AVENTURE EN AFRIQUE (20)

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Le lendemain soir après cette aventure, remis de nos émotions, nous nous sommes arrêtés à un puits où des animaux s’abreuvaient. Pas un cri, pas un beuglement. À chacun des deux puits, deux hommes remontaient de l’eau, avec un saut en cuir, qu’ils déversaient dans une grande outre de cuir dans laquelle venaient boire trois vaches et un veau. Au bout de quelques dizaines de secondes, au même moment, les bestiaux relevaient la tête et venait se placer un peu plus loin auprès de ceux qui avaient déjà bus. Et ils étaient remplacés par trois autres. Nous n’avions entendu aucun ordre, aucun sifflement de la part des hommes pour organiser cette rotation… nous étions subjugués par ce balai, peut-être les hommes avaient-ils émis des ultra-sons ? Le silence et la discipline étaient impressionnants. Ici pas de cris, pas de barbelés, pas de berger électrique, ni de chien. Mamadou fils de germa et d’une peule servait d’interprète.

Il m’est arrivé de croiser un berger Peul gardant son troupeau. Il est debout sur la jambe droite, la gauche repliée, la plante du pied gauche contre le genou droit, son bâton posé sur les deux épaules les bras pardessus, la tête légèrement inclinée coiffée du célèbre chapeau. De loin on dirait un héron en train de pêcher. On nous avait raconté qu’ainsi : il dormait ! L’homme Peul est longiligne, aux membres frêles et aux doigts effilés. Peu vêtu, toujours avec son bâton de bois spécial, léger et résistant qui lui servait à mille usages. Il ne se déplace jamais sans sa petite calebasse qui lui servait à emporter de l’eau. L’élevage pour lui n’était pas un métier mais un mode de vie.

Peu à peu nous relevions les retenues de Guidanmagagi, Kaouara-Nord, Galmi-Mouléla, Toufafi. Dans les périmètres, en aval, était cultivé principalement le sorgho, base de l’alimentation, le blé, le coton. L’oignon était aussi très présent, en particulier le violet de Galmi qui est exporté pour sa qualité culinaire et aussi celui de Soumaraha ; pour la région la production en 2000 était encore de 360000 tonnes. Autour des périmètres des retenues, les paysans pratiquaient comme culture de décrue, le tabac.

Pour réaliser nos relevés nous travaillions sept jours sur sept en plein soleil. Pendant que le reste de la population était à l’ombre et même les mouches ! Le chèche était alors très utile, en plus d’abriter du soleil et de la poussière, il avait une autre fonction. Recouvrant la bouche et le nez, à chaque expiration, l’humidité contenue dans l’air respiré restait fixé au voile et à chaque inspiration l’air très sec se chargeait d’un peu d’humilité ce qui permettait de limiter les brulures aux poumons (Taux hydrométrique 16%).

À la fin de chaque relevé de retenue, j’offrais à mes gars une demi-journée à Malbaza, la ville la plus proche. Lors d’une halte sur la route de Malbaza j’avais fait une découverte incroyable. J’avais ramassé des fossiles de palourdes et d’oursins : la mer était là il y a quelques millions d’années. Lorsque nous étions à Malbaza, en reconnaissance du travail qu’ils avaient fournis, je proposais à mes gars de la bière Nigérienne (Braniger) jusqu’à plus soif ! Je profitais aussi de ce moment de repos pour faire quelques achats de vivre : tomates, oignons, salade, viande de bœuf, œufs,… Cette ville est encore aujourd’hui connue pour sa cimenterie et une décortiquerie d’arachides. J’ai fait connaissance plus tard à Niamey du directeur de la cimenterie qui avait épousé une française.

Un soir en arrivant à ma case une femme accompagnée d’une jeune fille m’attendaient. Elles ne parlaient pas français. J’ai dû faire appel à Mahaman pour nous traduire. La femme dégrafe le pagne de sa fille qui se retrouve torse nue devant moi. Son thorax n’est qu’une croûte pulvérulente avec, au milieu de cette misère, deux tétons épargnés qui pointaient fièrement. Ells m’expliquait que sa fille avait été scarifiée et que cela s’est entièrement infecté. Elle souffrait et avait probablement de la fièvre. “Le Blanc” était souvent synonyme de médecin. Non seulement je ne l’étais pas et de plus ma pharmacie entièrement vide. Je lui indiquais que le lendemain après-midi j’allais à Malbaza et que je pourrais prendre la jeune fille et la déposer au dispensaire tenu par des Bonnes-Sœurs. Le lendemain la jeune fille prenait place dans le pick-up. Je la laissais en de bonnes mains. Je n’ai jamais eu de ses nouvelles.

Peu à peu nous découvrions l’Ader Doutchi Maggia, plateau du Niger central couvrant près de 10000 ha, entaillé par trois profondes vallées qui traversaient les couches fertiles de l’éocène. La pluviométrie est d’environ 400 mn au nord (Tahoua) et 600 mn au sud, réparti sur quatre mois (800 mn. pour la France). Cette pluviométrie, sur les terrains dépourvus partiellement de végétation, générait une érosion avec des ruissellements. Pour remédier à ce phénomène il a été réalisé des campagnes de construction de “banquettes“. Cela consistait à édifier de petits murets en pierres sèches, en suivant des courbes de niveau. Celle-ci étaient réalisées par la population locale, sous la direction généralement de V. P. (Volontaire du Progrès). Grâce aux banquettes l’eau ne pouvait pas prendre de vitesse et laisser sur place les parties fines. En général quelque année après était lancée une campagne d’ensemencement ou de boisement.

A SUIVRE 

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