Go West ! (24)

(…) Nous, nous avions quitté cet âge du flirt où ces gentilles filles de l’Ouest se trouvaient encore, et quand nous étions entre nous, nous nous flattions d’en demander et d’en obtenir davantage. Mais là, dans ce canyon sauvage, dans cette nature splendide, avec ces jeunes filles sans complexe mais prudentes et maitresses d’elles-mêmes, tacitement, nous avions convenu entre nous des limites à ne pas franchir. Volontairement, pour quelques jours et d’un commun accord, nous étions redevenus des adolescents. Pour quelques jours, je vivrais une adolescence que je n’avais pas connue.
Mais finalement, pour moi, ça ne s’est pas passé tout à fait comme ça… enfin… pas tout le temps. Et j’ai découvert qu’elles n’étaient pas si gentilles que ça, ces filles de l’Ouest.

Tavia avait dix-sept ans. Elle en paraissait vingt. Grande, brune, élancée, silencieuse, elle ne faisait pas partie de la bande habituelle des filles qui nous entouraient et qui, je l’ai compris plus tard, la considéraient comme peu fréquentable. Nous nous nous étions rencontrés au cours d’une partie de bowling. Elle s’entrainait avec l’équipe de son lycée sur la piste voisine de celle où nous étions en train de jouer. Nos deux groupes avaient fini par se mélanger et l’après-midi s’était poursuivi au Museum Club voisin. C’était une sorte de bar-dancing installé dans un grand chalet en troncs d’arbre en bordure de la Route 66. Le soir, le Museum Club était surtout fréquenté par les cow-boys de la région. Ils venaient y boire de la bière, écouter un groupe de country et danser sur sa musique avec leurs petites amies. L’après-midi, le bar ne servait pas d’alcool, il n’y avait pas d’orchestre, juste un juke-box dans lequel les jeunes du coin venaient introduire des nickels et des dimes pour danser sur Paul Anka et Ricky Nelson. Quand les premiers cow-boys arrivaient, le patron débranchait le juke-box, les garçons et les filles terminaient leur coca et rentraient chez eux. Pour ma part, j’avais terminé l’après-midi avec Tavia sur un I can’t stop loving you langoureux par un Ray Charles assagi avec orchestre symphonique et tout et tout. Sur le parking, un rendez-vous général avait été convenu pour le lendemain : ce serait encore une fois un pique-nique à Oak Creek Canyon. Tavia déclara qu’elle y participerait.

Le lendemain vers midi, tout le monde se retrouvait au point de rendez-vous. Comme pour les fois précédentes, il y avait deux grosses voitures mais, en plus, un petit cabriolet Nash de couleur marron et blanc. C’était celui de Tavia. Il n’avait que deux places. Très naturellement, je montai dans la décapotable. L’après-midi se passa normalement. On commença avec les cuisses de poulet, les bières et les marshmallows habituels et on continua avec les sauts dans le torrent du haut des rochers, les baignades, les caresses et les frôlements d’usage.

Vers la fin de l’après-midi, il devint évident que Tavia en voulait davantage.
Profitant d’un moment où tout le monde était occupé à une sorte de water-polo propice au contact des corps, elle me prit par la main et m’entraina vers l’amont le long du torrent. Elle avançait sans hésitation, quittant la rive par endroits pour y revenir un peu plus haut. Visiblement, elle savait où elle allait. Les rires et les cris du match de water-polo avaient disparu. On n’entendait plus que le léger bruit de l’eau et celui des cailloux que nous faisions parfois rouler sous nos pas. C’est après une facile escalade d’un dernier rocher que je compris que nous étions arrivés. Nous avions atteint un plateau. L’Oak creek y dévalait d’un rapide que l’on entendait sans le voir, s’évasait sur un large rocher puis formait un petit lac dont l’eau calme et sombre s’écoulait lentement, sans remous. Sur notre rive, le torrent avait laissé dans sa boucle une plage de sable grossier entourée de rochers plats et de pins de petite taille. Sur la rive d’en face, une falaise rouge, lisse et concave guidait le courant vers le prochain rapide. Inondé de lumière sous un ciel bleu vif, le spectacle était époustouflant.

Tavia s’était arrêtée, les bras ballants. Elle contemplait l’endroit. Au bout de quelques secondes, elle se retourna vers moi pour quêter ma réaction. « C’est magnifique, lui-dis-je ». Satisfaite, elle me sourit puis marcha jusqu’à la plage où elle commença à ôter ses vêtements. Elle dansait d’un pied sur l’autre pour enlever son maillot de bain quand, sans me regarder, elle me dit « On va se baigner… nus… d’accord ? ». Je pensai « Ouaouh ! » mais je dis seulement :
« Tu es sure ?
— Personne ne peux nous voir. Elles ne connaissent pas cet endroit… trop froussardes ! Viens… »

Cette fille nue que je connaissais à peine et qui me disait « Viens !», ça me rappelait quelque chose qui n’avait pas manqué de mal tourner il n’y avait pas si longtemps. Mais cette fois-ci, nous n’étions pas dans une chambre sordide, il faisait beau, la fille était belle, l’endroit était superbe, le moment était unique. Pourtant, de derrière ma nuque, une voix me soufflait « Fais gaffe, mon vieux. Tavia est surement mineure. Dans de pays, coucher avec une mineure, c’est grave ! » Mais l’instant d’après, du même endroit et de la même voix, me venait la parade : « D’accord, elle est mineure, mais toi aussi, tu l’es ! Alors, ce n’est pas grave… » Plutôt fallatieuse, la parade. Mais bon…

Quelques minutes plus tard, nous étions tous les deux dans l’eau à nous faire la course à la nage et bien d’autres choses encore. Mais l’eau profonde du petit lac était vraiment froide et comme il y avait encore un peu de soleil sur la plage, la chaleur du sable et des rochers nous appelait. En sortant de l’eau, Tavia poussa un cri. Ses vêtements avaient disparu ! Si les miens que j’avais jetés en hâte au pied d’un pin étaient encore là, ceux de Tavia avaient disparus ! Je me souvenais parfaitement que, pendant que je me déshabillais, elle avait soigneusement plié et empilé ses affaires sur un rocher avec son sac de plage et ses chaussures par-dessus le tout. Ça m’avait étonné et même un peu agacé qu’une fille puisse penser à des trucs aussi peu romantiques que ranger ses affaires, juste avant de… enfin, en de telles circonstances.

A SUIVRE 

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