Qu’est que t’as fait à la guerre, Papa ? (10-Les Alsaciens sont partis)

Les Alsaciens sont partis

Mardi 16 juillet

Je suis toujours sans nouvelle des miens. Quelle angoisse !
Nous ne foutons toujours rien, pas plus Prunet que moi.
Comme tout le monde, j’espère que cette journée nous apportera du nouveau et que bientôt nous verrons des départs à grande cadence.
Seuls les cheminots sont partis. Mais les Alsaciens sont encore là malgré l’espoir qu’ils avaient de partir les premiers. Déjà beaucoup ont tourné casaque. Nous les voyons avec les allemands. Ils sont interprètes et cette fonction leur donne de l’importance…à leurs yeux.

Hier soir la femme de Grandchaudron est venue d’Epinal lui rendre visite. Elle avait appris sa présence ici par toute une filière. Epinal est très abîmée. Jeufey où nous avons été formés est également très touchée. Douze cents morts dans ce petit bled.
Nous aurons de douloureuses surprises en rentrant.

Ce soir, rien de nouveau. Les Alsaciens-Lorrains ont quitté le camp. Sont-ils libérés? De toute façon aucun de nous n’envie leur sort.
Cette journée marque un certain découragement. Aucune lueur d’espoir, bien au contraire. Les bruits de libération rapide se font plus rares, les bouteillons sont pessimistes. Faudra-t-il attendre la signature de la paix ?

Grace à certains débrouillards, Dumousseau en tête, nous mangeons. À midi deux grands plats de pâtes à la végétaline ont été dévorés rapidement (ça glisse à toute allure dans les boyaux) avec du pain et du fromage resquillés je ne sais où. Ce soir, confiture ersatz, eau javellisée par nos soins, c’est tout.
Je suis allé au lavabo pour me laver des pieds à la tête, ça va mieux.

Ce sont dorénavant les officiers français qui prennent la direction du camp. Nous craignons qu’ils soient plus durs que les Allemands.

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