Sacrée soirée ! (20)

20

C’est qu’il a l’air content de lui, le roi de la photocopieuse.

— Alors, ça vous a plu, ma minute de vérité ? continue-t-il. Pas mal, hein ? Allez, zou, au suivant !

Charles se plante devant André et, en le pointant du doigt :

—Allez, à vous, André !

Mais André n’a pas l’air partant du tout.

— Écoutez, Charles, Tout le monde se fout que vous ayez plagié la bible ou l’annuaire du téléphone et personne n’a envie de jouer à votre truc. Alors, écoutons sagement la radio en attendant le message du Président.

— Vraiment, André, vous me décevez ! Un toubib, ça peut pas avoir la conscience complètement tranquille. Je suis sûr que vous avez des tas de trucs sensationnels à raconter. Vous pourriez nous en dire un, au moins ! Allez ! Juste un petit truc ! S’il vous plait ! Qu’on se marre un peu…

— Vous commencez à me casser sérieusement les pieds, vous savez ? Je n’ai rien sur la conscience, et si j’avais quelque chose, ce n’est certainement pas à vous que j’irais le confier. Alors, continuez à picoler et foutez-moi la paix !

— Z’êtes pas marrant, quand même ! Vous voulez même pas nous dire de quoi vous discutiez avec notre charmante hôtesse tout à l’heure à table ?

Il commence à avoir un peu trop bu, l’Hemingway du copié-collé. Ça fait un petit moment que son élocution est devenue pâteuse et que son français a tourné moins académique que tout à l’heure. Par contre, il devient de plus en plus intéressant. Il tient surement quelque chose : il suffit de voir l’affolement de Renée qui écarquille les yeux et la colère d’André qui rougit brusquement. Il va y avoir du sport. C’est vrai que c’était pas si bête, cette idée de jeu de la vérité. On va peut-être enfin s’amuser un peu. C’est le moment d’être attentif.

— Nous parlions de cinéma, voilà ! répond André d’un ton sec.

— De cinéma ? Ben voyons ! Alors ça devait être de ce film italien, là… C’était comment son titre déjà ? Ah oui ! « L’argent de la vieille ». C’est ça, non ? L’argent de la vieille !

Renée fusille Charles du regard. Elle lui lance :

— Vous avez trop bu, mon cher. Vous dites n’importe quoi !

— J’ai peut-être un peu bu, chère amie, mais je sais ce que j’ai entendu. Et ça m’avait pas l’air d’une critique de cinéma ! J’avais plutôt l’impression que le toubib vous demandait de l’argent et que vous vouliez pas lui en donner. Mais peut-être que c’était le prix d’une consultation qu’il voulait. Ah, ben non ! C’est pas possible puisque qu’il consulte pas, le médecin ! Alors, c’était pour quoi, le fric ?

Charles s’est penché vers André et lui agite son index sous le nez.

— Allez, dites-le nous, André ! C’était pour quoi ?

On dirait Hercule Poirot en train de cuisiner le Colonel Moutarde. Visiblement, le colonel ne sait pas trop quelle attitude adopter. À sa place, moi, je me draperais dans ma dignité et je resterais muet, de marbre, hiératique même, si c’est bien le mot que je cherche. Mais il faut dire que je ne connais pas le fin mot de l’histoire, bien que je commence à me douter de quelque chose. Attendons la suite.

— Charles, je vous conseille très charitablement d’arrêter de boire. Visiblement, vous ne tenez pas l’alcool et ça vous fait dire des âneries. Je vous conseille aussi d’arrêter cette inquisition qui met tout le monde mal à l’aise. Et pour clore le débat, et bien que cela ne vous regarde en aucune manière, je vous informe que si Renée et moi parlions d’argent, c’est à propos d’un tableau qui me vient de mon père et qu’elle voudrait acheter. Voilà, c’est tout. N’est-ce pas, Renée ?

Renée qui n’avait pas quitté André des yeux pendant toute sa tirade parait terrorisée. Elle croit bon d’ajouter :

— Ce que vous ne savez peut-être pas, Charles, c’est que le père d’André était peintre, un peintre assez coté, d’ailleurs. J’ai toujours eu envie d’acheter une de ses toiles, mais je trouvais celle-là un peu chère. Voilà tout.

Charles esquisse une courbette à l’ancienne et balayant le sol d’un feutre imaginaire, il s’exclame :

— Alors là ! Chapeau ! Non, je dis chapeau ! Quelle belle histoire que ce tableau du papa ! Inventée en un tournemain par le monsieur, et confirmée et précisée dans la seconde par la dame… et en plus, presque plausible puisque le papa du monsieur était peintre. Alors, je dis chapeau !

A SUIVRE

 

Une réflexion sur « Sacrée soirée ! (20) »

  1. Et moi aussi je dis « chapeau », c’est une belle histoire, mais pas une romance comme celle que chantait Michel Fugain avec son Big Bazar (il y a 50 ans).

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