LES DISPARUS DE LA RUE DE RENNES (Extrait)

CHAPITRE 1 – Une mécanique bien huilée

Où l’on constatera qu’à l’instar du temps judiciaire, le temps municipal n’est pas celui de tout le monde et qu’en réalité, il y a moins d’urgence que de gens pressés.

C’est le 27 juin 2022 à 11 h 45, alors qu’il procédait à une opération de contrôle de routine, que Roger Ratinet[1], technicien de la Mairie de Paris préposé à la vérification de la conformité des plaques de rue à la parité homme/femme, découvrit que les quarante premiers numéros de la rue de Rennes avaient disparu. Choqué, il rentra chez lui et prit le reste de la journée pour se remettre.

Le lendemain, de retour à son bureau, il entreprit de rédiger le rapport d’anomalie circonstancié que méritait un tel événement. Quel ne fut pas son embarras quand il constata qu’il n’existait aucun formulaire adapté à ce qu’il avait à rapporter. Il y avait bien le formulaire spécial pour signaler la destruction d’un abribus ou d’une fontaine Wallace, ou celui adapté au vol d’une borne d’incendie ou de toilettes publiques, ou encore celui qu’on utilisait couramment pour signaler l’évaporation dans la nature d’un agent de la voirie avec tout son équipement, mais il n’y avait rien, absolument rien pour signaler la disparition d’un immeuble, d’un monument ou de quoi que ce soit d’approchant. Alors, vous pensez, toute une portion de rue, et commerçante qui plus est ! Choqué, il rentra chez lui et prit le reste de la journée pour réfléchir.

Le lendemain, de retour à son bureau, il reprit le cours de ses pensées et une idée lui vint. Content, il rentra aussitôt chez lui pour demander son avis à son épouse. Avec ce bon sens que les hommes envient à ce sexe qui leur est à la fois égal et opposé, Yvonne Ratinet lui conseilla d’en parler à son supérieur, mais « pas tout de suite », parce qu’ils partaient en vacances à Montalivet-les-Bains la semaine prochaine, et « qu’avec ce con de Cottard [2], on ne pouvait jamais savoir et qu’il pourrait bien te retenir au bureau indéfiniment, des fois que la Reine-Maire[3] voudrait entendre l’histoire de la bouche du cheval.[4] »

C’est donc le 8 septembre qu’à peine rentré de sa villa AndRog, il demanda un entretien toutes affaires cessantes à ce con de Cottard. Mais celui-ci était parti en séminaire de formation au dépistage du sexisme. Il ne put donc recevoir son subordonné qu’au tout début du mois d’octobre et, plus précisément, le 9.

À partir de cet instant, l’Administration se mit en marche comme une mécanique bien huilée. Cottard exigea tout d’abord ( ••• )

1-Roger Ratinet. Né le 12/12/1961 à Argenteuil. Cousin au premier degré – il n’y a jamais de second degré chez les Ratinet – d’André Ratinet, héros mythique de l’épopée asiatique « Bonjour, Philippines ! » Copropriétaire avec son cousin André d’une maison à Montalivet-les-Bains qu’ils ont baptisée AndRog d’après leurs deux prénoms, il a droit à 182 jours de jouissance par an. Actuellement employé à la Mairie de Paris, il procède depuis trois ans au recensement des plaques des rues de Paris pour les répertorier en plaques masculines, plaques féminines et plaques neutres. 

2-Bernard Cottard. Né le 1/01/1958 à Colomb-Béchar. Adjoint au Chef du Service de la Voirie, membre du Comité Permanent de Surveillance des Éléments de Langage, bouliste. Aucune relation de parenté avec le Docteur Cottard, Membre de l’Académie de Médecine, médecin de Madame Verdurin et du Duc de Guermantes, ni avec Kevin Cottard, cariste-manutentionnaire.

3-La Reine-Maire : Surnom familier affectueusement donné à Madame la Maire de Paris par ses employés.

4-De la bouche du cheval : expression populaire qui ne signifie plus grand-chose aujourd’hui.

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Les disparus de la rue de Rennes
C’est la panique à la Mairie de Paris : alors qu’il procédait à un contrôle de routine, Roger Ratinet, agent municipal affecté à la vérification de la conformité des plaques de rue à la parité homme/femme a découvert que toute une section de la rue de Rennes avait disparu. Eh oui ! Disparu ! Comme ça, en plein Paris, sans qu’on puisse savoir ni quand, ni pourquoi, ni comment. Trois cents mètres de rue, une quarantaine d’immeubles ! Rien que ça ! Introuvables ! Ça fait désordre, non ? Bien sûr, il a fallu en informer Madame Hidalgo. « Comment ! Comment ! a explosé la Maire en furie. Plus de trois cents mètres de rue disparaissent en plein milieu de Saint Germain des Prés et personne n’est fichu de me dire où ils sont passés ! »
L’affaire est encore secrète, mais le scandale couve et, bientôt, la presse s’en mêle, et aussi Cottard, le chef de bureau jaloux de Roger Ratinet, et puis Yvonne, l’épouse de Roger Ratinet. Comme d’habitude, le Dir.Cab de la Maire, Hubert Lubherlu est dépassé.
Heureusement, Anne Hidalgo est solide ; en matière de scandale, elle en a vu d’autres. Mais survivra-t-elle à celui-ci ? Rien n’est moins sûr.

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