Aventure en Afrique (24)

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Les géomètres de la SOGETEC

Un matin Michel de Verdière m’indiqua que deux géomètres de la SOGETEC, finissaient un relevé de plusieurs centaines d’hectares dans la région de Tillabéry. Ils allaient remettre le premier jet de leurs documents et il faudrait contrôler sa précision pour valider leur travail.

Je trouvais deux hommes sympathiques d’environ 40 et 50 ans, vieux briscards de la topographie en Afrique. Jeunes géomètres, je devais contrôler leur travail ! J’ai eu grand plaisir de les rencontrer. Ils étaient volontaires pour s’expatrier ensemble trois mois par an. Ils ne consommaient aucune denrée produite dans le pays, ne buvaient que de l’eau minérale venue de France : ils ne pouvaient pas se payer une “tourista” pendant leur séjour, m’avaient t-ils dit. Ils travaillaient avec sept porte-mires. J’avais mis au point une méthode de contrôle, inspirée de celle du cadastre, que j’avais fait valider par la direction technique. J’avais établi une grande base de plus de 2 km reliant deux bornes en prenant des points tous les 25 m. J’avais ensuite superposé mon relevé au leur et comparé les écarts. Leur travail avait été validé.En fin de séjour ils se réservaient une semaine dite “culturelle et touristique”. Dans ce cadre-là ils nous avaient invités Chantal et moi, un soir, au Grand Hôtel de Niamey dont la terrasse donnant sur le fleuve. Ils avaient des tas de choses à raconter. Quelques années antérieures, ils préparaient au sol une mission photogrammétrie réalisée par l’Institut Géographique National (IGN). L’IGN était arrivé avec son avion et cinq personnes : pilote, copilote, mécanicien, et deux techniciens pour les prises de vue. La mission avait débuté, le temps était favorable. L’équipe logeait au Grand Hôtel. Un matin, elle avait rejoint l’appareil à l’aéroport de Niamey, chacun à son poste. Les techniciens ont alors découvert avec stupéfaction que pendant la nuit la chambre de prise de vue installée dans l’avion avait disparue. Désemparé, ils avaient appelé le siège à Saint-Mandé pour attendre les ordres : impossible de poursuivre le travail sans cette pièce.
Ils rejoignirent l’hôtel profitant de la piscine, des cours de tennis et de tout le confort. L’un d’entre eux plus curieux avait décidé de partir visiter Niamey et notamment son Grand Marché là où je m’étais procuré mon matériel avant de partir en mission dans l’Ader Douchi Maggia. On y trouvait : la viande crue ou cuite, les légumes, les épices, les tissus et les vêtements, le mobilier, le bois, la quincaillerie, les pièces détachées. Chaque produit apportait aussi ses odeurs. On comptait aussi l’arracheur de dents, avec ses pinces, son panier publicitaire contenant des milliers de dents couvertes de mouches. Il était accompagné d’un aide : un joueur de tamtam chargé de couvrir les cris des patients lors de l’opération  à vif !

Notre homme, dans ses déambulations dans les allées du marché, s’était arrêté devant un étal de pièces détachées, beaucoup de pièces de voiture, de 2CV en particulier, de 404, de Land Rover (Toyota n’avait pas encore envahi l’Afrique !). Au milieu de tout ce bric-à-brac, il aperçoit un objet qu’il connaissait et qu’il ne pensait pas trouver là. Il questionne le vendeur : « c’est une pièce de voiture cette chose-là ? ». Il lui répond : « non patron on m’a donné à vendre », « combien tu en veux ? ». La somme est importante. Le technicien fouille dans son portefeuille, il n’a que quelques milliers de francs CFA (son argent de poche pour tout son déplacement). À la vue des billets le vendeur : « combien tu as ?… c’est bon c’est à toi ». Il ne marchande même pas car il venait d’acheter la chambre photographique substituée sur l’appareil de mission ! Il prend la chambre, hèle un passant pour l’aider à la transporter jusqu’à un taxi puis fit une entrée triomphante au Grand Hôtel. Ce soir-là : Champagne à la terrasse. Les deux géomètres de la SOGETEC avaient été invités.

Avant de prendre congé de nos hôtes, l’un nous a dit partir le lendemain sur Paris, avec tous les documents du relevé. L’autre nous a précisé qu’il ne rentrerait que le surlendemain avec une copie de toutes les pièces, également sur Paris. On ne sait jamais ! On ne prend pas de risque à la SOGETEC…

Une réflexion sur « Aventure en Afrique (24) »

  1. Je n’ai pas tout compris de la photgrammetrie, mais peu importe: la visite au marché est le clou de ce passage : et corrobore ce que j’ai commenté l’autre jour : tiens une idée géniale : arracher les dents au son du tam tam à tous les contempteurs du progrès , et autres défenseurs du stress des scarabées, des mouches ….

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