Qu’est que t’as fait à la guerre, Papa ? (11-Pessimisme)

Pesimisme
17 juillet

Aucune nouvelle depuis deux jours. La TSF doit être cassée car le haut-parleur installé au milieu de la cour reste muet. Dommage. Les bruits qui circulent sont plus nombreux que jamais. Rien n’est prouvé ni confirmé. Toujours anxieux.

Des femmes de camarades ont su qu’ils étaient ici et ont fait des prodiges de vélo pour venir voir leurs maris. Elles sont venues de Troyes, 170 kilomètres en deux jours. C’est superbe. Par elles, nous pensons pouvoir rentrer vers la fin du mois. Ce sont les choses que l’on dit ici à l’intérieur. Est-ce vrai ?

Jamais les jours n’ont été aussi longs. La journée va passer, morne et triste. Il pleut. Je suis enrhumé. L’épidémie semble stationnaire.

Le soir
Il a plu toute la journée. Pas moyen de mettre le nez dehors. Je suis fatigué d’être enfermé dans cette grande chambre. Mal à la tête, deux cachets offerts me feront du bien cette nuit.
Un vent pessimiste ne cesse de souffler. Les jours s’ajoutent aux jours. Je rêve sur mon matelas extra-plat.
Tristesse de ces journées vides alors que tout nous appelle à Paris. Reconstruire cette France appauvrie, meurtrie. La faire aussi belle qu’avant malgré ses amputations.

Nourriture aujourd’hui : un plat de nouilles, un tiers de boule, un bout de gruyère, un quart de bouillon. C’est peu, c’est assez.
Ceux qui vont travailler rapportent des fromages, du pain civil et quelques provisions. Ils nous en offrent généreusement.
Prunet, Mas et moi nous attendons l’obligation d’aller au travail. Les jours sont longs.
J’ai reçu une nouvelle lettre de Bichette transmise par un camarade. Il doit beaucoup souffrir. Chaque jour, on lui fait une piqure de morphine pour calmer la douleur. Pauvre vieux. Je ne peux toujours pas aller le voir.

D’après un officier qui arrive de Metz, ce camp serait libéré ainsi que celui d’Epinal. Cela fonctionnerait par numéro. Notre tour serait proche. Je n’y crois plus, je deviens fataliste. Pourtant ils sont encore nombreux ceux qui s’accrochent à cet espoir ?
La pluie ne cesse de tomber.

De la ville de Verdun où les habitants commencent à rentrer, il nous est rapporté du fromage, des dragées. Nous en mangeons des quantités, Prunet et moi. Soif !

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