Le mécanisme d’Anticythère – Chapitre 2

Chapitre 2 – Archimède de Syracuse
Hiver 212 av. J.-C.  

C’est le matin à Syracuse et les rues sont désertes. De la partie haute de la vieille cité, on peut contempler aussi bien la mer qui baigne la presqu’île que la campagne qui entoure la citadelle. La mer est couverte de vaisseaux et, de la campagne, montent les fumées des camps ennemis dont on peut apercevoir les fortifications et les machines de guerre. Apparait un vieil homme. Il a entrepris de descendre les rues abruptes de l’acropole qui mènent au port. Il est suivi d’un jeune serviteur qui porte sans peine une petite caisse qui ne doit pas peser plus d’un demi-talent. A soixante-quinze ans, Archimède est encore vaillant et s’il s’est muni d’un bâton, c’est par habitude, pour écarter les chiens. Pourtant, des chiens, il n’y en a plus à Syracuse. Les habitants en ont mangé la plupart et les autres ont fui la ville.

Le siège de Syracuse dure depuis plus d’un an et Marcus Claudius Marcellus, le Consul qui commande l’expédition, est excédé. Par ses espions, il a appris que le plus grand savant du monde, Archimède, est dans les murs et que c’est à lui qu’il doit l’incendie de deux galères et de trois tours d’assaut et l’échouage définitif de la plus grande de ses trirèmes. Comment ce prodige a-t-il été possible, Marcellus ne l’a pas encore compris, mais comme il ne croit ni aux dieux ni à la magie, il compte bien l’apprendre du savant lui-même lorsque la ville aura été enfin prise.

Le vieil homme qui descend de l’acropole est pressé et nerveux et pour cela, il a de bonnes raisons : dans la petite caisse portée par son serviteur, il y a la concrétisation de cinq années de travail, une machine comme on n’en a jamais vue, un bijou de machine, une machine presque achevée.  Il l’appelle Phatis Kronos Ekleipsis, ou plus simplement Phatis. Encore quelques mois de travail, encore quelques intuitions géniales, et Phatis pourrait changer la face du monde et, a fortiori, le sort de la guerre. Archimède en est convaincu. Mais autour de lui, il y a les espions de Marcellus et autour des espions, les soldats, les balustres et les bateaux de Marcellus.

Il y a plusieurs semaines qu’Archimède a compris que le siège ne durerait plus très longtemps. L’effet de surprise de ses inventions est passé, et faire brûler un bateau à l’aide de simples miroirs concaves ou le soulever à l’aide de grappins et de leviers pour le laisser retomber sur les rochers n’est pas chose facile, même si les assiégés ont eu beaucoup de chance au début. Bientôt, les Romains entreront dans Syracuse. Ce qu’ils ne détruiront pas, ils le prendront comme butin pour l’emporter à Rome. Archimède n’y peut plus rien, mais il faut absolument que Phatis reste grecque, et pour cela, il faut l’envoyer à Corinthe, la métropole dont la Grande Grèce dépend.

La méthode est au point. La caisse qui contient la machine sera cousue dans une peau de brebis rendue étanche au moyen de graisse de porc. A cette baudruche, seront attachées des petites amphores vides et scellées à la cire. Elles serviront de flotteurs. Cette nuit, un pêcheur se mettra à l’eau entre les barques du port et nagera plein Est en poussant le colis devant lui jusqu’à ce qu’il rencontre le petit bateau carthaginois qui doit tirer des bords bien au-delà de la ligne que forment les galères romaines et qui l’emportera jusqu’à Corinthe. Là-bas, la machine sera remise à Sthennis. On peut avoir confiance en Sthennis. Son atelier avait déjà construit l’ébauche de la machine il y a deux ans.  Archimède sait qu’il cachera Phatis jusqu’à ce qu’il puisse le rejoindre.

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5 réflexions sur « Le mécanisme d’Anticythère – Chapitre 2 »

  1. Jacques Martin est mort, ainsi que son homonyme, mais il fait partie de ces auteurs qui continuent à être publié (sous des noms d’emprunts) après leur mort : voir E.P. Jacobs pour Blake et Mortimer, Giraud pour Blueberry, Goscinny pour Astérix.
    Moralité : si vous voulez être immortels, dessinez !

  2. Le dessinateur est mort en 2010. L’homme du Dimanche à la télévision aussi, mais en 2007.

  3. Oui,mais moi, je vais m’étendre sur plus de deux mille ans ! Il peut toujours s’aligner, Martin.

  4. Cela fait furieusement penser à la série des aventures d’Alix (Jacques Martin) !

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