Incident de frontière – Chapitre 12

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Mai 1970. En ce bref temps de paix au Proche-Orient, trois Français, Jean-Pierre, Françoise et Christian, deux Américains, Bill et John, trois Américaines, Tavia, Patricia et Anne et une Australienne, Jenelle, sont réunis dans deux petites voitures pour un long weekend en Syrie. Après avoir passé deux jours à Alep, alors qu’ils rentraient vers Beyrouth, ils ont été retenus à la frontière. En effet, Patricia et Anne, soupçonnées de faire de l’espionnage parce qu’elles photographiaient un bâtiment et une jeep militaires, sont restées enfermées dans le poste pendant plus d’une heure, tandis que leurs compagnons de voyage se rongeait d’inquiétude. Finalement, tout ce que voulait l’officier syrien, c’était discuter gentiment de New York avec deux américaines, jeunes et jolie. C’est tout.

Chapitre 12

Ils sont arrivés à Tripoli un peu après 8 heures. Jean-Pierre les a conduits directement devant Chez Temporel, un restaurant du bord de mer, un peu à l’écart du port. Il connaissait la patronne et il savait que là, Anne et Patricia pourraient trouver de l’assistance si elles en avaient besoin. Dans sa voiture, plus personne n’avait dit un mot depuis la fin de sa colère. Ce lourd silence avait laissé renaitre l’angoisse qui les étreignait tous quant au sort des deux prisonnières. Mais quand ils ont vu les sourires des quatre jeunes femmes qui sortaient de la voiture de Christian, ils ont compris qu’ils n’avaient rien compris.

Les réactions ont été diverses : Françoise a éclaté en sanglots sur l’épaule de son mari. Bill a explosé d’un énorme rire et s’est précipité sur Anne et Patricia pour les prendre dans ses bras et les entrainer dans un tourbillon désordonné. Tavia s’est jetée dans ceux de John en pleurant, comme si c’était elle qui avait vécu l’aventure. Jean-Pierre est resté immobile, appuyé contre sa voiture, tenant sa femme serrée contre lui. Il regardait par-dessus son épaule le groupe qui se congratulait. Christian regardait Jean-Pierre avec un sourire ironique comme si tout cela n’avait été qu’une bonne blague. Jenelle observait tout le monde en souriant gentiment. Elle pensait quand même que ce gentil idiot de Christian avait été le seul à tenter quelque chose.

Ils dînèrent joyeusement chez Temporel de mezzés et de brochettes de mouton. Anne dû raconter plusieurs fois leur histoire. Patricia qui subissait maintenant le contrecoup de ses émotions restait silencieuse. Pourtant, lorsque Bill et John commencèrent à échanger des plaisanteries sur l’officier syrien, elle réagit vivement :

-Taisez-vous ! Ce lieutenant est un type bien. Si nous étions tombés sur un autre officier, nous serions tous dans une prison à Homs, et Dieu sait ce qui nous serait arrivé avant, à Anne et à moi ! J’aurais aimé que tous les hommes que j’ai rencontrés dans ma vie soit aussi bien élevés, aussi galants que lui. Cet arabe, comme vous dites avec cet accent de supériorité, cet arabe a pris des risques pour nous protéger et nous laisser partir librement. J’espère du fond du cœur qu’il n’aura pas d’ennuis pour ça. Et si un jour, j’apprends qu’il a pu rejoindre son cousin, je jure que j’irai le voir à Hell’s Kitchen ! Je le jure ! Alors, vous deux, …

Elle ne put terminer sa phrase et fondit en larmes. Anne passa son bras autour des épaules de Patricia en lui parlant doucement à l’oreille. Les autres plongèrent leur nez dans leur assiette. Puis les conversations reprirent lentement. Ils parlèrent des souks d’Alep, du déjeuner de Hama, et d’autres choses anodines, mais la gêne s’était installée entre eux.

Jean-Pierre posa avec ostentation sa serviette sur la table.

-Bon ! dit-il en repoussant bruyamment sa chaise sur le sol carrelé, il va falloir rentrer. Avec les embouteillages, nous ne serons sûrement pas à Beyrouth avant minuit et le bureau ouvre à 7 heures demain matin.

Bill et John tentèrent de payer l’addition pour remercier les Français pour ce merveilleux voyage, mais Christian et Jean-Pierre refusèrent, prétextant qu’il restait suffisamment d’argent dans la cagnotte qu’ils avaient constituée en partant de Beyrouth. Il n’y avait pas de raison de changer le système.

Ils arrivèrent devant le Saint-Georges encore plus tard que prévu, car ils avaient dû s’arrêter à deux reprises pour laisser passer des convois militaires qui montaient vers le Nord. Ils se séparèrent sur de vagues promesses de restaurants, de plages et même d’autres week-ends touristiques, mais on voyait bien que personne n’y croyait vraiment.

Dans les mois qui suivirent, ils ne se revirent pratiquement pas. Patricia repartit pour Washington une semaine après leur aventure. Bill quitta Beyrouth presque aussitôt pour s’installer à Amman. Il voulait y rédiger tout un chapitre sur le site de Petra. Bien sûr, Jean-Pierre et Christian se voyaient tous les jours au bureau, mais la mission de Christian touchait à sa fin tandis que celle de Jean-Pierre devait durer encore au moins trois mois.

Jenelle et Christian se rencontrèrent un soir sur la terrasse d’un assureur italien qui donnait une grande fête pour l’anniversaire de sa femme libanaise.

Christian était appuyé sur la balustrade de la terrasse. Il agitait doucement un verre de vodka-lime pour en faire tinter les glaçons. Du haut du dix-huitième étage, il contemplait les lumières du port et des innombrables bateaux qui attendaient leur tour pour entrer dans la rade. La mer brillait sous la lune. Derrière lui, la montagne étincelait de tous ses petits villages disséminés dans l’obscurité. Un Boeing de la Syrian Arab Airlines, tous phares allumés, passait juste au-dessus de l’immeuble en direction de l’aéroport tout proche. Le bruit puissant des quatre réacteurs fit trembler les verres vides qui attendaient sur une table métallique, puis il s’atténua et disparut. Les sons lointains de la ville reprirent le dessus.

-Hello, « Christiane », mon joli Français ! Comment êtes-vous aujourd’hui ?

Jenelle avait l’air d’avoir un peu bu, mais pas trop, juste assez pour être gaie et entreprenante.

-Ah, Jenelle, comment vas-tu ? Alors, toujours à Beyrouth ? Qu’est-ce que tu deviens ? Viens, on va s’assoir par là…

La voir faisait vraiment plaisir à Christian et Jenelle s’en aperçut immédiatement. Ils passèrent la soirée puis la nuit ensemble.

Au matin, elle lui annonça qu’elle partait le lendemain pour Téhéran. Des amis lui avaient donné l’adresse d’une famille de médecins. Leur fille était l’une des secrétaires de la famille du Shah. Ils habitaient un immense appartement dans le quartier nord de la ville et ils possédaient une grande villa sur les bords de la Caspienne.

– La bonne société, quoi ! Ils m’invitent pour aussi longtemps que je veux.

-Eh bien, tant mieux pour toi, dit Christian, un peu amer.

-Oh, mon petit Christiane, tu vas pas faire la gueule à moi ?  Prends-moi pour déjeuner plutôt ! C’est comme ça on dit, non ?

-Non, c’est pas comme ça on dit, répondit Christian en riant. On dit : Emmène-moi plutôt déjeuner !

A SUIVRE…dimanche prochain : dernier chapitre 

Une réflexion sur « Incident de frontière – Chapitre 12 »

  1. Ah!

    Des officiers syriens… encore humains

    Le Shah

    La Caspienne

    Le caviar

    La vodka

    Bizance !

    Tirade à lire avec la voix et la gestuelle de Belmondo dans Pierrot le Fou!

    Les temps ont mal changé!

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