposées au journal presque un mois durant. Trop c’est trop, le tiers suffirait.
    Mais Almodovar me convient : ce n’est pas encore du génie mais de la belle ouvrage.
    Et surtout, ça n’engage que moi, je conçois qu’un public cinéphile n’en rate pas une.

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