AVENTURE EN AFRIQUE (21)

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Un jour, en fin de soirée, Mamoudou était en avance pour venir nous chercher. Il était tout excité et me dit : « patron les Peuls viennent de me dire qu’à Kaoiara il y avait un charo ce soir et que nous pouvions y aller ». Je demandais ce qu’était un charo : « tu verras » ! Je demandais aux autres, ils ne connaissaient pas. Après l’aventure des zébus, je commençais tout de même à me méfier avec les Peuls mais « Bon, allé !, ce n’est pas trop loin, allons-y ».

Nous nous garons à l’extérieur du village. Nous sommes les seuls avec un véhicule. Nous nous rendons à pied sur la place principale du village. Là beaucoup de monde.

Je suis le seul “nassara”. Je me faufile pour être au premier rang suivi de mes gars. Au sol une limite à ne pas franchir a été matérialisée au sol. Un homme avec une badine fait respecter cette limite.

À l’intérieur de celle-ci un orchestre composé de trois grillots joue de la flûte pour animer les lieux. Puis un cri guttural signe qu’il est en trance, un homme avec son bâton dans le dos rentre en scène.
Je m’aperçois que mes gars m’ont abandonné, pour aller draguer des jeunes filles Haoussas !

Les spectateurs ne semblaient pas surpris de notre présence. Nous devions être connus de la population car quelques temps auparavant nous avions relevé la retenue au nord de ce village. Je sors alors discrètement mon appareil photo. À côté de moi il n’y a que des Peuls mais pas de femmes. Seules les jeunes filles peuvent assister au Charo.

Le charo est un duel, un combat entre deux jeunes hommes. L’un doit prouver à l’autre qu’il est le plus fort, le plus résistant. Les deux hommes se placent au milieu du périmètre matérialisé au sol. L’un est armé de son bâton de berger, le batteur, l’autre le battu, fardé, habillé de couleurs vives, assisté d’un compagnon portant un sabre à la ceinture. Le battu a sa poitrine enserrée dans du cuir. Il lève le bras droit, son aisselle a été enduite d’une crème noirâtre faite à base de noyaux de dates. L’orchestre s’est approché des trois hommes et joue. Celui avec le bâton, le batteur, doit venir frapper sur le muscle sur aisselle (grand dorsal). Le battu tient son sabre à l’horizontale de sa main gauche. Le batteur se cale bien au sol et teste à trois reprises en touchant légèrement son adversaire qui sourit, pour vérifier s’il est à la bonne portée et que le coup ai le maximum d’efficacité. L’orchestre s’arrête, le silence se fait dans le public. Plus un bruit. Le coup part, un bruit mat retentit, l’orchestre redémarre. Le peul, le battu sourit.

On lui remet un grigri métallique qu’il envoie au-dessus des spectateurs, pour prouver qu’il n’a rien de cassé. Il s’approche de son adversaire : « je n’ai rien senti, tu n’es pas un homme, donne-moi encore un coup ». Il reçoit un deuxième coup. Il arrive alors que la chaire s’ouvre. Je n’ai pas vu de troisième coup. Le copain passe dans le public, avec le battu, tenant une petite coupelle sous le menton de l’autre, réceptionnant les pièces de monnaie collée avec de la salive sur le front du héros. Nous avons assisté à plusieurs combats avec le même rituel. On m’a expliqué que quelques jours après les rôles étaient inversés.

À cette époque le charo était formellement interdit car trop dangereux, d’où la très grande discrétion sur le lieu de sa tenue. L’année précédente, à Kaouara, le battu a légèrement bougé au moment du coup et le batteur l’a frappé sur le ventre. Il est sorti de la place avec le sourire. Il a été retrouvé mort en brousse à proximité du village.

Je n’ai jamais rencontré quelqu’un ayant assisté à un charo. Je n’ai découvert mes photos qu’à mon arrivée en France et les aient transmises à mon entourage. Sur Internet pas grand-chose sur le charo.

 

2 réflexions sur « AVENTURE EN AFRIQUE (21) »

  1. Il semble qu’il soit aussi difficile d’être humain que d’être soi. Dans ces représentations qui semble être une représentation naturel de l’exploie qu’est l’endurance ou la volonté de pouvoir choisir notre position en vertu des circonstances, dans la confience que l’on a en soi, mais indépendante des erreurs possibles, a des rattés. Peut-on s’étonner que cet évènement de recette chez Tik Tok existe? L’humain évolue quand ses possibilités s’accentuent et que les représentations de ses expériences se traduisent dans son esprit. Là ou cela peut échapper dans le Charo, c’est à dire dans l’expérimentation physique, peut aussi échapper dans l’expérimentation informative de Tik Tok chez les jeunes.

    J’imagine difficilement que le public assistant au Charo retourne gentiment à leurs occupations après la représentation. Il doit y avoir des échanges entre eux, et des réflexions, de même avec internet on ne va pas faire ses recherches pour ensuite retourner à nos occupations. Je pense que ce devrais être ainsi du moins, mais cela dépend de notre capacité de syntèse des informations et d’échange avec notre confiance en nous-même. Les platistes on un exemple troublant de cela. Avec une information partiel on ne sait pas ce que l’on communique. J’ammènerais pour conclure que, information, est une mise en forme, et communication, est une transmission. Il faut donc un récepteur qui recoit au bon endroit l’information pour que le sens prenne forme.

  2. Le Charo : le récit de cette cérémonie ou de ce sport de combat des peuls est impressionnant par l’intensité que lui donne, bien sûr, la violence de l’action décrite mais aussi la sobriété (coutumière) du ton employé. Bien qu’interdit, il semble que le charo soit toujours pratiqué.

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