Sacrée soirée ! (22)

22

Charles n’est pas du tout de cet avis. Il fait semblant de gémir :

— Ah ben, non, alors ! Si vous avez des trucs à dire, dites-les mon vieux, ne vous dégonflez pas. La nuit risque d’être encore longue.

Pour une fois, je suis complètement d’accord avec lui. Et puis, avec appétit, il ajoute :

— Alors, qu’est-ce qu’elle a comme cadavre dans son placard, la grosse pétasse ? On vous écoute !

J’espère qu’il va y aller franchement, le toubib, parce que cette soirée est en train de devenir le plus rigolo des blind-dinners de tous les temps. Et, je rêve, on dirait bien qu’il va s’y mettre. J’en profite pour lui piquer son siège. Ce n’est pas très confortable, un tabouret de traite mais, pour ce qui s’annonce, ce sera mieux qu’un coin de table de ferme. Tu peux y aller, André, je suis tout ouïes. Il se lance :

— Oh ! Et puis la barbe, après tout ! Dites-moi, Kris, je vous ai bien entendu tout à l’heure ? Vous avez bien dit « Je n’ai pas d’enfant, Dieu merci ! » ? C’est bien ça ?

Kris a pâli. Elle a bloqué sa respiration.

— C’est donc bien ça ! Vous n’avez pas d’enfant. À la place, vous avez Marc-Antoine, un chien caractériel tueur de moutons. C’est préférable, non ? Parce que, si un jour, il devait devenir encore plus méchant, vous pourriez toujours le faire piquer, n’est-ce pas ? C’est ça, l’avantage avec un animal. On peut toujours s’en débarrasser. Tandis qu’avec un enfant, c’est plus difficile.

— Arrêtez ! gronde Kris. Arrêtez ça tout de suite !

— À propos, quel âge a-t-il aujourd’hui, le petit Frédéric ? Huit ans ? Neuf ans ? Pardon ? Je ne vous entends pas… Vous savez, ce petit garçon, si mignon à la naissance… C’est bien Frédéric, n’est-ce pas ?… Ça ne vous dit rien ? Voyons, faites un effort ! … le bébé que vous avez mis au monde dans cette clinique d’Orléans. À la naissance, il était en bonne santé, le gamin, trois kilos et quelques et tout ce qu’il fallait pour faire un bel enfant. C’est du moins ce que m’avait dit le gynéco qui vous avait accouchée. C’est un ami : nous étions ensemble à la Fac. Je le vois toujours d’ailleurs. Il serait content d’avoir des nouvelles du petit. C’était sa première fois, je crois. Vous aussi ? Non, je veux dire, c’était votre premier enfant ? Pardon ?

— Arrêtez ça, je vous dis, grince Kris entre ses dents. Et d’abord, qu’est-ce que vous faites du secret professionnel ? Vous êtes médecin, que je sache !

— Ah ! Mais ce n’est pas moi qui le détiens, ce secret ; c’est mon copain de fac. Et puis je ne vois pas en quoi me dire qu’une de ses premières parturientes est devenue la célèbre Kris Wu serait condamnable. Bon, de toute façon, moi, ce qu’on m’a dit, c’est que vous ne l’avez pas gardé longtemps, le petit Frédéric. Combien exactement, deux ans, trois ans ? C’est vrai qu’à la longue, il était devenu encombrant, n’est-ce pas ? Célibataire, avec votre belle carrière qui commençait, ce n’était pas facile tous les jours. Alors, qu’est-ce que vous en avez fait, du gamin ? Vous vous en êtes débarrassé, c’est ça, hein ?

— Espèce de salopard ! Je ne m’en suis pas débarrassé, comme vous dites. Je l’ai confié à une famille… En Auvergne, des gens très bien…

— Tiens donc ! Vous l’avez confié ! Et moi qui croyais qu’on vous l’avait retiré, le petit Frédéric, pour négligence et défaut de soins à enfant en bas âge. Je croyais que vous ne l’aviez pas vu depuis cinq ans et que vous n’aviez jamais envoyé le moindre centime à sa famille d’accueil. Comme on peut se tromper, quand même !

— Je vois bien d’où vous tenez ces informations abracadabrantesques. Cet article est un tissu de mensonge. Tout le monde sait ce que ces tabloïds anglais peuvent inventer pour faire du tirage. Je suis d’ailleurs étonné que vous lisiez ce genre de feuille à scandales. D’ailleurs, je les attaque en justice… pour diffamation.

— Vous les avez attaqués ? C’est fait ? demande André d’un air inquisiteur.

— Pas encore, mais je suis sur le point de le faire. Mon avocat…

— Je vois, je vois… dit André, avec l’air de ne pas avoir l’air.

— Salopard ! siffle Kris entre ses dents tandis qu’elle fixe le toubib d’un regard plein de haine.

A SUIVRE


Bientôt publié

Demain, 07:47 Tableau 368
Demain, 16:47 Brèves de mon comptoir (11)
21 Oct, 07:47 Journal des Coutheillas : établissement secondaire
22 Oct, 07:47 Sacrée soirée ! (23)

2 réflexions sur « Sacrée soirée ! (22) »

  1. Ah ben, non ! La prochaine fois, ça va être le tour de l’acteur ! Pour les autres, il faudra encore un peu de patience.

  2. Encore, encore! Au tour de Gérald et Anne de passer à la casserole.

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