A propos des biographies

« J’ai toujours hésité avant de lire la biographie de tel ou tel écrivain que j’admirais. Les biographes s’attachent parfois à de petits détails, à des témoignages pas toujours exacts, à des traits de caractère qui paraissent déconcertants ou décevants et tout cela m’évoque ces grésillements qui brouillent certaines émissions de radio et rendent inaudibles les musiques ou les voix. Seule la lecture de ses livres nous fait entrer dans l’intimité d’un écrivain et c’est là qu’il est au meilleur de lui-même et qu’il nous parle à voix basse sans que sa voix soit brouillée par le moindre parasite. »

Extrait du discours prononcé par Patrick Modiano à Stockholm à l’occasion de la remise du Prix Nobel de littérature 2014

4 réflexions sur « A propos des biographies »

  1. Il parle bien ce monsieur Modiano, c’est plein de sensibilité, j’adhère, il faudra que je lise un de ses livres, mais accessible!!!!!!!!!!! Un jour j’ai acheté un livre primé par le prix Goncourt je n’ai pas pu allé à la 2ème page c’était incompréhensible pour moi !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

  2. Bien avant Modiano, Marcel Proust avait dit la même chose, mais de façon plus savante et plus définitive :
    « L’œuvre de Sainte-Beuve n’est pas une œuvre profonde. La fameuse méthode, qui en fait, selon Taine, selon Paul Bourget et tant d’autres, le maître inégalable de la critique du XIXe, cette méthode, qui consiste à ne pas séparer l’homme et l’œuvre, à considérer qu’il n’est pas indifférent pour juger l’auteur d’un livre, si ce livre n’est pas « un traité de géométrie pure », d’avoir d’abord répondu aux questions qui paraissent les plus étrangères à son œuvre (comment se comportait-il, etc.), à s’entourer de tous les renseignements possibles sur un écrivain, à collationner ses correspondances, à interroger les hommes qui l’ont connu, en causant avec eux s’ils vivent encore, en lisant ce qu’ils ont pu écrire sur lui s’ils sont morts, cette méthode méconnaît ce qu’une fréquentation un peu profonde avec nous-mêmes nous apprend : qu’un livre est le produit d’un autre moi que celui que nous manifestons dans nos habitudes, dans la société, dans nos vices. Ce moi-là, si nous voulons essayer de le comprendre, c’est au fond de nous-mêmes, en essayant de le recréer en nous, que nous pouvons y parvenir. Rien ne peut nous dispenser de cet effort de notre cœur. Cette vérité, il nous faut la faire de toutes pièces et il est trop facile de croire qu’elle nous arrivera, un beau matin, dans notre courrier, sous forme d’une lettre inédite, qu’un bibliothécaire de nos amis nous communiquera, ou que nous la recueillerons de la bouche de quelqu’un, qui a beaucoup connu l’auteur. »
    Extrait de « Contre Sainte-Beuve »

  3. Ce propos de Modiano tombe à pic en ce qui me concerne. Je lis en ce moment la biographie de Daphné du Maurier (« Manderley for ever » écrite par une française, Tatiana de Rosnay), ecrivain (n.m. selon le dictionnaire) anglaise que j’affectionne, et je me suis fait une réflexion identique. Cette biographie est exagerement romancée et en le disant je ne prétend pas concourir pour le prix Nobel, qu’on se le dise!

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