Raïmé, le petit indien

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Voici un conte exotique que Cécile avait écrit pour Guillaume, 9 ans, et Sébastien, 6 ans, en 1989 alors qu’elle voyageait en Amérique du Sud.  

Raïmé, le petit indien

1

C’est l’histoire d’un petit indien, Raïmé, qui avait sept ans et qui habitait l’Équateur. Il faisait partie de la tribu des Otavalos. La particularité de ces Indiens, c’est leur tenue. Ils ont un pantalon blanc, une chemise bleu ciel et un poncho bleu marine. En plus, ils portent une très longue tresse de cheveux.

Raïmé vivait dans un petit village dans les Andes. Il avait de nombreux frères et sœurs et comme il ne savait pas compter, il ne pouvait pas dire exactement combien. Alors, quand on le lui demandait, il répondait « beaucoup ».

La maman de Raïmé s’occupait de la maison, du bois pour le feu, parce que dans les Andes il fait très froid la nuit, de la cuisine, de ses enfants et de leur troupeau de lamas. Quant au papa de Raïmé, il descendait tous les jours à Otavalo vendre de l’artisanat aux touristes qui passaient.

Bien sûr, Raïmé allait à l’école, mais pas tous les jours, de temps en temps, quand sa maman n’avait pas besoin de lui à la maison. Mais, même si Raïmé n’allait pas souvent à l’école, il savait beaucoup de choses. Toutes ces choses, il les apprenait avec le vieux sage du village. Ce vieux sage se faisait appeler Atahualpa, du nom du fils du roi inca du Pérou il y a bien longtemps. Atahualpa avait peut-être 80 ou 90 ans, plus de dents et un visage plein de rides. Mais dans le village de Raïmé, tout le monde le respectait et le saluait à son passage.

Raïmé passait le plus clair de son temps dans la maison de Atahualpa, ou plutôt dans sa hutte. La hutte de Atahualpa était un vrai bric à brac : il y avait de l’encens, des peaux de lamas, des peaux de serpents, des bocaux avec des herbes… Atahualpa expliquait à Raïmé comment soigner des blessures avec des herbes, comment capturer des serpents sans se faire piquer, comment trouver son chemin grâce aux étoiles… Mais Raïmé savait, comme tous les gens du village, qu’Atahualpa avait d’autres pouvoirs, beaucoup plus secrets…

Et quand Raïmé est rentré chez lui le soir, les gens sur son passage lui disait en riant : « Alors, petit Atahualpa, quand est-ce que tu me transforme en lama ou en poncho ? » Malheureusement, Atahualpa n’avait encore rien dit de ses pouvoirs à Raïmé, mais Raïmé savait qu’un jour il lui montrerait tout.

2

Tout à coup, par un matin d’hiver, alors que Raïmé était chez lui avec ses frères et sœurs et que sa maman était en train de s’occuper des lamas, le ciel devint tout noir. Les animaux se mirent à devenir nerveux, à bouger, à courir partout. La maman de Raïmé se mit à crier : « Vite, vite, Raïmé, cours chez Atahualpa, dis-lui que la terre va trembler ! »

Un tremblement de terre ! Raïmé savait ce que c’était : sa grand-mère lui avait raconté. Et ce tremblement de terre, qu’elle avait vécu, avait laissé une grande faille dans la terre qui, disait-on, traversait tout le pays.

Raïmé se mit à courir, courir, courir vers chez Atahualpa. Il sentait le sol bouger sous ses pieds ; il tombait mais se relevait aussitôt. Lorsqu’il arriva chez Atahualpa, il vit que le toit de la maison, fait de branches, s’était effondré. Mais où donc était Atahualpa ? Il se mit, malgré les secousses de plus en plus violente, à déblayer les branches et, enfin, il trouva Atahualpa sous les décombres : il était vivant !

Atahualpa dit alors à Raïmé : « Je n’ai plus de forces. C’est toi aujourd’hui qui va sauver le village. Écoute ce que je te dis et suis mes instructions à la lettre »

Raïmé était tellement ému qu’il en eut les larmes aux yeux. Atahualpa lui dit : « Va au lac qui est au sommet de la montagne. Ce lac est situé dans le cratère d’un volcan : c’est de là que partent les secousses et c’est là que tu dois les maîtriser. En haut, tu liras cette lettre qui t’indiquera tout ce qu’il faut faire. Va, dépêche-toi, je t’attends ! »

Raïmé est parti alors vers le lac en tenant bien serré dans ses mains la lettre de Atahualpa. Il arriva alors au sommet du cratère au péril de sa vie, car les secousses faisaient tomber des blocs de pierres énormes qui le frôlaient. Le lac bouillonnait et fumait comme l’eau dans une casserole. Raïmé regarda longuement la lettre avant de l’ouvrir. À l’intérieur, sur un vieux bout de parchemin, Raïmé se mit à lire les consignes de Atahualpa :

FORMULES EN CAS DE TREMBLEMENT DE TERRE
La source du tremblement de terre se situe dans la grotte. Pour trouver cette grotte, regardez dans l’axe opposé au chemin qui mène au lac. Pénétrez dans la grotte, allez tout au fond. Une fois au fond, montez sur la pierre plate et tournez trois fois sur vous-même. Après, à vous de jouer… Mais attention ! »

Cette lettre était bien étrange. Que voulait donc dire Atahualpa en écrivant « Après, à vous de jouer… Mais attention ! » ? Mais, ce n’était vraiment pas le moment de réfléchir et Raïmé fila vers la grotte. Une fois à l’intérieur, il courut tout au fond, monta sur la pierre plate et tourna trois fois sur lui-même. Lorsqu’il rouvrit les yeux, Raïmé se trouvait face à une chose indéterminée. Elle était tellement bizarre que Raïmé ne savait pas s’il avait peur ou non. La chose devait faire environ trois mètres de haut ; elle était enveloppée d’une brume blanchâtre, ce qui faisait qu’on ne pouvait pas voir de façon précise ses contours ; la tête était à peu près celle d’un oiseau et le corps celui d’un immense tigre. Raïmé n’avait jamais rien vu de semblable de toute sa vie. Mais il fut encore plus stupéfait quand la bête se mit à parler : « Qui es-tu, toi qui oses venir dans mon antre ? »

Raïmé était tellement terrorisé par la force de cette voix qu’il ne pouvait prononcer une seule parole.

« —Réponds-moi, petit homme ou je te croque en apéritif !

—Euh… c’est Atahualpa qui m’envoie. Il m’a dit que je devrais venir ici pour le tremblement de terre mais je ne savais pas que vous habitiez là et je suis vraiment désolé de vous avoir dérangé.

— Eh bien, petit homme, je te trouve bien courageux d’oser m’adresser la parole ainsi ! Sais-tu que c’est moi qui ai provoqué ce tremblement de terre ! Je peux détruire ton village si je le veux. Et d’abord, dis-moi qui t’envoie ?

Raïmé bredouilla : « C’est Atahualpa ! » La chose répondit : « Et que comptes-tu faire maintenant ? Écoute-moi bien : si tu veux que j’arrête ce tremblement de terre, tu dois me promettre une chose. Je veux que tu construises sur la place de ton village un totem à mon image. Ensuite, je veux que, une fois par an, tu viennes me voir ici. Tu as compris ? »

Raïmé dit d’une traite : « Oui, je te promets. Dans une semaine, ton totem sera construit et dans un an, je serai ici devant toi »

« C’est bien, petit homme, ma colère est apaisée. Maintenant, rentre chez toi et présente mes salutations à ce vieil Atahualpa ! »

Au moment où Raïmé sortit de la grotte, les secousses se calmèrent et l’eau du lac devint aussi plate qu’un miroir. Raïmé, fou de joie, courut alors au village. Les gens étaient encore un peu affolés et les animaux couraient encore partout, mais la terre ne bougeait plus. Raïmé arriva devant chez Atahualpa. Celui-ci était assis par terre en tailleur. Il dit à Raïmé : « Raïmé, je tiens à te féliciter. Tu as été capable d’arrêter le tremblement de terre. Je suis vieux et fatigué, et j’ai besoin de quelqu’un pour me remplacer : ce sera toi ! Mais ne crois pas encore détenir tout mon savoir. Dix vies ne suffiraient pas à t’enseigner tout ce que je sais ! » Raïmé était ému aux larmes. Il voulut dire quelque chose mais Atahualpa l’en empêcha et lui dit : « maintenant, file ! Je sais ce que tu as à faire. Alors fais-le… »

Raïmé partit et pendant toute la nuit, sans se coucher, il sculpta un totem à l’effigie de la chose de la grotte. Il traîna le totem à l’aide de deux lamas jusqu’au centre de la place du village et l’installa.

Le matin, les gens se groupèrent autour du totem en se demandant d’où cela pouvait bien venir.

Quand Raïmé arriva, il monta sur une chaise et dit haut et fort : « Ne me demandez pas pourquoi ce totem est là, je ne peux pas vous répondre. Mais sachez une chose : tant qu’il y sera, vous n’aurez plus à craindre les tremblements de terre ! »

3

Voilà, c’est la fin de cette histoire. Aujourd’hui, si vous allez dans ce village, vous pouvez toujours voir au centre de la place un drôle de totem avec une tête d’oiseau et un corps de tigre. Et si vous allez au bout du village, vous trouverez une hutte. Dans cette hutte habite un vieil Indien qu’on dit être le sage du village. Cet indien s’appelle Raïmé.

 

Une réflexion sur « Raïmé, le petit indien »

  1. Très bien mené cette petite histoire pleine de tendresse et bienfaits?
    Bravo à la hermana mayor !

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