A torts partagés ? 

Critiquer l’Europe, la France, Zelensky pour ce qu’ils ont fait avant ou même pendant la guerre d’Ukraine n’a ni sens ni utilité. Pas de sens parce que jamais la France, ni l’Europe, ni l’OTAN n’ont menacé d’intervenir en Russie et que c’est la Russie asservie à Poutine qui dans sa mégalomanie a décidé d’envahir un pays souverain. Pas d’utilité, car les choses sont ce qu’elles sont à l’instant où nous sommes ; rien ne sert de ressasser ; ce qu’il faut, c’est étudier et décider des mesures à prendre sans considération du passé ni de la part de responsabilité éventuelle des agressés. 

Pas de sens, pas d’utilité. C’est pourtant ce que font tous les jours les soutiens, les sympathisants de Poutine, et donc de Trump, puisque désormais c’est la même chose.  

Dans son interview sur Valeurs Actuelles, François Fillon approuve J.D. Vance et désapprouve V. Zelensky, reprend l’antienne selon laquelle Poutine a été poussé à la guerre par les Occidentaux. Cette analyse de F.Fillon pourrait être objective, mais il faut quand même tenir compte des liens qui l’unissent à la Russie, surtout depuis qu’il n’est plus en politique. En particulier il est devenu administrateur chez Sibur, géant russe de la pétrochimie. Il en avait le droit, mais je trouve que c’est regrettable, regrettable qu’un ancien premier ministre soit autorisé à recevoir de l’argent d’un ennemi potentiel (plus que potentiel, on l’a vu depuis), et regrettable que F.Fillon l’ait fait. (Reconnaissons quand même qu’il en a démissionné le 25 février 2022, sous la pression et avec regret, mais il a démissionné). 

Quel est le but des soutiens de Poutine et maintenant de Trump quand ils tiennent ce langage qui met en avant les prétendus torts de l’OTAN, de l’Europe, de l’Ukraine et de leurs dirigeants dans le déclenchement de la guerre, si ce n’est la justification de leur désir de voir l’Ukraine céder à tout ou partie des exigences russes (d’ailleurs non définies ni délimitées) ?
Arrêtons nous un instant pour prendre un exemple : il y a du bruit chez votre voisin de palier, vous entrez chez lui en forçant la porte, vous tuez le chien et deux ou trois personnes, vous mettez le feu à la cuisine, vous cassez une partie du mobilier et vous refusez de quitter les lieux tant que l’on ne vous aura pas donné le poste de télévision et les bijoux de famille. Dans un telle situation, en conformité avec leur mode de raisonnement qu’ils appliquent à la guerre d’Ukraine, Trump, Vance, Fillon, Ferry et d’autres que je connais mieux et plus intimement diraient  « C’est justice, le voisin n’avait qu’a pas faire de bruit et lui donner avant cette télévision qu’il réclamait depuis si longtemps.  Et puis de toute façon , comme le voisin  est le plus faible, il n’a qu’à s’exécuter ! »

Selon eux, c’est donc la loi du plus fort qui prévaut, surtout quand le plus faible ose gêner le plus fort.  Belle leçon de morale ! Belle leçon de droit pour des gens qui, à part Trump, ont dû faire quelques études !

La paix entre les hommes et entre les pays est fondée sur la notion de droit. Je ne suis pas naïf,  en tout cas beaucoup moins qu’avant le 21 février 2022, et je sais que ni Poutine ni Trump n’ont de respect pour le droit (ni pour grand chose d’autre d’ailleurs) et que de ce fait mes diatribes ne sauraient les atteindre (peut-être aussi du fait que mon audience est, pour le moment, restreinte). Mais si je passe tant de temps à réagir, à m’énerver, à me désoler sur l’Ukraine et la nouvelle alliance du mafieux orange et du dictateur viril, c’est, je l’ai déjà dit il y a quelques jours, parce que je me désole de voir des anciens hauts responsables politiques de chez nous, des anciens philosophes de droite (de moins en moins philosophes mais de plus en plus de droite), des connaissances, des relations et même jusqu’à des amis refuser de considérer que l’Ukraine a été envahie par une armée de sauvages commandée par des barbares et inspirée par des brutes, que cette armée a bombardé, tué, violé, torturé des européens, étudiants, notaires, dentistes, chauffeurs d’autobus, chanteurs, ingénieurs, médecins, charcutiers, ouvriers, fonctionnaires, comédiens, mécaniciens, professeurs — vous mettrez bien tout ça au féminin tout seul, non ? — des gens comme vous et moi, des gens qui avaient une maison, un métier, une famille, des amis, un chien, des gens qui payaient des impôts, un crédit, un abonnement à Canal +, qui jouaient au foot le dimanche, qui avaient peur de la maladie, et qui aimaient les pizzas, Mozart et les Beatles…

Dans des cas comme celui-là, où la frontière du mal est aussi clairement tracée, on ne finasse pas. On choisit son camp, clairement. Il ne s’agit pas de se battre, bien sûr, par pour nous, pas encore. Mais de soutenir ou de se taire avec décence. 

3 réflexions sur « A torts partagés ?  »

  1. Bravo, M.Malhuret, beau discours, digne et clairvoyant.
    Maintenant c’est à l’Europe de jouer et à nous en particulier.
    Si les socialistes veulent bien quitter définitivement le NFP, s’ils veulent bien aussi nous foutre la paix avec des idées sur les retraites auxquelles ils ne croient pas eux-mêmes, si nous parvenons à réduire le poids du R.N., si nous parvenons à faire changer de chanson les supporters de Trump et les admirateurs de Poutine, nous aurons peut-être assez de soutiens politiques et d’argent pour construire une force militaire propre à empêcher la Russie de partir à la conquête de l’ouest.

  2. Depuis le 5 novembre dernier et surtout depuis le 20 janvier nous (ma femme et moi) sommes en état de sidération et même de dépression tant les nouvelles donnes de la situation mondiale créées par Trump et ses sbires est incompréhensible et inquiétante. Et pourtant, tout n’est pas joué définitivement. Je vois beaucoup des raisons d’espérer un futur réconfortant. On verra!
    Beaucoup mieux que je ne saurai le dire, le sénateur français Claude Malhuret a fait cette semaine une intervention au Sénat absolument remarquable. Je conseille à tous d’aller la voir sur YouTube. Elle a été reprise sur les télés et journaux du monde démocratique.

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