Un souper aveugle

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C’est R. qui parla la première. Elle n’avait guère de mérite car elle en avait déjà fait un livre, un livre sur son père qui avait déclenché la fureur de sa mère et de sa sœur avec lesquelles elle était désormais fâchée. Cependant les larmes lui vinrent et l’on sentit bien que ce n’était pas une affaire résolue. Elle nous demanda alors de parler à notre tour de la plus grande souffrance de notre vie comme si cela aurait pu l’apaiser. Et nous avions accepté.

A.avait fait ce reproche à sa mère entrant dans sa chambre d’hôpital où elle venait d’être opérée d’un cancer du sein : « C’est pour que tu t’occupes de moi ».

Je racontai la cravate qu’enfant j’avais offerte à mon papa le jour de la Fête des Pères et qu’il avait refusée.

Y. nous apprit que son nom de famille venait des femmes (ce qui semblait lui déplaire, je me demande bien pourquoi) et qu’il avait abandonné sa fille et sa femme exactement comme son père l’avait abandonné.

M. avait lui aussi quitté sa femme et ses deux garçons de douze et quinze ans parce qu’elle lui reprochait tous les jours de ne pas retrouver de travail.

D. reconnut l’échec complet de sa vie affective. Non seulement elle avait divorcée après sept ans de mariage mais elle avait poussé sa fille vers son père, croyant bien faire pour lui éviter ce qu’elle avait vécu à la séparation de ses propres parents. Mauvais calcul : sa fille unique était devenue aujourd’hui une étrangère pour elle.

Ce soir-là, nous étions six autour de la table où, à part l’hôte, nous ne connaissions pas les autres invités. Seuls encore en couple après quarante ans de mariage, Anne et moi avions l’impression d’être des animaux préhistoriques.

Avez-vous remarqué comme moi que tous ces drames venaient des relations entre parents et enfants, tous ?

Lorenzo

4 réflexions sur « Un souper aveugle »

  1. La surface est beaucoup moins stable que les apparences, pensons y bien, la surface de l’eau en haut d’un barrage qui cède créé des dérives et des écarts énormes entraînant tout ce qui s’y trouve à d’imprévisible déboire. La seule violence que le contenue entraîne dans sont contenant déforme la capacité à l’observer et comme l’exprime Rodrigo Tortilla se laissé entraîner dans ce vortex aura rendue irrévocable la destruction et la perte qu’elle tente d’arranger par une déstructuration faussement réparatrice parce que sans appuis stable.

    Mais oui tout les problèmes sociaux sont au départ des problèmes familiaux qui n’ont pas trouvé leur solution dans les échanges avec les autres. Savoir détecté ces tourbillons intérieurs et s’interroger de leur déclencheur est au fond s’aviser des dérives qui parsèment les fracas inévitables auquel nous nous retrouvons lorsque décontenancé.

  2. Le seul intérêt de publier ce texte microscopique au propre comme au figuré est de montrer le gouffre qui sépare un véritable écrivain d’un scribouillard dépourvu d’inspiration.
    PS : Je ne t’ai jamais reproché de m’avoir chipé l’idée, je te reproche de ne pas m’avoir reversé les 10% réglementaires.

  3. Rien là qu’une bonne paire de baffes ne puisse arranger.

  4. Je dois avouer que c’est cette triste soirée que Lorenzo m’avait racontée qui m’a donné l’idée de ce Blind dinner où les invités sont censés ne pas se connaître. Mais ce n’est pas une raison pour qu’ils se foutent sur la gueule.

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