Rendez-vous à cinq heures avec les jeunes filles en fleurs jaunes

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A L’OMBRE DES JEUNES FILLES EN FLEURS JAUNES
par Lorenzo

Le 2 décembre dernier, à l’occasion de la publication des « Fleurs jaunes », Lorenzo avait produit un joli pastiche de Marcel Proust. Visible seulement dans les commentaires, ce texte n’a peut-être pas recueilli toute l’attention qu’il méritait. Pour que tout le monde puisse en profiter, le voici donc à nouveau dans cette page de 16h47

Ce matin-là, comme tous les matins de l’année depuis plus de cinquante ans, je terminais mon petit déjeuner préparé avec une invariable méticulosité par ma gouvernante et composé d’un grand bol de café noir avec seulement un sucre et demi mais jamais deux afin d’endiguer une fâcheuse tendance à l’embonpoint fort compréhensible néanmoins à mon âge, d’un grand verre d’eau glacée sensé favoriser un transit intestinal devenu indolent avec les années, et de mes trois petites madeleine dont je ne répéterai pas à des férus de littérature comme vous les origines profondes enfouies dans ma petite enfance et dans la maison rurale de ma grand-mère beauceronne, ni les sensations indéfinissables qu’elles me procuraient depuis cette époque innocente et délicieuse elle aussi.
Au moment où je reculais de quelques centimètres le fauteuil dans lequel je venais de passer ce moment certes physiologique mais aussi bien confortable dont les vertus, avant que ne débute une nouvelle journée pleine des petites obligations dérisoires peuplant le quotidien désertique d’un jeune retraité, n’étaient plus à démontrer, ma vieille servante m’apporta comme d’habitude sur un plateau d’argent légué par une lointaine tante aux cheveux d’un blanc immaculé le journal que je parcourais avec une lenteur à peine contrariée par le halo doré d’un soleil inattendu dont les rayons dépourvus de chaleur en cette matinée de décembre envahissaient petit à petit ma salle à manger douillette et me laissaient envisager l’hypothétique plaisir d’une promenade au Jardin du Luxembourg dont j’apercevais sous mes fenêtres les vagues décharnées formées par les cimes ondoyantes de ses arbres en hibernation.
A la rubrique des faits divers que je lisais attentivement, surtout en cette saison glacée, je découvris un événement survenu au bas de mon immeuble dans la matinée de la veille qui ne manqua pas d’attirer mon attention pourtant préoccupée à ce moment-là par une digestion que les petites madeleines peut-être trop grasses pour mes villosités intestinales chancelantes avaient rendue quelque peu problématique et m’occasionnaient une sensation désagréable sans être douloureuse au niveau de mon ventre distendu par une fermentation malvenue. Un homme au physique scandinave, aux cheveux certes rares mais bien alignés sur un crâne qui avait à coup sûr contenu des idées et des pensées au dessus de la moyenne régionale, vêtu d’une redingote rouge, de chausses blanches couvrant des bottines en cuir beige clair, d‘un chapeau melon vert pâle, de gants de couleur indéfinissable, avançait à pas mesurés sur le trottoir de la rue de Vaugirard, celui qui est très étroit et toujours à l’ombre, d’une démarche inhabituelle même pour son âge plus que mûr : en effet, il progressait de travers avec la lenteur des crabes maladroits qui envahissaient à marée basse l’immensité des sables mouillés de la plage de Balbec, le visage en permanence baissé comme si la crainte d’un déséquilibre préjudiciable l’obligeait à s’assurer de la place respective de chacun de ses pieds sur le sol, fuyant le regard pourtant indifférent des autres passants venant en sens inverse et tenant dans sa main droite les tiges régulièrement sectionnées d’un bouquet dont la couleur des pétales s’accordait il est vrai avec un certain bonheur à sa tenue que l’on aurait pu juger à une autre époque excentrique : il s’agissait de fleurs aux pétales jaunes comme on n’en voyait plus depuis que les gaz toxiques de nos ennemis ancestraux avaient ravagé les vastes champs du nord de la France où elles avaient coutume d’éclore avant de finir leur existence éphémère dans les pots traditionnels de nos aïeux comme il y en avait tant jadis à Combray.

 

Une réflexion sur « Rendez-vous à cinq heures avec les jeunes filles en fleurs jaunes »

  1. Ah tu fais bien de re tirer : pas vu ce pastiche fort drôle et troussé semble t il à toute allure
    C’est un concours de style entre vous deux?

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